Le 7 octobre 2016, M. X., âgé de 79 ans, a été admis au service des urgences d’un hôpital alors qu’il était dans le coma et hors d’état d’exprimer sa volonté. En l’absence d’évolution favorable de l’état de santé de M. X., l’équipe médicale a pris une première décision de limitation de traitements consistant en ce que si d’autres pathologies se manifestaient, elles ne seraient en principe pas prises en charge.
Le 27 octobre 2016, une décision d’arrêt de traitements a été prise par l’équipe médicale. La famille de M. X. saisit le juge d’un référé liberté, tendant à enjoindre à l’hôpital de suspendre cette décision.
Le tribunal énonce d’abord les pouvoirs particulier du juge en référé liberté dans le cadre très précis de la fin de vie, dès lors que l’exécution d’une décision médicale d’interruption ou de non mise en œuvre d’un traitement pourrait porter, de manière irréversible, une atteinte à la vie. Il doit alors « prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable ».
Le tribunal contrôle ensuite la régularité de la procédure à l’issue de laquelle la décision d’arrêt de traitement a été prise.
1. Il relève d’abord que la recherche de l’expression de la volonté du patient a bien été effectuée auprès de la famille, avant la mise en œuvre de la procédure collégiale. Elle a été interrogée sur l’existence de directives anticipées et sur la désignation d’une personne de confiance. Il estime, contrairement à ce qu’invoque la famille de M. X., que ni les convictions religieuses du patient, ni son souhait d’être transféré du Maroc en France pour y être soigné ne sauraient être interprétées comme des directives anticipées au sens du code de la santé publique. En l’absence de directives anticipées, le médecin en charge du patient « pouvait engager la procédure collégiale ».
2. Le tribunal juge la procédure collégiale régulière, dès lors que les dispositions du code de la santé publique ont été respectées, et même si la décision médicale d’arrêt de traitement n’est pas en conformité avec l’avis de la famille de M. X. L’équipe médicale « n’était pas tenue de se conformer à cet avis ».
Le tribunal étudie enfin le bien-fondé de la décision d’arrêt de traitements. En d’autres termes, il statue sur la question de savoir si la poursuite des traitements comportent une intubation et une ventilation artificielle avec cathéters veineux et artériels, ainsi qu’une alimentation par sonde gastrique et des aspirations trachéales, serait constitutive, en l’espèce, d’une obstination déraisonnable.
1. Il note qu’un examen par IRM, réalisé au Maroc avait déjà mis en évidence chez M. X. des lésions du cortex frontal évocatrices d'une nécrose laminaire, confirmés par des examens réalisés en France, les lésions atteignant les noyaux gris centraux et le cortex.
2. Il relève que, depuis son admission à l'hôpital, l'équipe médicale a constaté que M. X. demeure dans un état pauci-relationnel, sans possibilité de communiquer avec son environnement, qu'il ouvre les yeux spontanément, ne répond à aucun ordre simple, présente une réactivité non orientée à la douleur et n'a pas de motricité spontanée. Malgré le traitement anticomitial, il persiste des épisodes convulsifs. Il a une ouverture des yeux spontanée, une réaction à la douleur non orientée, ne répond pas à des ordres simples et n'a pas de motricité spontanée.
3. Il indique que si, en présence d'un score de coma de Glasgow compris entre 4 et 6 sur une échelle de 15 qui correspond à un coma profond, le réveil du patient ne peut être exclu, ce réveil éventuel est susceptible d'intervenir dans un délai indéterminé avec une probabilité très élevée de séquelles neurologiques lourdes, d'autant que des antécédents vasculaires et coronariens constituent des facteurs de risque en cas de prolongation de la réanimation.
4. Il rappelle que le dossier médical mentionne que les soins dont l'arrêt est envisagé sont douloureux, comme cela est confirmé à l’audience par le médecin en charge du patient (aspirations trachéales, cinq à six fois par jour et cathéters).
5. Il estime qu’il résulte des pièces du dossier et de l'audience que le séjour en réanimation expose le patient à des risques de complication, notamment à des infections respiratoires et à des escarres qui peuvent elles-mêmes provoquer des douleurs et des infections.
Il en conclut que « la poursuite de soins actifs et douloureux a pour seul effet de maintenir artificiellement le patient en vie, alors qu'en cas de retour, non exclu, mais très hypothétique, à un état de conscience, la vie de celui-ci serait extrêmement affectée par des lésions majeures au caractère irréversible ». La poursuite de ces traitements doit donc être regardée comme constitutive d'une obstination déraisonnable.
Ainsi, en prenant la décision du 27 octobre 2016 d’arrêter les traitements actifs dispensés à M. X., l’équipe médicale du médecin en charge du patient n’a pas porté une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale.
La requête de la famille de M. X. est rejetée.