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Rapport du Défenseure des droits - Prévenir les discriminations dans le parcours de soins, 2025

Les discriminations dans les parcours de soins, sont encore mal identifiées et appellent à une stratégie nationale de prévention, recommande le Défenseur des droits dans un rapport rendu public en mai 2025.

Les refus d'accès aux soins restent la forme la plus connue des discriminations dans le secteur de la santé, cependant d’autres discriminations peuvent survenir à d’autres étapes de la prise en charge.
Le rapport indique qu’en 2022, "224 plaintes seulement ont été déposées devant les ordres professionnels et l'assurance maladie". Sur la même période, le Défenseur des droits "a reçu 31 réclamations concernant un refus de soins discriminatoire, principalement pour des raisons économiques et/ou de la nationalité du patient, et, dans une moindre mesure, de l'état de santé du patient (en l'occurrence, le fait de vivre avec le VIH)".
Dans son rapport, le Défenseur des droits s’est fondé sur ses décisions, celles des juridictions compétentes, en interrogeant les acteurs associatifs, les autorités sanitaires, les ordres des professions de santé réglementées et les principales fédérations d'établissements de santé.
Un appel à témoignages a été lancé auprès du public entre le 8 novembre 2024 et le 6 janvier 2025, plus de 1.500 réponses de patients et personnels soignants ont été reçues.

Les situations de discrimination dans les prises de rendez-vous médicaux des bénéficiaires de la CSS (complémentaire santé solidaire) et de l'AME (aide médicale de l’Etat) restent les principales. Cependant, la fusion de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et de l'aide à la complémentaire santé en novembre 2019 pour créer la CSS et l'extension de la pratique du tiers payant ont participé (en simplifiant les démarches pour les professionnels) « à la diminution des refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CSS ».
L’obligation imposée aux patients bénéficiant de la CSS ou de l'AME de se rendre physiquement au cabinet médical pour prendre rendez-vous, l'octroi de plages horaires spécifiques, des délais plus longs ou l'exigence de documents spécifiques caractérisent également des discriminations selon le défenseur des droits.

Le rapport fait état de personnes refusées une fois arrivées sur le lieu de soins, se voyant parfois opposer le motif de la laïcité concernant le port d'un voile religieux. Des cas de refus visant des personnes transgenres sont pointés, expliquant que certains praticiens brandissent l'argument d'absence de compétences spécifiques.
Quant aux refus de recevoir un patient qui n'aurait pas honoré plusieurs fois un rendez-vous, ils sont susceptibles de caractériser une "discrimination indirecte", pouvant entraîner un désavantage particulier, notamment pour les personnes en situation de précarité, d'isolement social, ou atteintes de pathologie psychique ou de troubles cognitifs.
Les modes de prise de rendez-vous "peuvent également être inaccessibles aux personnes en situation de handicap et relever d'une discrimination fondée sur ce motif".
Le rapport dénonce des refus de soins discriminatoires pour des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, des personnes à mobilité réduite, au prétexte de l'inaccessibilité des locaux.

Les témoignages révèlent aussi, au cours de la prise en charge du patient, des cas de "sous-évaluation, par les services d'urgence, de la douleur et de la gravité des symptômes exprimés par les femmes, notamment lorsqu'elles sont jeunes, d'origine étrangère ou perçues comme telles".
"Les stéréotypes (sexistes, racistes, handiphobes ou encore grossophobes, etc.) peuvent être à l'origine de l'absence d'investigation de certains symptômes, du refus de prescrire certains examens, de l'établissement d'un diagnostic ou d'un parcours de soins différenciés, et avoir des conséquences discriminatoires", décrypte le rapport.
Sont également cités des cas de "harcèlement discriminatoire" caractérisés par des propos stigmatisants ou d'humiliation liés à un critère de discrimination (sexe, origine, nationalité, vulnérabilité économique, orientation sexuelle, identité de genre, handicap ou apparence physique, etc.).
Le défenseur des droits évoque des cas d'"inobservation d'un ou plusieurs droits d'un patient", mentionnant notamment le droit à l'information ou au consentement (en raison de l'état de santé, du handicap, de l'origine réelle ou supposée, de l'identité de genre ou de l'apparence physique).

Les actes de maltraitance peuvent aussi constituer des discriminations. Le Défenseur des droits rend compte d'une saisine concernant les conditions de prise en charge de la fin de vie d'une patiente. Les actes dénoncés "ayant porté atteinte à la dignité de la patiente et créé, par ailleurs, à son égard un environnement hostile, dégradant et humiliant", le défenseur des droits a conclu que cette personne "avait subi une discrimination fondée sur son âge, son état de santé et sa perte d'autonomie".

Face à l'insuffisance des politiques publiques, le défenseur des droits recommande "d'élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les discriminations dans les soins". Cette stratégie doit "permettre d'aboutir à la construction de plans d'action destinés à promouvoir l'égalité en santé" et faire l'objet d'une évaluation régulière.

L'engagement des pouvoirs publics doit reposer sur plusieurs volets :
- Le premier doit porter sur "l'objectivation et la mesure des pratiques discriminatoires", par le développement de statistiques sur le sujet.
- Le deuxième volet doit concerner l'information des patients au sujet de la non-discrimination et de leurs droits (affichage dans tous les lieux de soins, et la mention sur les plateformes de prise de rendez-vous en ligne, de la liste des associations d'usagers du système de santé agréées).
- Le troisième se concentrerait sur la formation et la sensibilisation des professionnels de santé.

Enfin, le défenseur des droits préconise de "construire un référentiel des sanctions", de communiquer auprès du grand public les sanctions en lien avec les discriminations en santé, d’accroître l’engagement des poursuites au niveau disciplinaire ou encore de développer la profession de médiateur en santé".