En réponse à votre lettre relative à la responsabilité éventuelle d'un établissement public de santé en cas d'incident (overdose) qui pourrait survenir dans l'enceinte de celui-ci après remise de seringue neuve à un toxicomane par le service des urgences, j'ai l'honneur de vous communiquer les éléments suivants :
Les hôpitaux sont chargés de mettre en oeuvre les priorités de santé publique définies par le ministre chargé de la santé. En effet, en application de l'article L. 711-1 du CSP, les établissements de santé 'participent à des actions de santé publique et notamment à toutes actions médico-sociales coordonnées et à des actions d'éducation pour la santé et de prévention'.
Par ailleurs, en application de l'article 1er du décret n° 95-255 du 7 mars 1995 modifiant le décret n° 72-200 du 13 mars 1972 réglementant le commerce et l'importation des seringues et des aiguilles destinées aux injections parentérales en vue de lutter contre l'extension de la toxicomanie, 'les seringues et les aiguilles destinées aux injections parentérales peuvent être délivrées dans les officines de pharmacie, les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé (...), ainsi qu'à titre gratuit par toute association à but non lucratif ou personne physique menant une action de prévention du sida ou de réduction des risques chez les usagers de drogues dans des conditions définies par un arrêté du ministre chargé de la santé'.
A partir de cette autorisation très générale, il appartient donc aux hôpitaux de mettre en oeuvre des programmes de prévention du sida et des hépatites chez les usagers de drogues.
A ce titre, la DGS encourage très clairement la mise à disposition de matériel d'injection stérile dans les services d'urgence des hôpitaux. A cet effet, les établissements hospitaliers peuvent acquérir trois modèles de trousses de prévention dites 'associatives' à prix réduit (l'aide de l'Etat de 1,87 franc par boîte est défalquée du prix de vente) auprès des laboratoires Delmas, Centrapharm ou Agripharm. Ces kits associatifs revêtus du logo du ministère et contenant un message du ministre chargé de la santé ne peuvent cependant pas être remis à des personnes âgées de moins de dix-huit ans, en application de l'article 2 du décret du 7 mars 1995 déjà cité ('Art. 2. - Les seringues ne peuvent être délivrées sans ordonnance d'un médecin qu'à des personnes âgées de dix-huit ans au moins.').
Ainsi, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a organisé dès le printemps 1995 la mise à disposition de kits de prévention dans les services d'urgence de ses hôpitaux. Le directeur général de l'Assistance publique motivait clairement cette opération dans une note du 31 janvier 1995, en citant le décret n° 92-590 du 29 juin 1992 selon lequel 'cette dispensation gratuite, véritable action de prévention, soit offrir l'occasion d'engager un dialogue avec les malades demandeurs, de les informer et de les conseiller, voire de les orienter vers une structure spécialisée dans la prise en charge des patients toxicomanes et de leur offrir, si besoin est, les soins hospitaliers de première urgence que leur état nécessite'.
Concernant la question de la responsabilité de l'hôpital en cas d'overdose faite par un usager de drogues ayant utilisé sur place le matériel, il résulte donc clairement des dispositions du décret n° 72-200 du 13 février 1972 modifié que la distribution à titre gratuit de seringues par les pharmacies à usage intérieur d'un établissement public hospitalier est autorisée. Par suite, il ne peut être soutenu que cette distribution serait illégale et, par suite, fautive.
Eu égard aux conditions posées par la jurisprudence, la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier ne saurait être engagée.
Si une personne décède à la suite d'une overdose consécutive à une injection faite à l'aide d'une seringue délivrée gratuitement par un établissement public hospitalier, deux cas de figure doivent être distingués :
- soit la personne décède à l'extérieur de l'enceinte de l'établissement ; dans ce cas, on voit mal en tout état de cause quelle pourrait être la faute de l'établissement à laquelle serait imputé le préjudice subi ;
- soit la personne décède dans l'enceinte de l'établissement ; dans ce cas, la responsabilité de l'établissement pourrait être recherchée dans le cadre du droit commun de la responsabilité hospitalière pour faute (défaut de surveillance, mauvaise organisation du service, faute médicale...).
En effet, l'hôpital est responsable des fautes dommageables commises par le personnel hospitalier, qu'il s'agisse du personnel médical, du personnel soignant ou du personnel des services généraux et administratifs. Par ailleurs, les articles 34, 36 et 37 du code de déontologie des médecins (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995) soumettent les praticiens à une obligation de vigilance professionnelle.
Cependant, il ne s'agit là que du rappel du régime de la responsabilité hospitalière qui est en vigueur à l'égard de tout usager du service public hospitalier et qui ne vise pas directement le fait même de délivrer une seringue.
La ministre de l'emploi et de la solidarité. Direction des hôpitaux. Direction générale de la santé. Bureau DS2. Bureaux EO2 et AF1.
Mme le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales...
Texte non paru au Journal officiel.