Revenir aux résultats de recherche

Lettre circulaire du 31 janvier 1978 relative aux difficultés rencontrées dans l'application des dispositions de l'article 378 du code pénal dans les établissements d'hospitalisation publics

Par lettre visée en référence, vous avez attiré mon attention sur les difficultés que le corps médical de votre établissement rencontre avec les compagnies d'assurances, lesquelles, à l'occasion du décès de malades hospitalisés, exigent la présentation d'un certificat indiquant la cause du décès.

A ce sujet, la commission médicale consultative, prenant acte des demandes pressantes adressées par les compagnies d'assurances aux famille de défunts ou d'invalides, a été amenée à s'interroger sur le point de savoir si les certificats mentionnés ci-dessus pouvaient être communiqués compte tenu des dispositions de l'article 378 du code pénal relatif au secret professionnel.

J'ai l'honneur de vous faire connaître que votre demande appelle de ma part les réponses suivantes:

En premier lieu, je crois devoir rappeler que la loi ne donne pas de définition précise du secret professionnel, mais la jurisprudence abondante en la matière a conféré une portée large à cette notion.

Cependant, le caractère absolu du secret médical n'est plus admis par le Conseil d'Etat (arrêt du 12 novembre 1969), les chambres civiles de la Cour de cassation et les tribunaux administratifs. Toutes cas juridictions considèrent que ce secret est la chose du malade et ne saurait lui être opposé. En l'espèce, il s'agit de concilier cette notion avec la recherche de la preuve. Dès lors, la question peut se poser de savoir si, en cas de décès du malade, le secret médical peut être opposé à ses héritiers.

Au demeurant, je constate que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 octobre 1970 (D. 1970-765), a considéré qu'il est: «nécessaire à l'exercice de la profession médicale que le malade soit assuré que, même après sa mort, ses secrets les plus intimes ne seront pas dévoilés, même à la demande de ses héritiers».

Bien qu'ayant le mérite de protéger les secrets d'une personne, une telle solution peut avoir pour effet de priver ses héritiers de tout moyen de preuve. Le secret médical étant la chose du malade, seul ce dernier est qualifié pour dire si le secret est intime ou non. Mais lorsqu'il est décédé, il s'agit de savoir quelle était l'intention du défunt et, dans ce cas, les tribunaux judiciaires, protecteurs traditionnels des libertés individuelles, auront seuls qualité pour dire si dans tel ou tel cas les héritiers peuvent être autorisés à faire état d'un document médical.

En effet, lorsque la détermination des droits des héritiers dépend des renseignements recherchés, la doctrine est divisée, la jurisprudence hésitante, les tribunaux hostiles et par suite l'incertitude juridique est grande.

Certes, une jurisprudence constante n'est pas favorable à la révélation post-mortem du secret médical (cf. tribunal civil de la Seine, 6 juin 1956, J.C.P. 1950, II, 9 521; tribunal de Paris, 2 février 1962, D. 1963).

Toutefois, dans le cadre de l'assurance-vie, le bénéficiaire de la police doit justifier que le décès est produit dans les circonstances qui permettent l'application de la garantie. Il peut donc être amené à produire un certificat d'un médecin précisant la cause de la mort.

Dans ce cas, le médecin hospitalier agit en accord avec le bénéficiaire (ou les héritiers), lequel (ou lesquels) se trouve en quelque sorte subrogé dans les droits de la personne décédée, et en vertu du principe fondamental que le secret est la chose du malade.

Je note qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 février 1962 (J.C.P., II, 12 622) s'est néanmoins prononcé sur cette question: «. . . ne saurait être considérée comme conférant à l'assureur le droit d'exiger qu'il lui soit justifié la nature de la maladie terminale, mais seulement que lui soit produit un certificat indiquant suffisamment, sans qu'il soit besoin de préciser quelle fut la maladie, que la mort a une cause naturelle et partant étrangère aux risques exclus».

Le certificat n'a d'autre objet que de «permettre à l'assureur de savoir si le risque entre dans les prévisions du contrat et non pas d'y trouver . . . un moyen de contrôler si l'assuré n'aurait pas lors de la souscription du contrat fait de fausses déclarations».

En conclusion, j'estime que la compagnie d'assurance peut être informée de la cause du décès, ce qui ne veut pas dire qu'elle ait à connaître la nature de la maladie ou le service dans lequel le malade a été hospitalisé. Elle ne saurait exiger la production d'un compte rendu indiquant les antécédents du malade.

Au demeurant, il vous appartient de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de veiller très étroitement à ce que le certificat précité soit brièvement rédigé; étant entendu qu'il soit bien établi, ainsi que le précise la circulaire du 20 avril 1973, page 5, que les intérêts des ayants droit ne divergent pas de ceux de l'hospitalisé».

Référence: votre lettre du . . .

14594.

MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA SECURITE SOCIALE Direction des hôpitaux. Bureau T.G. 2.

Le ministre de la santé et de la sécurité sociale à Monsieur le directeur du centre hospitalier de sous couvert de Monsieur le préfet de (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales.)

Non parue au Journal officiel.

Source : Bulletin Officiel du ministère de la santé et de la sécurité sociale n° 13 du 1er avril 1978