Monsieur X a fait l’objet d’une mesure d'hospitalisation psychiatrique provisoire sans consentement décidée par le maire et suivie d’un arrêté d'admission complète pris par le préfet. Le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de la mesure. Le pourvoi conteste la régularité de la procédure, soutenant qu'était expiré le délai de quinzaine dans lequel le juge devait statuer. La Courde cassation rejette le pourvoi et considère qu’en cas d’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État, le délai pour que le juge des libertés et de la détention statue sur le bien-fondé de la mesure commence à courir à compter de l’arrêté pris par le préfet et non à partir de l’arrêté du maire prescrivant des mesures provisoires.
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 5 février 2014
N° de pourvoi: 11-28564
Publié au bulletin
Rejet
M. Charruault (président), président
SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président (Besançon, 21 octobre 2011), que M. X... a fait l'objet, le 19 septembre 2011, d'une mesure d'hospitalisation psychiatrique provisoire sans consentement, décidée par le maire de Besançon, et suivie, le 21 septembre 2011 d'un arrêté d'admission complète pris par le préfet du Doubs ; que le juge des libertés et de la détention, régulièrement saisi aux fins d'autoriser la poursuite de la mesure, a statué en ce sens le 4 octobre 2011, nonobstant qu'il fût soutenu devant lui qu'était expiré le délai de quinzaine dans lequel il devait juger, « à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du titre I du livre deuxième de la troisième partie du code de la santé publique » ; que l'ordonnance, censurant les motifs du premier juge, en a confirmé le dispositif ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'autoriser la poursuite de son hospitalisation psychiatrique complète alors, selon le moyen :
1°/ que, par application de l'article L. 3211-12-1 § I, alinéa 1er, 1°, du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention doit prendre sa décision dans les quinze jours « à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre » ; que, l'admission ordonnée par le maire sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique étant une admission « prononcée en application d u chapitr e III du présent titre », il s'ensuit que le juge des libertés et de la détention devait statuer dans les quinze jours de cette admission ; qu'en faisant courir le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention était tenu de prononcer, non de l'arrêté que le maire de Besançon a pris le 19 septembre 2011 et de l'admission subséquente de M. X..., mais de l'arrêté pris, le 21 septembre 2011, par le préfet du Doubs, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 3211-12-1, § I, et L. 3213-2 du code de la santé publique ;
2°/ que l'article R. 3211-31, alinéa 1er, du code de la santé publique dispose que « le premier alinéa de l'article 641du code de procédure civile n 'est pas applicable » au délai de quinze jours dans lequel la juridiction des libertés et de la détention doit statuer ; qu'en décidant le contraire, la juridiction du premier président de la cour d'appel a violé l'article R. 3211-31 du code de la santé publique ;
Mais attendu que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, par lequel s'ouvre le chapitre III dudit code, seul concerné en l'espèce et intitulé « Admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat », dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté motivé l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que l'article L. 3213-2 prévoit qu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, le maire arrête, à l'égard de celles dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat qui prononce, s'il y a lieu, un arrêté « d'admission en soins psychiatriques » dans les formes prévues à l'article L. 3213-1, l'absence d'une telle décision rendant caduques ces mesures provisoires au terme d'une durée de quarante-huit heures ; qu'en vertu de l'article L. 3211-12-1, l'hospitalisation complète d'un patient ne se poursuit qu'autant que le juge des libertés et de la détention, saisi par le représentant de l'Etat lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III précité, a statué sur cette mesure : 1°/ avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée en application du chapitre III ; 2°/ avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le représentant de l'Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète, en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3 ; qu'il résulte de ces textes que seul le représentant de l'Etat est habilité à prendre, au sens de la loi, un arrêté « d'admission en soins psychiatriques », une éventuelle décision antérieure du maire, fût-elle de même nature, ne constituant qu'une des mesures provisoires dont l'article L. 3213-2 lui ouvre la possibilité générique, sans qu'elle revête la qualification légale, de sorte que le délai dans lequel le juge statue sur une admission administrative en soins psychiatriques se décompte depuis la date de l'arrêté pris en ce sens par le représentant de l'Etat ; que par ce motif de pur droit substitué, après avis donné aux parties, au motif critiqué par la seconde branche du moyen, l'ordonnance, qui constate que le juge des libertés a statué le 4 octobre 2011, à propos d'un arrêté préfectoral « d'admission en soins psychiatriques » pris le 21 septembre 2011, se trouve ainsi légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR autorisé la continuation de l'hospitalisation psychiatrique complète de M. X... ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... a été admis le 19 septembre 2011, et ce, à titre provisoire, au centre hospitalier de Y., dans le service de psychiatrie, à la suite d'une décision rendue le même jour par M. le maire de la ville de Besançon agissant sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la sante publique ; que, par arrêté en date du 21 septembre 2011, M. le préfet du Doubs a ordonné l'admission en soins psychiatriques de l'intéressé sous la forme d'une hospitalisation complète » (cf. ordonnance attaquée, p. 2, 1er alinéa) ; que, « par requête déposée le 29 septembre 2011, M. le préfet du Doubs a saisi le juge de la détention et des libertés du tribunal de grande instance de Besançon aux fins d'autorisation de la poursuite de l'hospitalisation complète de M. X... ; que, par ordonnance rendue le 4 octobre 2011, le juge saisi a fait droit à la demande » (cf. ordonnance attaquée, p. 2, 2e alinéa) ; « que, dans sa décision en date du 19 septembre 2011, M. le maire de Besançon a ordonné une hospitalisation d'office de M. X... en centre hospitalier de manière à y recevoir les soins appropriés à son état ; qu'il convient de constater que l'objet de l'arrêté préfectoral tendait aux mêmes fins dès lors qu'il ordonnait l'hospitalisation complète de M. X... en vue de lui dispenser des soins psychiatriques ; que les deux décisions diffèrent uniquement sur un point, à savoir : les conditions dans lesquelles elles ont été rendues, la première étant prononcée dans l'urgence, la seconde opérant une "régularisation" de la décision initiale » (cf. ordonnance attaquée, p. 4, 3e attendu) ; « qu'il échet, d'autre part, de rappeler que l'article L. 3211-12-1 (2°) renvoie expressément au dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou au III de l'article L. 3213-3 ; qu'il y a lieu de constater que la situation de M. X... ne correspondait à aucune des hypothèses visées par les décisions précitées ; qu'il convient de faire application du 1° de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique » (cf. ordonnance attaquée, p. 4, 4e attendu) ; « qu'aux termes de l'article 641, alinéa 1er, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ; qu'en l'espèce le délai de quinze jours n'a commencé à courir que le 20 septembre 2011 pour expirer le 4 octobre 2011 à vingt-quatre heures ; qu'il s'ensuit qu'en statuant le 4 octobre 2011 sur la requête de M. le préfet du Doubs, le premier juge a fait une juste application des dispositions légales » (cf. ordonnance attaquée, p. 4, 5e attendu) ;
1. ALORS QUE, par application de l'article L. 3211-12-1, § I, alinéa 1er, 1°, du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention doit prendre sa décision dans les quinze jours « à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre » ; que, l'admission ordonnée par le maire sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique étant une admission « prononcée en application d u chapitr e III du présent titre », il s'ensuit que le juge des libertés et de la détention devait statuer dans les quinze jours de cette admission ; qu'en faisant courir le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention était tenu de prononcer, non de l'arrêté que M. le maire de Besançon a pris le 19 septembre 2011 et de l'admission subséquente de M.X..., mais de l'arrêté pris, le 21 septembre 2011, par M. le préfet du Doubs, la juridiction de M. le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 3211-12-1, § I, et L. 3213-2 du code de la santé publique ;
2. ALORS QUE l'article R. 3211-31, alinéa 1er, du code de la santé publique dispose que « le premier alinéa de l'article 641 du code de procédure civile n 'est pas applicable » au délai de quinze jours dans lequel la juridiction des libertés et de la détention doit statuer ; qu'en décidant le contraire, la juridiction de M. le premier président de la cour d'appel a violé l' article R. 3211-31 du code de la santé publique.