Les faits d'espèce sont les suivants : une patiente a subi le 16 décembre 2002 une greffe rénale. La pose d'une sonde est décidée lors de cette intervention, conformément aux règles de l'art, en raison des circonstances opératoires. L'information de la pose de cette sonde n'est pas transmise à la patiente en post-opératoire. Le juge estime par conséquent que c'est à bon droit que la requérante "est fondée à reprocher à l'hôpital un défaut d'information et un défaut dans la surveillance post-opératoire". Pour autant, le Tribunal administratif de Melun décide d'exonérer l'établissement de santé d'une partie de sa responsabilité en soulignant le comportement de la patiente : "Mme. X ne voulant pas être transférée dans une chambre double, a quitté l'établissement contre l'avis médical (…) une telle imprudence est (…) de nature à exonérer l'hôpital d'une partie de sa responsabilité ; qu'en outre, un premier écho-doppler du greffon, qui aurait permis de mettre en évidence la présence de la sonde, et qui était prévu lors du bilan de fin de première année de transplantation, n'a pu être réalisé, l'intéressée s'étant "disputée avec la radiologue", ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise". Il est à noter que le juge, en appréciant les circonstances de l'espèce, "laisse à la charge de la requérante un tiers des conséquences dommageables du maintien de la sonde dans son organisme".
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN
(l ère chambre)
N° 0704952/1
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Audience du 29 avril 2011
Lecture du 13 mai 2011
Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2007, présentée pour Mme ..., demeurant ... , par Me Boukhris ; Mme ... demande au tribunal :
1°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi suite à son hospitalisation à l'hôpital ..., avec intérêts à compter du 26 octobre 2006 ;
2°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, et mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris les dépens dont frais d'expertise ;
Mme ... soutient qu'une sonde a été laissée dans son corps suite à la transplantation rénale dont elle a bénéficiée à l'hôpital ..., ce qui constitue une faute médicale par défaut d'information et défaut de surveillance ; que cette faute est à l'origine des hématuries dont elle souffre ;
Vu la demande préalable d'indemnisation du 26 octobre 2006 et la décision de rejet de l'Assistance publique hôpitaux de Paris en date du 14 mai 2007 ;
Vu l'ordonnance du 31 janvier 2011 fixant la clôture d'instruction au 15 mars 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2011, présenté par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représentée par la directrice générale ; l'Assistance publique-hôpitaux de Paris conclut au rejet de la requête ;
L'Assistance publique-hôpitaux de Paris soutient qu'aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de Mme ... ;
Vu le rapport d'expertise déposé au tribunal le 4 décembre 2007 ;
Vu l'ordonnance en date du 27 décembre 2007, par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais de l'expertise à la somme de 1 815,00 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2011 :
- le rapport de M. Dufour, conseiller ;
- et les conclusions de Mme Larsonnier, rapporteur public ;
Sur la faute
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, : « I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. »; et qu'aux termes de l'article L. 1111-2 de ce code, « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent » ;
Considérant que Mme ... a subi, le 16 décembre 2002, une greffe rénale à l'hôpital ..., établissement dépendant de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; qu'un écho-doppler réalisé le 17 juin 2004 a révélé qu'une sonde située entre le greffon rénal et la vessie, posée lors de l'intervention, n'avait pas été retirée ; que la requérante soutient qu'une faute médicale, consistant dans un défaut d'information et de surveillance, a été commise, et lui cause un préjudice dès lors que son état de santé se dégrade ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé par le président du tribunal de céans le 24 juillet 2007, que la pose d'une sonde en double J a été décidée, conformément aux règles de l'art, en raison des circonstances opératoires ; qu'ainsi Mme ... n'a pu en être informée préalablement, l'intervention ayant de plus été effectuée en urgence, par un médecin de garde, avec un rein de cadavre ;
Considérant, en revanche, que l'intéressée n'a pas été avertie de la présence de cette sonde au cours des 15 jours de suivi postopératoire immédiat, effectué au sein du service de néphrologie de l'hôpital, pas plus que lors de sa sortie de l'établissement ; que si Mme ... a ensuite refusé d'être suivie par le chef de service néphrologie de l'hôpital ... et par deux autres médecins de son service, elle l'a finalement été par le docteur ..., qu'elle a consulté au centre hospitalier à de nombreuses reprises au cours de l'année 2003, notamment les 9, 15 et 27 janvier, 6 et 24 février 2003 ; qu'alors que le compte rendu de la transplantation indiquait que la sonde en double J devait être enlevée au bout de six semaines, et qu'en effet la littérature médicale conseille une ablation précoce de la sonde, l'existence de la sonde et la nécessité de la retirer n'ont été portées à la connaissance de Mme ... que le 17 juin 2004, après que sa présence ait été mise en évidence par un écho doppler réalisé suite aux plaintes de la patiente à propos d'hématuries, depuis le 22 mars 2004 ; que l'intéressée est fondée à reprocher à l'hôpital un défaut d'information et un défaut dans la surveillance post-opératoire ;
Considérant qu'en réplique, le centre hospitalier se prévaut de la circonstance, qui résulte du rapport d'expertise, et qui n'est pas contestée par la requérante, que Mme ..., ne voulant pas être transférée dans une chambre double, a quitté l'établissement contre l'avis médical, ce qui selon la défense a empêché que soit respectée la procédure formalisée de prise de rendez-vous pour ablation de la sonde auprès des chirurgiens par la secrétaire hospitalière, qui a lieu lors de la sortie du patient ; que si cette circonstance n'ôte pas aux manquements susrappelés leur caractère fautif, une telle imprudence est néanmoins de nature à exonérer l'hôpital d'une partie de sa responsabilité ; qu'en outre, un premier écho-doppler du greffon, qui aurait permis de mettre en évidence la présence de la sonde, et qui était prévu lors du bilan de fin de première année de transplantation, n'a pu être réalisé, l'intéressée s'étant « disputée avec la radiologue », ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de Mme ... un tiers des conséquences dommageables du maintien de la sonde dans son organisme ;
Sur le préjudice :
Considérant que d'une part, il résulte du rapport de l'expertise que la sonde, qui a finalement été retirée le 22 décembre 2006, n'a eu aucun retentissement sur la fonction rénale de l'intéressée et le bénéfice de la transplantation, le bilan urologique effectué lors de l'expertise étant jugé « tout à fait bon » par l'expert « compte tenu du lourd passé médical de la requérante qui a souffert d'une néphrectomie gauche, d'insuffisance rénale très sévère et d'une maladie lupique » ; que d'autre part, Mme ... a souffert d'hématurie macroscopique à partir de mars 2004 ; qu'eu égard aux avis médicaux des docteurs ... et ..., retranscrits par le rapport d'expertise, ces hématuries doivent être regardées comme dues à la présence de la sonde, laquelle aurait causé un important épaississement pariétal diffus de l'uretère ; que toutefois, il résulte de l'instruction que Mme ... a refusé à plusieurs reprises l'ablation de la sonde, malgré l'insistance des médecins, alors qu'ainsi qu'il a été dit, un écho-doppler avait mis en évidence sa présence dès le 17 juin 2004, et qu'il s'agit d'une intervention simple, faite par les voies naturelles ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requérante ait subi un quelconque préjudice matériel, des souffrances physiques, un préjudice esthétique ou des troubles dans les conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral causé à l'intéressée par l'angoisse liée à ces hématuries, jusqu'à leur diagnostic, et par la découverte tardive de la présence de cette sonde dans son organisme, en condamnant l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à verser à la requérante la somme de 1 500,00 euros, ramenée à 1 000,00 euros compte tenu du partage de responsabilité mentionné précédemment ; que Mme ... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due à compter de sa demande indemnitaire reçue le 31 octobre 2006 ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris les frais et honoraires de l'expertise déjà mentionnée, taxés et liquidés à la somme de 1 815,00 euros ;
DECIDE:
Article ler : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à Mme ... la somme de 1 000,00 euros en réparation du préjudice subi en raison du défaut d'information et de surveillance dans les suites de son hospitalisation à l'hôpital .... Cette somme portera intérêts à compter du 31 octobre 2006.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 815,00 euros sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme ..., à la Caisse primaire d'assurance maladie de ... et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2011, à laquelle siégeaient :
M. Choplin, président,
M. Caillou, premier conseiller, M. Dufour, conseiller,
Lu en audience publique le 13 mai 2011.