Par ce jugement, le tribunal administratif de Paris considère qu’il est possible d’appliquer une sanction disciplinaire à l’égard d’un agent pour des faits commis en dehors des fonctions lorsque ces faits entachent gravement l’honneur et la considération de la fonction exercée. En l’espèce, un agent technique exerçant au sein d’un établissement public de santé a été reconnu coupable devant le tribunal de grande instance d’agressions sexuelles sur mineur de moins de quinze ans et condamné à une peine d’emprisonnement de cinq ans assortie d’un sursis de deux ans. Un arrêté de révocation est pris à son encontre après l’engagement d’une procédure disciplinaire. Les juges ont considéré que la décision du directeur de cet établissement public de santé était suffisamment motivée en faisant état des condamnations pénales prononcées à l’encontre de cet agent et en rappelant les faits reprochés et leur gravité. Le tribunal administratif précise également que « ne peuvent, en règle générale, être sanctionnées disciplinairement que les fautes commises par les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions ; que, toutefois, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent être constitutifs de fautes disciplinaires lorsque, eu égard à la nature des fonctions de l’intéressé, à l’étendue de ses responsabilités et à leur gravité, ils peuvent avoir un retentissement sur le service en jetant un discrédit sur la fonction qu’exerce l’agent ou en entachant gravement l’honneur et la considération qui lui sont portés ».
Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2009, présentée pour M. ..., demeurant …, par Me Mhissen ;
M. ... demande au tribunal :
- d'annuler l'arrêté en date du 9 octobre 2009 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, APHP, lui a infligé la sanction de révocation à compter du 1er novembre 2009 ;
- de mettre à la charge de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris une somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que reconnu coupable, par jugement du 17 juin 2008 du tribunal de grande instance de Paris, d'agressions sexuelles sur mineur de moins de quinze ans et condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans assortie d'un sursis de deux ans, il a informé la direction de l'hôpital dès le 11 février 2007 de sa détention provisoire et le 29 septembre 2008 de sa condamnation ; que le 5 février 2009, il a informé l'hôpital de la fin de sa détention à compter du 19 janvier 2009 ; que le 12 octobre 2009 un arrêté de révocation est pris à son encontre après une procédure disciplinaire engagée en février 2009 ; que cette décision n'est pas motivée dès lors qu'elle se home à faire référence à sa condamnation pénale ; que cette sanction est tardive dès lors que l'administration avait connaissance de sa situation dès février 2007 ; qu'ainsi un délai raisonnable n'a pas été respecté ; que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits n'ont pas été commis en service ; que cette décision est illégale dès lors que le directeur de l'APHP a utilisé mie procédure disciplinaire non pas pour mettre en évidence une faute disciplinaire mais pour écarter un agent de ses fonctions en raison d'une appréciation de l'incompatibilité de l'exercice de ses fonctions au regard d'une condamnation pénale ; qu'il donne des gages certains de réinsertion étant suivi au plan thérapeutique et que tout risque de récidive est écarté ; que l'ensemble des éléments liés à sa situation et en particulier à sa manière de servir n'ont pas été pris en compte et que la sanction est donc manifestement disproportionnée ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe le 20 novembre 2010 présenté par l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris qui conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que la décision est suffisamment motivée et que la motivation par anticipation est admise ; que la sanction n'est pas tardive, l'APHP ayant attendu la fin de son incarcération ; que la procédure est régulière ; que la sanction n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la gravité des faits reprochés et de ce que son comportement témoigne de l'absence de toute dignité ;
Vu l'ordonnance en date du 8 octobre 2010 fixant la clôture d'instruction au 19 novembre 2010, en application des articles R.613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 3 janvier 2011 fixant la réouverture de l'instruction. en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire enregistré au greffe le 4 novembre 2011 présenté pour M. ... et tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens :
Il soutient, en outre, que la sanction est disproportionnée et que les faits ont été commis hors service ; que l'établissement où il travaille n'accueille pas d'enfant et qu'il pouvait être affecté dans un service excluant tout contact avec des patients ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relavant de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisées à appliquer, à titre expérimental. les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Evgenas ;
- et les conclusions de M. Huc , rapporteur public ;
Considérant que M. ..., agent technique principal titulaire au sein de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, affecté à l'hôpital …, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire, engagée par un rapport du 11 février 2009 pour des faits d'agression sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité pour lesquels il avait été condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans assortie d'un sursis de deux ans par jugement du 17 juin 2008 du tribunal de grande instance de Paris ; que M. ... demande l'annulation de l'arrêté en date du 9 octobre 2009 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, APHP, lui a infligé la sanction de révocation à compter du 1er novembre 2009 ;
Sur les conclusions en annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, la décision « prononçant une sanction disciplinaire [doit] être motivée » ; qu'aux termes de l'article de la loi susvisée du 11 juillet 1979: « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui infligent une sanction. » ; que l'article 3 de la même loi dispose que « la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de révocation attaquée du 9 octobre 2009 visait les dispositions applicables à la procédure disciplinaire des fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, rappelait les faits reprochés à M. ... : « agression sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité pour lesquels il a été reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans assortie d'un sursis de deux ans par jugement du 17 juin 2008 du tribunal de grande instance de Paris », et précisait que ces faits avérés devaient être sanctionnés ; que le courrier d'accompagnement du 12 octobre 2009 rappelait la procédure disciplinaire initiée par le rapport du 11 février 2009, les faits reprochés et indiquait « compte tenu de la gravité des faits et qui ont fait l'objet d'une condamnation pénale, le directeur général a décidé de vous infliger la sanction disciplinaire de la révocation » ; qu'ainsi en faisant non seulement état des condamnations pénales prononcées â l'encontre de M. ... niais également en rappelant les faits reprochés et leur gravité, le directeur de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris a suffisamment motivé en fait sa décision au regard des exigences posées par les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucun texte ni principe général n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire contre les fonctionnaires ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que si le requérant a été placé en détention provisoire en février 2007, il a été reconnu coupable des faits reprochés par un jugement du 17 juin 2008 dont il ressort de ses propres déclarations qu'il en a informé l'administration le 29 septembre 2008 ; qu'ainsi, la procédure disciplinaire engagée par l'administration à compter de février 2009 ne saurait être regardée comme tardive ; que dès lors, M.... ne peut utilement soutenir que la procédure disciplinaire n'a pas été initiée dans un délai raisonnable ; que ce moyen tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire doit donc, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant. en troisième lieu, que les faits, d'ailleurs non contestés par le requérant. et ayant donné lieu à condamnation pénale consistant en de très graves manquements à l'honneur et à la dignité sont constitutifs d'une faute disciplinaire nonobstant la circonstance qu'ils aient été commis en dehors du service; qu'ainsi le moyen de M.... tiré de ce que l'administration aurait utilisé une procédure disciplinaire dans le seul but d'écarter un agent de ses fonctions en raison d'une appréciation de l'incompatibilité de l'exercice de ses fonctions au regard d'une condamnation pénale doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...)Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation » ; que saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre une sanction prononcée à l'encontre d'un agent public, il appartient au juge administratif de vérifier si la sanction n'est pas manifestement disproportionnée aux fautes de l'agent ;
Considérant que ne peuvent, en règle générale, être sanctionnées disciplinairement que les fautes commises par les fonctionnaires dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ; que, toutefois, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent être constitutifs de fautes disciplinaires lorsque, eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé, à l'étendue de ses responsabilités et à leur gravité, ils peuvent avoir un retentissement sur le service en jetant le discrédit sur la fonction qu'exerce l'agent ou en entachant gravement l'honneur et la considération qui lui sont portés ;
Considérant que la gravité des faits reprochés à M.... et pour lesquels il a été reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans assortie d'un sursis de deux ans même commis en dehors du service sont de nature à entacher gravement l'honneur et la considération de l'administration à laquelle il appartenait : que si M.... soutient qu'il dispose de parfaits états de service et qu'il a fait l'objet d'un suivi thérapeutique en 2008 et 2009 comme l'indique le certificat du 15 mai 2009 du psychologue le suivant attestant d'une évolution favorable, ces circonstances ne saurait démontrer, eu égard à la gravité des faits reprochés, qu'en prononçant la sanction de révocation, le directeur de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris a entaché la décision contestée du 9 octobre 2009 d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M.... doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'APHP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. ..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : requête de M.... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. ... et à l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris.