Les parents d’une patiente âgée d’un an et hospitalisée à l’hôpital X. saisissent le tribunal administratif d’un référé-liberté.
Ils demandent notamment au juge :
- de suspendre la décision médicale du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux thérapeutiques actives, emportant sevrage de la ventilation qui maintient leur enfant en vie,
- d’ordonner le rétablissement des soins,
- de prescrire une expertise médicale, au besoin après avis de toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement la juridiction.
Par ordonnance du 16 novembre 2016, le juge des référés confie une mission d’expertise à un collège de trois médecins. Sa mission est :
- de décrire l’état clinique actuel de l’enfant et son évolution depuis son hospitalisation initiale à l’hôpital Y. le 24 septembre 2016 et son transfert à l’hôpital X. le 25 septembre 2016, date à laquelle elle aurait été placée en coma artificiel,
- de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions neurologiques de l’enfant, sur le pronostic clinique et sur l’intérêt ou non de continuer ou de mettre en œuvre des thérapeutiques actives
Par ailleurs, il suspend la décision du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux thérapeutiques actives, emportant sevrage de la ventilation de l’enfant, et enjoint à l’équipe médicale de l’hôpital de rétablir les soins.
Le 23 décembre 2016, le rapport d’expertise est déposé.
Le 27 janvier 2017, les parents de la patiente mineure demandent notamment au juge des référés, faisant valoir qu’une atteinte grave et manifestement illégale a été portée à la liberté fondamentale que constitue le droit à la vie :
- d’annuler la décision des médecins de l’hôpital d’arrêter les soins prodigués jusqu’à présent à leur enfant,
- d’enjoindre à l’équipe médicale de l’hôpital de maintenir les soins appropriés prodigués à leur enfant.
D’abord, le juge rejette la demande d’annulation de la décision d’arrêt de traitement, qui ne relève pas de l’office du juge saisi dans le cadre d’un référé-liberté au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Le juge affirme ensuite qu’il lui revient « de s’assurer, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, qu’ont été respectées les conditions mises par la loi pour que puisse être prise une décision mettant fin à un traitement dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable ».
Il relève qu’il ressort du rapport d’expertise que l’enfant a « été victime d’une rhombencéphalomyélite sévère à entérovirus responsable d’un choc cardiogénique initial très grave ayant entrainé des lésions neurologiques étendues de la moelle cervicale, du bulbe et de la protubérance ». Elle présente un état de conscience minimale dès lors que l’enfant est « réveillable à la stimulation cutanée et réagit à la voix, présente », qu’elle « est consciente, avec un contact fluctuant » et que son « niveau de collaboration (est) très limité par les paralysies des membres et des paires crâniennes ».
Il note également que « les IRM pratiquées permettent d’affirmer que le pronostic clinique […] est très péjoratif dès lors que son état « est celui d’un polyhandicap majeur, avec paralysie motrice des membres, totale dépendance de la ventilation mécanique et de l’alimentation artificielle », et que son « niveau de collaboration (est) très limité par les paralysies des membres et des paires crâniennes ».
Il décide que « cependant, la seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire d’une alimentation et d’une ventilation artificielles ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ».
Il énonce ensuite la conduite à tenir pour un médecin afin d’apprécier si les conditions d’un arrêt d’alimentation et de ventilation artificielles sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu’en soit l’origine, qui se trouve dans un état de conscience minimale le mettant hors d’état d’exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d’alimentation et de ventilation.
Le juge affirme que le médecin « doit se fonder sur un ensemble d’éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité ». En tout état de cause, il « doit, dans l’examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard ».
1. Les éléments médicaux « doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique ». Le juge relève qu’en l’espèce, « la décision attaquée, laquelle n’est, au demeurant, nullement motivée ainsi que le soutiennent à juste titre les requérants, a été prise au terme d’un délai qui n’était pas suffisamment long pour évaluer, de manière certaine, l’inefficacité des thérapeutiques en cours et la consolidation de l’état de santé de l’enfant ».
2. Outre ces éléments médicaux, « le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient ou, en l’espèce, ses parents s’agissant d’un enfant âgé de moins d’un an à la date de la décision, peuvent avoir, le cas échéant, exprimée, quels qu’en soient la forme et le sens ». Il doit ainsi « prendre en compte les avis des membres de la famille du patient, en s’efforçant de dégager une position consensuelle ». En l’espèce, le juge constate « qu’il ne peut être contesté que l’équipe médicale s’est efforcée de dégager avec les parents de l’enfant une position consensuelle eu égard aux nombreux entretiens dont ils ont bénéficié avec le personnel médical au cours desquels l’état de santé de leur enfant leur a été clairement exposé » et qu’il est « constant que ceux-ci se sont opposés à l’arrêt des thérapeutiques actives et de la ventilation ».
Le juge en conclut que les conditions légales pour que puisse être prise, par le médecin en charge du patient, une décision mettant fin à un traitement n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie et dont la poursuite traduirait ainsi une obstination déraisonnable ne sont pas réunies.
A titre provisoire, et « sans préjuger en rien de l’évolution de l’état clinique de l’enfant », il suspend la décision du 4 novembre 2016 de mettre un terme au traitement thérapeutique et de débrancher l’appareil respiratoire qui maintient la patiente en vie. Il enjoint l’hôpital X. de maintenir les soins appropriés la concernant, emportant poursuite des thérapeutiques actives et de la ventilation.