Le 12 juin 2024, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l’article L. 1111-17 du Code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 25 novembre 2021. Ce paragraphe prévoit que « Tout professionnel participant à la prise en charge d’une personne en application des articles L. 1110-4 et L. 1110-12 peut accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celle-ci et l’alimenter » et que « L’alimentation ultérieure de son dossier médical partagé par ce même professionnel est soumise à une simple information de la personne prise en charge ».
Le requérant reproche à ces dispositions de permettre à des professionnels qui ne relèvent pas de la catégorie des professionnels de santé et ne sont pas soumis aux mêmes règles déontologiques d’accéder au dossier médical partagé d’un patient, sans conditionner cet accès à un consentement libre et éclairé dudit patient, ni prévoir de garanties suffisantes concernant le type de données accessibles. Ces dispositions méconnaîtraient ainsi le droit au respect de la vie privée et seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ce même droit.
Par une décision du 12 septembre 2024, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions sont conformes à la Constitution.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel souligne qu’en ouvrant la possibilité d’accéder à certaines informations d’un dossier médical partagé aux professionnels qui participent à la prise en charge d’une personne, le Législateur a entendu améliorer la coordination des soins. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel précise que les dispositions contestées n’autorisent l’accès au dossier médical partagé qu’à des professionnels participant à la prise en charge d’une personne en application des articles L. 1110-4 et L. 1110-12 du Code de la santé publique. D’une part, l’accès aux informations du dossier médical partagé de la personne est limité à celles strictement nécessaires à sa prise en charge par chaque professionnel concerné. D’autre part, dans le cadre de la prise en charge d’une personne par une équipe de soins, cet accès n’est ouvert qu’à des professionnels participant directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostic, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes.
En troisième lieu, le Conseil constitutionnel relève qu’il ressort des termes mêmes des dispositions contestées qu’un professionnel ne peut accéder au dossier médical partagé que sous réserve du consentement de la personne préalablement informée. Par conséquent, demeurent applicables à l’accès au dossier médical partagé les garanties prévues à l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique relatives à l’échange et au partage d’informations médicales par tout professionnel et aux conditions selon lesquelles le consentement de la personne intéressée doit être recueilli. Par ailleurs, en application des articles L. 1111-13-1, L. 1111-15 et L. 1111-19 du Code de la santé publique, chaque patient peut, à tout moment, clôturer son dossier médical partagé, rendre certaines de ses informations inaccessibles ou modifier la liste des professionnels disposant d’un accès à ce dernier.
En dernier lieu, le Conseil constitutionnel rappelle que le fait pour un professionnel de santé d’accéder au dossier médical partagé d’une personne ou de révéler une information en méconnaissance du secret médical est susceptible de donner lieu à l’application des peines prévues au paragraphe V de l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique et à l’article 226-13 du Code pénal.