“ … Toute l’excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux labil qui vous donne des mots pour des raisons et des promesses pour des effets… ” Cette défiance certes exposée à l’encontre des médecins dans Le malade imaginaire par Molière en 1673 pourrait sans trop de craintes être transposée à la relation assureur assuré.
Information, qui vient d’informare, mettre en forme afin de le rendre accessible au plus grand nombre. La définition posée par le dictionnaire de l’Académie française en 1798 a le mérite de la clarté et de la compréhension, elle est un pertinent écho aux obligations actuelles et principales d’information, de transparence et de loyauté du droit des contrats. Notre époque contemporaine est éprise de transparence. Chacun s’en réjouit, chacun s’en félicite. Transparence des marchés financiers, transparence dans le financement des partis politiques, transparence enfin et de façon plus quotidienne dans les relations contractuelles. L’obligation d’information pourrait alors s’analyser simplement comme l’expression d’une volonté législative : augmenter les droits du consommateur. En effet, la création puis le développement de l’obligation d’information ont pour finalité de rééquilibrer la relation contractuelle [Cf Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, 11ème éd. 2001, n° 126.] entre le professionnel prestataire de services assureur débiteur de l’information) et le consommateur, créancier de cette obligation. Contrat consensuel par nature, le contrat d’assurance n’échappe pas à ce constat. Il repose sur un échange de consentement entre les parties sur le prix et la garantie objet du contrat, l’assuré comme l’assureur doivent échanger un certain nombre d’informations. Au cours des dernières années, le souci général de transparence et de loyauté contractuelle s’exprima par la création puis le développement de l’obligation d’information. L’obligation d’information est partie intégrante des données du droit positif des contrats. La notion [Cf M. FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats, L.G.D.J 1992 ; cf également Ph. Le TOURNEAU dont les nombreux écrits en la matière font autorité, en dernier lieu, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2002-2003.] d’obligation d’information doit être largement entendue, elle vise principalement l’obligation d’information (I), elle sous-entend naturellement l’obligation de conseil de l’assureur (II).
I) L’obligation d’information réciproque des parties au contrat
Contrat nommé, le contrat d’assurances est par nature un contrat consensuel pour lequel l’assureur comme l’assuré devront échanger un certain nombre d’informations lors de la formation du contrat.
A) Le devoir d’information de l’assureur.
Il ne nous apparaît pas opportun d’opposer de prime abord l’obligation pré-contractuelle d’information à l’obligation contractuelle d’information. La distinction est d’une mise en œuvre délicate eu égard à la contractualisation croissante de la phase de négociation. A contrario, l’analyse de l’obligation d’information nous conduit à distinguer l’obligation générale de l’obligation spécifique d’information.
1. L’obligation d’information : une obligation à caractère général pour l’assureur.
L’étude du contrat d’assurance se fonde de facto sur la loi du 13 juillet 1930. Cette loi, en rupture avec le principe de la liberté des conventions [Cf art. 1134 code civ. : “ les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ”.] préjudiciable en la matière aux assurés, revêt un caractère impératif et d’ordre public (art. L 111-2 code assur.)
La loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 sur la protection du consommateur est venu rappeler un principe général qui pèse sur tout professionnel vendeur de biens ou prestataires de services. L’article L 111-1 du code de la consommation énonce : “ Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ”. Ce texte de portée générale ne fait pas obstacle au respect des règles spécifiques à certaines activités plus favorables aux consommateurs (code cons. Art. L 113-3). L’information est à la fois pré-contractuelle et contractuelle.
L’information pré-contractuelle. Depuis la loi du 31 décembre 1989, l’obligation d’information obéit à un certain formalisme en la matière. L’assureur doit prioritairement fournir une fiche d’informations sur l’objet du contrat : garanties et prix. Pour ce faire, l’assureur remet avant la conclusion du contrat un exemplaire du projet de contrat et des pièces jointes [Ou notice d’informations sur le contrat décrivant avec précision les garanties assorties d’exclusions ainsi que les obligations de l’assuré.] en annexe. La loi du 4 janvier 1994 complète cette information et formalise encore un peu plus le devoir de l’assureur. Ce dernier doit préciser la loi applicable au contrat d’assurance lorsque celle-ci n’est pas la loi française, l’adresse du siège social de la compagnie d’assurances ou à défaut sa succursale, les modalités d’examen des réclamations relatives au contrat et le cas échéant les instances de règlement amiable en la matière (médiateur). Ultime étape pour l’assureur, la remise de documents et pièces en annexe au contrat est constatée par une mention écrite, datée, signée par le souscripteur du contrat au bas de la police d’assurances (art. R 112-3 code assur.) Précisons qu’en l’espèce, qu’aucune sanction ne sera prononcée pour non respect de l’obligation d’information de l’assureur Sur la charge de la preuve de l’assureur, [cf Cass, 1ère civ, 27 mars 2001, Sté SBC et a c/ AXA Courtage et a : “ il revient à l’assureur qui subordonne le bénéfice de la garantie à la réalisation d’une condition par l’assuré, de rapporter la preuve de la connaissance de cette condition par l’assuré ”.] alors que le défaut d’information sur les prix est constitutif d’une contravention de 5ème classe.
Cette obligation de portée générale ne connaît que deux exceptions justifiées par la nature du contrat. En premier lieu, il s’agit des contrats temporaires pour lesquels l’obligation d’information sur les prix et les garanties diffèrent pour l’assureur afin de tenir compte de la courte durée et de l’effet immédiat du contrat. En second lieu, les contrats garantissant les grands risques au rang desquels sont prévus les contrats pour les véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux relèveront d’un régime ad-hoc.
L’information contractuelle. De façon énumérative, les contrats d’assurance devront comporter un certain nombre de mentions inscrites à l’art. L 112-4 du code des assurances. A titre d’exemple, sont visées la chose ou la personne assurée, les noms et domiciles des personnes contractantes, la nature des risques garantis, le point de départ et la durée de la garantie, le montant de cette garantie. Au cadre général, la loi prévoit une information spécifique pour certaines catégories d’assurance.
2. Une obligation d’information spécifique ad-hoc
Constat d’une harmonisation européenne parfois délicate à conduire, souvent complexe à mener à son terme, la libre prestation de service telle qu’elle résulte des art 59 et s du Traité de Rome s’inscrit dans ce schéma. La libre prestation de service offre la possibilité à une entreprise établie dans un pays membre de l’Union européenne, d’exercer une activité sur le territoire d’un autre état membre sans y avoir au préalable d’établissement et sans discrimination par rapport aux entreprises déjà établies. Pour ce faire [Cf Directive n° 88-357 du 22 juin 1988 sur la LPS en assurances dommages modifiée par la Directive n° 90-618 du 8 novembre 1990.], le souscripteur doit avant tout engagement, être informé du nom de l’état membre où est situé l’établissement avec lequel il pourrait conclure un contrat d’assurance. Ainsi, ce nom devra figurer sur l’intégralité des documents remis à l’assuré ou au souscripteur.
Le contrat d’assurance vie obéit à une “ philosophie ” identique. Contrat nommé sans aucun doute, le contrat d’assurance vie est un contrat pour lequel l’ensemble des obligations à la charge de l’assureur en matière d’information vont prévaloir. En la matière, la loi du 11 juin 1985 avait un objectif ambitieux : améliorer l’information des assurés et la transparence des contrats d’assurance-vie et de capitalisation ” Ainsi, l’assureur sera tenu d’ajouter à ces informations
- la valeur de rachat au terme de chacune des 8 premières années du contrat
- un modèle de lettre destiné à faciliter la faculté de renonciation du souscripteur
- l’art. L 132-5 code assur. Prévoit en l’espèce une information renforcée sur les effets du contrat d’assurance-vie. L’assureur remet contre récépissé une note d’information sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d’exercice de cette faculté. A défaut de satisfaire à cette obligation, le souscripteur bénéficie d’un délai de renonciation prorogé jusqu’au 30ème jour suivant la remise effective de ces documents.
Contrat consensuel, contrat nommé, contrat synallagmatique, le contrat d’assurances repose par nature sur un engagement réciproque obligeant une partie comme l’autre aux exigences d’information.
B) Le devoir d’information de l’assuré.
La qualité de la couverture du risque, son étendue dépendra étroitement de l’information dont l’assureur sera destinataire. En effet, à défaut de précision suffisante sur l’étendue du risque, l’assureur ne pourra contractuellement s’engager tant sur la couverture du risque que sur le montant de la prime adaptée à ce risque.
Nécessité technique tout autant que juridique pour l’assureur, les renseignements fournis par l’assuré peuvent varier en fonction du type d’assurance souscrite (assurances dommages, personnes, assurance responsabilité civile, assurance–vie …) et ne sont en l’espèce que la symétrie des obligations de l’assureur. Schématiquement, les informations fournies par l’assuré permettront de définir les besoins d’assurances en référence le cas échéant aux antécédents. Certains contrats d’assurance comme la garantie automobile obéissent là encore, à un certain formalisme, facilitant par la même la transmission d’information auprès de l’assureur. En effet, l'article 12 de l'annexe de l’article A 121-1 du code des assurances fait obligation à l’assureur de délivrer au titulaire du contrat d’assurance “ un relevé d’informations à chaque échéance annuelle du contrat ou, à défaut à la demande du souscripteur ou lors de la résiliation du contrat par l’une des parties ”. La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 est venu renforcer l’obligation d’information de l’assuré. Antérieurement à cette disposition, il revenait à l’assuré de faire une déclaration spontanée par laquelle il devait déclarer exactement lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui de nature à faire apprécier par l’assureur, les risques qu’il prend à sa charge. Désormais, selon l’article L 113-2-2° du code des assurances, l’assuré est obligé de répondre exactement au questions posées par l’assureur sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur, les risques qu’il entend assumer. L’assuré est donc conduit à répondre avec précision au questionnaire. Ainsi, l’assureur ne peut se prévaloir qu’une question exprimée en termes généraux, n’a reçu qu’une réponse imprécise. Cependant, la proposition d’assurance n’est qu’une offre et n’engage ni l’assureur, ni l’assuré. Le contrat pourra ultérieurement être conclu sur la base des informations transmises par l’assuré. La bonne foi des contractants, en l’occurrence de l’assuré ou du souscripteur, est la clef de voûte du droit des contrats. On retiendra que la liberté contractuelle est atténuée par le respect d’un devoir général de bonne foi dans les négociations contractuelles. Aux termes de l’article 1134 al 3 du Code civil, les conventions doivent non seulement être exécutées mais elles doivent l’être de bonne foi. Les parties au contrat doivent donc s’abstenir de toute tromperie ou de tout comportement douteux et abusif dans l’exécution du contrat.
Dans une conception étroite, l’objet de l’obligation sera de délivrer au contractant une information. Dans une acception plus large, de fournir une information, c’est à dire de formuler une mise en garde ou un avertissement relatif à un risque particulier. Il n’y a pas lieu a priori de distinguer entre obligation d’information et obligation de conseil et de renseignement car le passage d’une obligation à l’autre se fait insensiblement et tient plus aux circonstances qu’aux données de droit. Ces différentes obligations ne constituent que les différentes manifestations d’une obligation générale qu’il convient de désigner par le terme plus large d’obligation d’information et de conseil.
II) L’obligation de conseil de l’assureur.
C’est la confiance dont le profane consommateur investit le professionnel initié qui fonde le devoir de conseil de celui qui sait A). Toutefois, le devoir de conseil voire de renseignement ne saurait en la matière revêtir un caractère absolu et intangible B).
A) Etendue du devoir de conseil de l’assureur
Il devient aujourd’hui de jurisprudence constante d’admettre à la charge du professionnel [Un constat identique peut être fait dans des domaines connexes à celui de l’assurance (secteur bancaire). Plus généralement, de nombreux professionnels sont aujourd’hui débiteurs d’une obligation d’information et de conseil, ex : professionnels de santé, avocats, notaires, architectes, experts-comptables, garagistes, cf Cass, 1ère civ, 25 février 1997, Dr cousin c/ Hédreul (en matière médicale) confirmé par Cass, 1ère civ 20 juin 2000.] initié, une obligation de conseil et de renseignement. Le professionnel prestataire de services devient progressivement débiteur d’une information loyale, claire accessible et appropriée au degré de connaissances et de culture du consommateur, offrant à ce dernier toute possibilité de consentir librement et de façon éclairée à l’offre de garantie.
L’obligation de conseil s’applique avec la même rigueur qu’il s’agisse des compagnies d’assurances ou de leurs mandataires en qualité d’agent général ou de courtiers. Sous l’influence combinée du droit de la consommation et du consumérisme, la jurisprudence analyse l’obligation de conseil du professionnel d’assurance sous l’angle de l’obligation de moyens renforcée. Le professionnel doit être en mesure de donner tous les éléments objectifs de choix d’une couverture appropriée au risque.
L’assureur pourra ainsi vérifier [Cf Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, 11ème éd. 2001, n° 129.] les besoins d’assurance (il n’est pas tenu de vérifier les dires de son assuré), adapter la garantie aux risques présentés, informer l’assuré de tout élément de nature à modifier la souscription ou l’exécution de son contrat et ce, durant la durée du contrat d’assurance.
Au même titre que l’assuré, l’assureur doit participer de bonne foi à l’exécution du contrat d’assurance. Pour ce faire, les clauses du contrat sont soumises à la réglementation des clauses abusives. L’article L 132-1 alinéa 1 du code de la consommation énonce : “ dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ”. Sur ce fondement, les magistrats pourront donc écarter une clause d’un contrat d’assurance.
B) les limites au devoir de conseil de l’assureur
Le contrat d’assurance est un contrat conclu intuitu personae. Le devoir de conseil s’apprécie en fonction de la situation personnelle de l’assuré. Après information et conseil à la charge de l’assureur, l’assuré souscrit librement et ne peut engager une action en responsabilité civile au motif d’une insuffisante couverture du risque. De même après avoir rappelé que l’assureur est tenu d’une obligation particulière d’information et de conseil, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que l’action engagée contre l’assureur sur la base d’un manquement à cette obligation pré-contractuelle ne dérive pas du contrat d‘assurance mais du droit commun de la prescription (Cass, 1ère civ 30 janvier 2001).