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Etat du droit en matière de chute des patients dans les hopitaux

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Objet : Etat du droit en matière de chute des patients dans les hôpitaux.

Il n'existe pas de législation spécifique à la matière. Cependant, la pratique et la jurisprudence permettent de dégager quelques principes généraux applicables à des situations-type.

Le principe de base est le suivant : le simple fait qu'une chute de patient se produise dans un établissement hospitalier ne révèle pas, par lui-même, un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier (C.E. 01/03/1989, C. c/ Ets nationaux des convalescents de Saint Maurice, Gaz. Pal. 1990, 1, somm. p. 57 / C.A.A. de Paris 04/02/1993, M. M, req. n°92PA00149 / C.A.A. de Bordeaux 04/05/1993, Mme I, req. n°91BX00653 / C.A.A. de Paris 17/03/1994, A.P.-H.P. c/ Mme L, req. n°93PA00557).

Il appartient à la victime de démontrer que la chute est imputable à un défaut d'organisation ou de fonctionnement du dit-service (C.E. 15/12/1982, M. V, req. n°30.303), en démontrant par exemple que ses déplacements au sein de l'établissement hospitalier nécessitaient l'assistance d'une tierce personne, ou la présence permanente auprès d'elle d'un membre du personnel (C.A.A. de Paris 04/02/1993, M. M c/ A.P.-H.P.).

La jurisprudence semble retenir trois critères dans l'appréciation des cas qui lui sont soumis :

1 - L'état du malade tel qu'il est connu par le personnel hospitalier : exigeait-il des mesures de sécurité ou de surveillance spéciales, voire des interdictions de se déplacer ?

2 - Le caractère prévisible ou, au contraire, difficilement prévisible, du comportement du malade.

3 - L'existence d'une faute exonératoire, si le patient victime d'une chute a commis une faute qui a contribué à celle-ci : cette faute sera en effet retenue pour réduire, voire écarter, la responsabilité de l'institution hospitalière.

De là, il est possible de dégager quelques situations-type que vous pouvez être amenée à rencontrer :

CHUTES D'UN LIT, D'UNE COUVEUSE, D'UN BRANCARD, D'UNE TABLE D'EXAMENS.

La pose de ridelles n'est pas systématique ; elle est décidée au cas par cas, selon l'état du malade, après avis du médecin ou de l'équipe soignante.

Ainsi, un malade dont l'état ne justifie ni la pose de ridelles ni l'adoption de précautions particulières en matière de surveillance, et qui de lui-même se lève de son lit et tombe, ne sera pas fondé à invoquer une quelconque faute des services hospitaliers (T.A. de Paris 25/01/1990, Melle Claire L, req. n°8802332/4 / T.A. de Paris 09/12/1997, M. D, req. n°9409332/6). On retrouve aussi l'idée que rien ne pouvait faire craindre la survenance d'un tel accident (T.A. de Paris 23/11/1994, J.-C. B).

Par ailleurs, l'état d'un patient peut nécessiter la mise en place d'un dispositif d'alerte (sonnette mobile) ou la mise à disposition d'un bassin pour lui éviter d'avoir à se rendre seul aux toilettes. En leur absence et en cas de chute, le service hospitalier est responsable (T.A. de Nice 18/07/1975 : malade de 80 ans prenant appui sur un lit à roulettes et faisant une chute grave).

S'agissant d'un bébé mis en couveuse et tombant sur le sol tandis que l'une des portes latérales s'était ouverte, l'hôpital sera jugé responsable puisque la défaillance du système d'ouverture constitue une faute dans le fonctionnement du service (affaire Lucas L - 1993).

Dans le cas d'un patient chutant d'un brancard en salle de réveil avant qu'on ait eu le temps d'installer des barrières de protection, il y a faute du service hospitalier dans la mesure où l'on aurait dû mettre en place ces barrières dès la sortie du bloc (affaire C - 1995). De même, plus généralement, lorsque l'état du malade ou les nécessité de son transport imposent la mise en place de telles barrières de sécurité.

En période postopératoire, le juge a tendance à considérer que la surveillance doit être renforcée.

Pour les chutes de tables d'examen, il faut s'attacher de la même manière à vérifier si le patient nécessitait une aide particulière pour en monter ou en descendre (T.A. de Paris 09/02/1993, Mme L & Mme R : chute d'une patiente de 83 ans voulant monter sur une table d'examen, la faute est constituée car une aide aurait dû lui être prodiguée / T.A. de Dijon 31/01/1984, C.H.R. de Dijon c/ M : patiente constatant la présence d'un liquide répandu sur le sol mais décidant de ne pas demander l'aide de tierces personnes et de descendre de la table de radiologie par ses propres moyens, chute mais absence de faute engageant la responsabilité hospitalière / T.A. de Marseille 19/09/1980, C.H. d'Arles c/ R : malade valide ne nécessitant aucune surveillance particulière et tombant d'une table d'examen après avoir reçu une série de piqûres, idem).

Il faut se demander : le patient était-il fragile, fatigué, vulnérable ? Lui avait-on demandé de patienter quelques instants dans la salle d'examens ? S'est-il levé malgré tout ? Le personnel était-il en nombre suffisant pour l'assister ?

CHUTES DANS LA CHAMBRE DU PATIENT.

Ici encore, se demander si le patient, surtout s'il est âgé, était valide, autonome et autorisé à se lever. Alors, si le patient passe outre une interdiction qui lui avait été faite, le service public hospitalier pourra être exonéré de toute faute. Encore une fois, un patient affaibli ne requérant pas une aide -pourtant possible- dans son déplacement et chutant suite à un vertige ne saurait invoquer la responsabilité de l'administration hospitalière (T.A. de Paris 19/11/1991, M. Jean-Louis M, req. n°8906670/6).

Si le patient glisse sur un sol glissant (du fait qu'il vient d'être lavé par exemple), vérifier les règles de sécurité prises pour éviter cet accident : le personnel avait-il prévenu le malade de l'état du sol ? Au contraire, le sol était-il souillé ? (feuille de salade, obstacle peu visible)

Si le patient chute alors qu'il reçoit des soins de toilette du personnel médical, la responsabilité du service est engagée (T.A. de Paris 03/11/1993, Mme F). Cependant, si le patient s'était vu reconnaître une certaine indépendance afin de favoriser son rétablissement, une chute consécutive à un étourdissement dans la salle d'eau n'engagera pas la responsabilité hospitalière (T.A. de Paris 06/07/1994, M. Jean-Pierre D & autres, req. n°9005529/3 & 9007711/3).

Pour les chutes dans des bacs à douche, vérifier que l'on avait bien posé un tapis antiglisse. Cependant, sur ce point et selon les circonstances de l'espèce, la mise en place d'un tapis antiglisse peut ne pas être indiquée en raison des inconvénients d'ordre hygiénique et microbien inhérents à ce type de matériel.

En revanche, s'agissant d'un patient tombant en sortant des toilettes où il s'était rendu accompagné de son épouse, la responsabilité sera écartée si les plaignants n'apportent pas la preuve qu'ils n'avaient pu obtenir l'aide d'un agent hospitalier, ce qui aurait conduit l'épouse à accompagner son mari (T.A. de Paris 19/12/1995, Mmes Esther C & Mme Eliane N, confirmé en appel : C.A.A. de Paris 21/10/1997, Mmes C & N, req. n°96PA01357).

CHUTES DANS L'ENCEINTE DE L'HOPITAL (couloirs, escaliers...).

On retrouve le même genre de situations :

Ainsi, un patient s'engageant sur un sol mouillé, "en refusant expressément de tenir compte de l'avertissement et de l'invitation à se tenir à la rampe que lui avait donnés l'agent chargé du nettoyage", commet une faute qui lui sera opposable en cas de litige (C.A.A. de Nancy 30/04/1992, Mme Ginette S, req. n°91NC00057 : "...la faute commise par l'intéressée est de nature à écarter toute responsabilité du Centre Hospitalier Régional..."). Pour les escaliers, vérifier que les marches n'étaient pas glissantes, qu'elles étaient munies d'une bordure abrasive, que l'éclairage était correct...

Vérifier aussi que la victime ne s'est pas blessée dans un lieu où elle n'avait pas le droit de se trouver en tant qu'usager du service public hospitalier (présence d'un panneau "interdit au public").

Si un patient chute de sa hauteur lors d'une crise d'épilepsie, il lui faudra établir un manquement par l'hôpital aux règles normales de surveillance pour engager sa responsabilité, car le caractère imprévisible d'une telle crise peut exclure toute idée de défaut dans l'organisation ou le fonctionnement du service (C.A.A. de Paris 27/02/1996, Mme B c/ A.P.-H.P., req. n°94PA01761).

Pour une chute dans une cage d'ascenseur, si la victime avait pu ouvrir sans effort la porte palière donnant accès à l'ascenseur alors que la cabine ne se trouvait pas à l'étage, il y a faute de l'établissement hospitalier pour défaut d'entretien, même si l'imprudence de la victime peut être constitutive d'une faute réduisant la responsabilité de l'hôpital (C.E. 15/03/1968, C.H.R. de Toulouse c/ Pla, req. n°66.853 & 69.786 : en l'espèce, la responsabilité de l'établissement avait été réduite d'un quart).

Si un patient est autorisé prématurément à regagner son vestiaire ou sa chambre après un examen spécifique (radiologie...), un malaise qui surviendrait et entraînerait une chute verrait engagée la responsabilité hospitalière (affaire J - 1993).

En revanche, si une patiente souffrant de faiblesse d'acuité visuelle est accompagnée pour un examen au terme duquel elle ne signale pas qu'elle ne porte pas ses lentilles de vue et prend l'initiative de regagner seule sa chambre, en cas de chute son imprudence lui sera opposable (C.A.A. de Paris 17/11/1996, Dame V c/ A.P.-H.P., req. n°95PA03542 : en l'occurrence la responsabilité hospitalière a été réduite de moitié.).

De même, chute dans la salle d’attente des urgences : une patiente se lève de sa chaise, se prend le pied dans l’anse de son sac et tombe.
« la seule mention « autorisée à se lever avec précaution », qui a été portée sur la déclaration de chute rédigée le jour même, ne saurait révéler que le personnel médical d’accueil et d’orientation des urgences avait conscience de l’éventualité de chutes de la patiente » ; « que par suite, il n’est pas établi (…) qu’une faute d’organisation ou de fonctionnement du service des urgences ait été commise … » (CAA Paris 11/12/2006, M. S c/. AP-HP, req. n°04PA04046).

Enfin, il importe de rappeler que même en présence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service, la responsabilité hospitalière n'est pas engagée en cas d'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué (T.A. de Paris 14/12/1983, Hôpital Le Raincy c/R).

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