La ministre de l'emploi et de la solidarité, le ministre délégué à la santé à Monsieur le directeur général de la caisse des dépôts et consignations Nos services sont fréquemment interpellés sur la situation de fonctionnaires hospitaliers pour lesquels les commissions départementales de réforme reconnaissent l'imputabilité au service des accidents survenus dans les suites de la vaccination obligatoire contre l'hépatite B et dont les dossiers d'indemnisation sont rejetés par la caisse des dépôts et consignations (CDC).
Ces interpellations concernent le bien fondé de la position de la CDC, gestionnaire de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (ATIACL), qui considère que « le lien de causalité unique, certain et direct entre la vaccination et les affectations révélées n'est pas établi en l'état actuel des connaissances scientifiques ».
1. Le cadre législatif, réglementaire, jurisprudentiel des accidents de service
L'application des textes par la CDC est contraire aux dispositions légales et réglementaires en vigueur dans la fonction publique hospitalière.
En effet, l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière stipule que « l'accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions » est considéré comme accident de service.
La même disposition est précisée dans le décret n° 2000-1020 du 17 octobre 2000 modifiant le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL qui prévoit que « la rente viagère d'invalidité est attribuée si la radiation des cadresest imputable à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ».
La jurisprudence du conseil d'Etat, sur laquelle s'appuie la CDC pour se forger une doctrine, impose la même interprétation des textes.
Par un arrêt « Mme Le Gac » rendu le 13 octobre 1993, le conseil d'Etat reconnaît que « un accident provoqué par l'exercice des fonctions doit être regardé comme un accident de service ».
Le 30 juin 1995, dans un arrêt « CDC c/Bedez », il considère « qu'eu égard aux circonstances de temps et de lieu dans lesquelles il s'est produit, cet accident doit, à supposer même qu'il aurait été provoqué par un malaise sans lien avec le service, être regardé comme un accident de service ».
En date du 2 juillet 1997, le conseil d'Etat (arrêt CDC c/solidarité) juge « que l'accident a eu lieu pendant les heures de service et sur les lieux de travail de l'intéressée et que par la suite alors même que madame Bical présente une affection arthrosique latente et modérée qui ne s'est révélée qu'à l'occasion de cet accident, celui-ci a le caractère d'un accident de service ».
Le 23 mai 2001, dans un arrêt CDC/ORBETTE, le tribunal administratif de Lyon juge « que la requérante indemne alors de toute maladie, a subi cinq injections successives contre l'hépatite B du 16 mai au 25 octobre 1993, et a vu apparaître, moins d'un mois après la dernière injection, une névrite optique retro bulbaire bilatérale ; que cette atteinte des voies optiques a en fait constitué la phase inaugurale de la sclérose en plaque dont souffre Mme Orbette, qui est dès lors fondée à soutenir que cette affection est imputable à une maladie résultant d'un fait précis et déterminé de service... Et que par suite, il y a lieu d'annuler les décisions attaquées ; » il décide que la décision du directeur général de la CDC de refuser à Mme Orbette le bénéfice d'une rente d'invalidité est rejetée.
En tout état de cause, les textes en vigueur et la jurisprudence ne spécifient pas que la preuve de l'imputabilité au service d'un accident est fondée sur la preuve d'un « lien de causalité unique, certain et direct » entre l'événement extérieur et l'apparition d'une affection.
En revanche, la jurisprudence prévoit qu'« un faisceau de présomption graves, précises et concordantes permet d'établir le rapport de cause à effet entre les fonctions exercées et la maladie (affaire Bedel - juin 1995).
Les fonctionnaires hospitaliers sont assujettis aux dispositions du code de la santé publique rendant obligatoire la vaccination contre l'hépatite B (loi du 18 janvier 1991), pour le personnel qui travaille dans un établissement de prévention ou de soins et s'expose à des risques de contamination.
Cette mesure de santé publique instituée dans l'intérêt général est en lien direct avec l'organisation du service.
Il est donc légitime de garantir des conditions favorables d'indemnisation lors de la survenue d'effets sur la santé secondaires à la pratique des vaccinations obligatoires, même si des antécédents médicaux non recherchés ou non signalés au moment de l'acte médical se révèlent après coup comme l'une des causes de la maladie.
La recherche d'un lien chronologique entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une maladie démyelinisante ou auto immune constitue le mode d'administration de la preuve.
De plus, nous vous rappelons que, s'agissant des personnels relevant de la fonction publique hospitalière, notre position officielle est de convenir que : « dans de très rares cas, certaines personnes présentent des troubles en relation directe avec la vaccination. Cette circonstance comprend les éléments constitutifs classiques du fait accidentel et peut donc ouvrir droit à l'indemnisation au titre de l'accident de service (réponse à la QE de M. Henry Chabert - publiée le 16 novembre 1998).
2. Les données scientifiques
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), en concertation avec la direction générale de la santé (DGS) et l'institut de veille sanitaire a réexaminé au mois de février 2000, la sécurité des vaccins contre l'hépatite B. Les résultats des études épidémiologiques ont fait l'objet d'un communiqué du ministère de l'emploi et de la solidarité et du secrétariat d'Etat à la santé.
Il est rappelé que les constatations scientifiques ne permettent pas de « conclure sur l'existence d'une association entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyèlinisantes ou d'affections auto-immunes ».
Cependant aux termes du même communiqué « l'existence d'un risque faible d'atteintes démyelinisantes ou d'affections auto-immunes associées au vaccin contre l'hépatite B ne peut pas être exclue, notamment chez certaines personnes présentant des facteurs de sensibilité particuliers ».
En conclusion, rien ne dit que la vaccination est à l'origine de l'apparition de maladies neurologiques ou auto immunes, mais à contrario rien n'exclut de façon tout aussi certaine, la possibilité d'une association entre la vaccination et les dîtes maladies.
Il est donc erroné d'affirmer de façon certaine et absolue que l'existence d'un tel lien chez des sujets présentant une susceptibilité particulière à développer de telles maladies est exclue.
3. La considération de la dimension humaine
La reconnaissance au titre des accidents de service des éventuelles conséquences dommageables des actes vaccinauximposés dans le cadre de l'exercice professionnel est légitime, étant donné le drame humain que constitue la brutalité de l'émergence d'une invalidité partielle ou définitive ayant des retentissements sur la vie professionnelle et sociale des victimes.
Au vu de ces considérations notamment juridiques et au nom du principe de l'équité de tous les personnels publics ou privés devant les conséquence de l'application d'une mesure d'intérêt général, nous vous demandons de considérer les accidents vaccinaux comme des accidents de service, sous réserve que les commissions départementales de réforme émettent un avis favorable d'imputabilité au service.
Dans cette perspective je vous demande de bien vouloir réexaminer les dossiers qui ont fait l'objet d'une décision de rejet par la CDC.
Pour la ministre et par délégation :
Le directeur de la sécurité sociale, P.-L. Bras
Pour la ministre et le ministre délégué et par délégation :
Le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, E. Couty