En l’espèce, un patient, hospitalisé dans le cadre d’une hospitalisation à la demande d’un tiers sur la base d’un seul certificat établi en urgence par un médecin du centre hospitalier, conteste la régularité de la procédure utilisée. Le tribunal administratif fait droit, au regard des dispositions des articles L. 3212-1 et L. 3212-3 du Code de la santé publique, à sa demande, en considérant que le certificat du médecin se bornait à indiquer que « le requérant était un patient violent avec sa famille et menaçant de se suicider dans un contexte de divorce » sans faire mention avec précision d’un péril imminent pour sa santé, de l’état mental du patient, des particularités de sa maladie et de la nécessité de le faire hospitalisé sans son consentement. Ce certificat ne comportant pas les mentions requises à l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique, le tribunal a annulé cette décision d’hospitalisation prise à la suite d’une procédure irrégulière.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LIMOGES
N° 0700714 C/ Centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde Mme Vincent-Dominguez M. Charret Audience du 2 octobre 2008 49-05-01-01C |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Limoges ( 2ème chambre) |
Vu, la requête, enregistrée le 6 juin 2007, présentée par M. X demeurant (...) ; M. X demande au Tribunal :
- d’annuler la décision en date du 22 décembre 2003 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a décidé de l’hospitaliser à la demande d’un tiers ;
Vu l’ordonnance en date du 22 août 2008 fixant la clôture d’instruction au 19 septembre 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 2 octobre 2008,
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,
- les observations de Me Amélie Pastaud, substituant Me Grimaud, avocat du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde,
- et les conclusions de M. Charret, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a été admis le 22 décembre 2003, à la demande de son épouse, au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde ; que, par la présente requête, M. X demande au Tribunal d’annuler la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a prononcé son admission dans cet établissement ;
Sur l’exception d’incompétence soulevée par le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde :
Considérant que si l’autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la nécessité d’une mesure d’hospitalisation d’office ou d’hospitalisation à la demande d’un tiers dans un établissement psychiatrique, le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité des décisions qui prononcent de telles mesures ;
Considérant que les moyens soulevés par M. X sont, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, exclusivement relatifs à la régularité de la procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers dont il a fait l’objet ; que, par suite, le juge administratif est compétent pour statuer sur la requête de M. X ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si : 1° Ses troubles rendent impossible son consentement ; 2° Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. La demande d'admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil (…). La demande d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des directeurs des établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, ni de la personne ayant demandé l'hospitalisation ou de la personne hospitalisée » ; que, par ailleurs, aux termes de l’article L. 3212-3 dudit code : « A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil » ; qu’il résulte des termes de l’article L. 3212-1 précité du code de la santé publique que l’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers ne peut intervenir que sur délivrance de deux certificats médicaux dont un établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant cette dernière, datant de quinze jours et donc antérieurs à l’hospitalisation, circonstanciés et attestant, d’une part, que les troubles que présente cette dernière rendent impossible son consentement et, d’autre part, que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier ; qu’il ne peut être dérogé à ce principe qu’à titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade ; que dans ce dernier cas, si l’admission peut être prononcée au vu d’un seul certificat médical, celui-ci doit comporter les mentions prévues à l’article L. 3212-1 précité du code de la santé publique ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a été hospitalisé au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, le 22 décembre 2003, à la demande de son épouse, au vu d’un seul certificat médical établi, en urgence, par un médecin dudit centre hospitalier ; que ce certificat médical se borne à indiquer que M. X est un « patient violent avec sa famille et menaçant de se suicider dans un contexte de divorce » sans faire mention avec précision d’un péril imminent pour sa santé, de l’état mental du patient, des particularités de sa maladie et de la nécessité de le faire hospitaliser sans son consentement ; que ce certificat ne comportait ainsi pas les mentions requises par les articles précités du code de la santé publique ; qu’il s’ensuit que la décision du 22 décembre 2003 a été prise à la suite d’une procédure irrégulière ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du directeur du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde en date du 22 décembre 2003 ordonnant l’hospitalisation de M. X doit être annulée ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie, des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde doivent, dès lors, être rejetées ;
Article 1er : La décision en date du 22 décembre 2003 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a prononcé l’admission de M. X à la demande d’un tiers est annulée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde tendant au paiement d’une somme de mille euros (1 000 euros) en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X et au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde.
Délibéré après l’audience du 2 octobre 2008 où siégeaient :
- Mme Texier, président,
- Mme Mège, premier conseiller,
- Mme Vincent-Dominguez conseiller,
Lu en audience publique le 16 octobre 2008
Le rapporteur,
A. VINCENT-DOMINGUEZ |
Le président
M.J. TEXIER
|
Le greffier,
G. VIALLARD |
La République mande et ordonne
au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision Pour expédition conforme Pour Le Greffier en Chef Le Greffier G. VIALLARD |