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Première chambre civile de la Cour de cassation, 18 juin 2014, n° 13-16363 (Psychiatrie – Soins psychiatriques à la demande d’un tiers – Décision d’admission et de maintien en soins psychiatriques sans consentement – Auteur – Identification)

Dans le cadre de soins psychiatriques à la demande d’un tiers, une ordonnance du premier Président de la Cour d’appel de Paris a annulé les décisions d’admission et de maintien prises par le directeur d’un centre hospitalier au motif que « de telles décisions doivent comporter, outre la signature de leur auteur, la mention en caractères lisibles de leurs nom, prénom et qualité ». Or, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule cette ordonnance en considérant lorsque « l'absence de la mention légalement requise des nom, prénom, qualité du signataire d'une décision administrative, exigence dont la finalité est l'identification par le citoyen de l'auteur d'un acte qui le concerne, peut, pourvu qu'ils établissent cette nécessaire information, être suppléée par des éléments extrinsèques portés à la connaissance de l'intéressé », il appartient au juge d’identifier le signataire de la décision en les comparant avec diverses pièces produites devant lui.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 18 juin 2014
N° de pourvoi: 13-16363

Non publié au bulletin

Cassation

M. Charruault (président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 4 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000, "relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations", ensemble l'article L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique ;

Attendu que pour dire irrégulières les deux décisions d'admission et de maintien de M. X... en hospitalisation psychiatrique sur demande d'un tiers, prises par le directeur du centre hospitalier Sainte-Anne les 17 et 20 janvier 2013, l'ordonnance attaquée rendue par un premier président retient que de telles décisions doivent comporter, outre la signature de leur auteur, la mention en caractères lisibles de leurs nom, prénom et qualité de sorte que l'identification du signataire ne peut résulter d'une comparaison avec des éléments extrinsèques non portés à la connaissance de l'intéressé comme en l'espèce la requête du directeur de l'établissement ou le courrier qui l'accompagne, et que la décision de maintien de l'hospitalisation, mentionnant les certificats médicaux confirmant la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques hors consentement, est dépourvue d'indication de date et d'auteur, de sorte qu'il est impossible de vérifier que les certificats joints sont bien ceux mentionnés dans la décision qui de ce fait apparaît également non motivée, que les irrégularités ainsi constatées ont porté atteinte aux droits de M. X... dans la mesure où, s'il résulte du certificat initial établi le 17 janvier 2013 et visé dans la décision d'admission que l'intéressé a été informé de la nécessité de son hospitalisation et a donné son accord, la décision de maintien, selon laquelle "le patient a pu formuler des observations, sauf impossibilités mentionnées par le certificat médical" ne permet pas, en l'absence d'identification possible de celui-ci, de vérifier que l'intéressé a bien été informé de la poursuite de la mesure ou que son état ne lui permettait pas d'en prendre connaissance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, quand l'absence de la mention légalement requise des nom, prénom, qualité du signataire d'une décision administrative, exigence dont la finalité est l'identification par le citoyen de l'auteur d'un acte qui le concerne, peut, pourvu qu'ils établissent cette nécessaire information, être suppléée par des éléments extrinsèques portés à la connaissance de l'intéressé, le premier président, qui a méconnu son pouvoir d'identifier le signataire des deux décisions d'admission et de maintien de M. X... en hospitalisation psychiatrique en les comparant avec diverses pièces produites devant lui, avant de statuer par des motifs impropres à caractériser l'atteinte aux droits de l'intéressé née de l'irrégularité qu'il dénonçait, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 février 2013, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier Sainte-Anne.
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, d'avoir constaté l'irrégularité des décisions d'admission et de maintien et d'avoir ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont faisait l'objet M. Baptiste X...,
AUX MOTIFS QU'« il résulte des articles L 3212-1 et L 3212-4 du code de la santé publique qu'une personne atteinte de troubles mentaux peut faire l'objet de soins psychiatriques à la demande d'un tiers si certaines conditions sont réunies, sur décision d'un directeur de l'établissement mentionné à l'article L 3222-1 et qu'elle peut faire l'objet d'une prolongation de soins toujours sur décision du directeur de l'établissement.

L'article L 3216-1 du code de la santé publique, applicable à compter du 1er janvier 2013, dispose que la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du titre I de la loi du 5 juillet 2011 relative aux modalités des soins psychiatriques ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L 3211-12 et L 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
En application des dispositions de l'article L 3211-3 alinéa 3 du code de la santé publique, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III de la loi du 5 juillet 2011 doit être informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et de chacune des décisions prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge et des raisons qui la motivent.
En application des dispositions de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration les décisions rendues doivent comporter outre la signature de leur auteur la mention en caractères lisibles de leur nom, prénom et qualité de sorte que l'identification du signataire ne peut résulter d'une comparaison avec des éléments extrinsèques non portés à la connaissance de l'intéressé comme en l'espèce la requête du directeur de l'hôpital ou le courrier qui l'accompagne.

La décision de maintien mentionne les certificats médicaux confirmant la nécessité du maintien des soins psychiatriques sans consentement sans en indiquer ni la date ni l'auteur de sorte qu'il est impossible de vérifier que les certificats joints sont bien ceux mentionnés dans la décision qui de ce fait apparaît également non motivée.
Les irrégularités ainsi constatées ont porté atteinte aux droits de M Baptiste X... dans la mesure où s'il résulte du certificat initial établi par le docteur Y... le 17 janvier 2013 et visé précisément dans la décision d'admission que le patient a été informé lors de son admission de la nécessité de son hospitalisation à laquelle il donne son accord, la décision de maintien qui mentionne que « le patient a pu formuler des observations, sauf impossibilités mentionnées par le certificat médical », ne permet pas en l'absence d'identification possible de celui-ci de vérifier que M. Baptiste X... a bien été informé du maintien de la mesure ou que son état ne lui permettait pas d'en prendre connaissance.
Il convient en conséquence au vu de l'ensemble de ces éléments d'infirmer la décision déférée et d'ordonner la main levée de la mesure de soins sous contrainte de M Baptiste X... sous la forme d'une hospitalisation complète (ordonnance p. 3) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la mention sur une décision administrative, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité du signataire exigée par l'article 4 de la loi 12 avril 2000 a pour finalité de permettre à l'administré d'identifier l'auteur de la décision le concernant ; que l'identification du signataire d'une décision administrative ne comprenant pas cette mention peut néanmoins résulter d'une comparaison avec des éléments extrinsèques portés à la connaissance de la personne intéressée, lesquels, en ce qu'ils établissent la nécessaire information de celle-ci sur l'identité de l'auteur de la décision, excluent que la méconnaissance du formalisme imposé par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ait pu porter atteinte à ses droits, au sens de l'article L. 3216-1 alinéa 2 du code de la santé publique de sorte qu'en retenant que l'identification du signataire des décisions d'admission et de maintien de l'hospitalisation de M. X... ne pouvait résulter d'une comparaison avec des éléments extrinsèques non portés à la connaissance de l'intéressé, comme en l'espèce la requête du directeur de l'hôpital ou le courrier qui l'accompagne, quand bien même cette requête, qui présentait une signature identique à celle figurant sur les décisions d'admission et de maintien en soins psychiatriques et mentionnait le nom, le prénom et la qualité de son signataire, constituait un élément extrinsèque permettant l'identification de l'auteur des décisions d'admission et de maintien et qu'elle a obligatoirement été portée à la connaissance de la personne malade par le greffe du juge des libertés et de la détention, le magistrat délégataire a violé l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 combiné à l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, ensemble les articles L. 3211-12-1 et R. 3211-29 du code de la santé publique,

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'irrégularité affectant une décision administrative d'admission ou de maintien d'une hospitalisation à la demande d'un tiers n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet si bien qu'en ne recherchant pas si l'irrégularité consistant en la violation de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, qui aurait affecté les décisions d'admission et de maintien en soins psychiatriques, avait porté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet, le magistrat délégataire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique,

ALORS, EN OUTRE, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut prendre en considération un fait non spécialement invoqué par les parties au soutien de leurs prétentions ou soulever d'office un moyen de droit sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, quand bien même une partie n'était ni comparante ni représentée ; qu'il résulte des constatations de l'ordonnance attaquée que M. X... a fait valoir que les décisions d'admission et de maintien en soins psychiatriques à la demande d'un tiers n'étaient pas motivées dès lors que n'y étaient pas joints les certificats médicaux de sorte qu'en déduisant des pièces du dossier que les certificats étaient joints et en relevant d'office le moyen selon lequel la décision de maintien était irrégulière dès lors qu'elle mentionnait « les certificats médicaux confirmant la nécessité du maintien des soins psychiatriques sans consentement » sans indiquer ni la date ni l'auteur des certificats de sorte qu'il était impossible de vérifier que les certificats joints étaient bien ceux mentionnés dans la décision laquelle, de ce fait, apparaissait non motivée, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, peu important l'exposant ne fut ni comparant ni représenté, le magistrat délégataire a violé l'article 16 du code de procédure civile,

ALORS, PAR AILLEURS, QUE lorsqu'il prononce la décision de maintien de l'hospitalisation à l'issue d'un délai de 72 h, le directeur de l'établissement est tenu par le contenu des deux certificats médicaux pris dans les 24 h et dans les 72 h et n'exerce qu'une compétence liée ; qu'aux termes de l'article L. 3212-4 du code de la santé publique, lorsque l'un des certificats conclut que l'état de la personne ne justifie plus la mesure, le directeur prononce immédiatement la levée de celle-ci et lorsque les deux certificats médicaux concluent à la nécessité de prolonger les soins, le directeur de l'établissement prononce le maintien des soins ; que la présence au dossier de la personne hospitalisée des certificats de 24 h et 72 h, concluant tous deux à la nécessité du maintien des soins, établit que la décision de maintien est motivée, la motivation au sens formel de la décision administrative elle-même n'ayant pas à être exigée dans une situation de compétence liée ; que la présence au dossier de M. X... transmis au juge des libertés et de la détention du certificat de 24 h et du certificat de 72 h, concluant tous deux au maintien des soins, n'a jamais été contestée de sorte qu'en retenant néanmoins l'irrégularité de la décision de maintien pour défaut de motivation, le magistrat délégataire a violé l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les articles L. 3211-2-2 et L. 3212-4 du code de la santé publique ;

ALORS, ENFIN, QUE l'irrégularité affectant une décision administrative d'admission ou de maintien d'une hospitalisation à la demande d'un tiers n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que l'ordonnance attaquée a retenu que la décision de maintien mentionnait que « le patient a pu formuler des observations, sauf impossibilités mentionnées par le certificat médical » et que faute d'identification de ce certificat, il ne pouvait être vérifié que M. X... avait bien été informé du maintien ou que son état ne lui permettait pas d'en prendre connaissance ; qu'il est pourtant constant que figurait au dossier de la personne hospitalisée transmis au juge des libertés et de la détention le certificat médical de 72 h, permettant de connaître l'état de santé du malade au jour de la décision de maintien, partant, les éventuelles impossibilités l'empêchant de prendre connaissance du projet de maintien de l'hospitalisation ; qu'y figurait également l'accusé de réception de la notification le 25 janvier 2013 à M. X... de la décision de maintien prononcée à 72 h, signé par ce dernier et aux termes duquel il reconnaissait avoir été informé de la décision et de ses droits si bien qu'en statuant ainsi sans rechercher si ces documents n'établissaient pas que M. X... avait été non seulement informé du projet du maintien de son hospitalisation et mis à cette occasion à même de faire valoir ses observations de manière appropriée à son état mais aussi informé du maintien de la mesure d'hospitalisation à l'issue de 72 h et s'il n'en résultait pas que l'irrégularité consistant en l'absence de mention à la décision de maintien de la date et de l'auteur des certificats n'avait porté aucune atteinte aux droits de la personne malade, le magistrat délégataire a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3216-1 et L. 3211-3 du code de la santé publique.