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Tribunal administratif de Paris, 21 juin 2011, n°0903392/6-2 (dossier médical - destruction irrégulière - absence de préjudice)

Monsieur X reproche à un établissement public de santé d'avoir détruit son dossier médical avant le terme du délai fixé par l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 portant règlement des archives hospitalières (à savoir, 20 ans). Il soutient en outre que la perte de ce dossier a empêché l'expert nommé d'établir un lien de causalité entre l'exposition à des ultraviolets qu'il a subi dans les années 80 et l'apparition de son cancer (carcinome). Le juge rejette la requête de Monsieur X en considérant que "à supposer la faute commise par l'hôpital Y, résultant de la destruction irrégulière du dossier médical du requérant, cette faute n'a pas pu entrainer les préjudices allégués ; qu'elle ne peut, en particulier, être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir une décision favorable devant la juridiction administrative ou avoir eu pour conséquence de méconnaître le principe d'égalité".

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS

 

N°0903392/6-2

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

                                                                       Audience du 24 mai 2011 Lecturedu 21 juin 2011

60-01-01 C

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 avril 2009, présentés pour M. S, demeurant au XXX par Me Bohe ; M. S demande au tribunal :

1°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices résultant d'une part, de la rupture d'égalité des citoyens devant les services publics et, d'autre part, de la perte de chance d'obtenir une décision favorable devant la juridiction administrative ;

2°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser, sur cette somme, les intérêts au taux légal, à compter de la décision du 4 novembre 2008 et la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la responsabilité l'Assistance publique-hôpitaux de Paris est engagée sur le fondement de la faute dès lors qu'il résulte des courriers de l'administration et des éléments fournis en réponse au docteur S. en 1999 que son dossier médical a été perdu ; que la juridiction administrative a rejeté son recours en indemnisation au regard des conclusions défavorables du rapport d'expertise du docteur F. du 15 février 2002 ; que si l'expert n'a pu déterminer un lien entre les soins effectués et l'apparition de son cancer de la peau, il indique clairement qu'il ne disposait pas du dossier médical relatif au traitement réalisé à l'hôpital XXX de 1971 à 1981 ; qu'il est incontesté et incontestable que l'expert judiciaire n'a pas été à même de mener à bien sa mission, en l'absence de son dossier médical ; que le seul dossier dont disposait ainsi l'expert ; était celui fourni par la SNCF son employeur ; que ce dossier aurait permis de déterminer très exactement les doses de puvathérapie qui lui ont été administrées ; que l'annexe de l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 portant règlement des archives hospitalières prescrit le délai de 20 ans pour la conservation des dossiers médicaux ; qu'il a été suivi de 1971 à 1981 dans les services du professeur C. et a bénéficié de soins jusqu'en 1983 à l'hôpital XXX ; qu'ainsi son dossier aurait dû être conservé jusqu'en 2003 ; que l'hôpital avouait par lettre du 15 juin 2006 avoir procédé à la destruction du dossier le 20 mars 2001 soit avant le terme de 20 ans prévu par la réglementation ; qu'en outre les articles 28 et 19 de l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 précise que le bordereau des papiers dont la suppression est proposée, est signé par le directeur des services d'archives du département ; que cependant le Médiateur de la République a pu constater que le procès verbal de destruction n'a pas été visé par le service des archives du département ;

- que contrairement à ce qu'affirme l'hôpital dans sa décision rejetant sa demande préalable, l'expert n'a jamais conclu qu'un lien de causalité entre l'exposition ultraviolette et l'apparition d'un carcinome était impossible ou inimaginable ; qu'en revanche l'absence du dossier médical l'a simplement empêché d'établir un lien dont il n'exclut pas l'existence ;

Vu l'avis de réception de la demande préalable d'indemnisation ;

Vu l'ordonnance en date du 22 novembre 2010 fixant la clôture d'instruction au 11 janvier 2011, en application des articles R.613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2010, présenté par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient :

- à titre principal, que la requête est irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée ; que lors des précédentes instances qui ont eu lieu devant le tribunal administratif de Paris puis devant la Cour d'appel de Paris la question de la perte du dossier médical de M. S. avait déjà été soulevée ; que le Tribunal administratif a estimé que les éléments qui lui étaient nécessaires pour trancher le litige lui avaient été apportés par l'expert et qu'il n'était pas nécessaire de nommer un nouvel expert ; que la cour administrative d'appel de Paris a confirmé en tous points le jugement du tribunal administratif ;

- à titre subsidiaire, que sa responsabilité ne peut être engagée que si trois conditions sont remplies, à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces deux derniers ; que si la destruction du dossier médical peut être qualifiée de fautive du fait de l'absence d'un visa obligatoire, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a jamais occasionné un quelconque préjudice ; que l'expert a conclu qu'il est impossible d'établir un lien de cause à effet direct et certain entre les traitements subis, notamment l'exposition ultraviolette et la puvathérapie, et l'apparition du carcinome ; que ce n'est pas ainsi l'absence de dossier médical qui a conduit l'expert à conclure à l'absence de lien de causalité direct et certain mais les nombreuses hypothèses médicales pouvant expliquer la survenue de ce cancer ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2011 :

  • le rapport de M. Quyollet ;
  • et les conclusions de Mme Portes, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

Considérant que M. S. soutient que l'hôpital XXX aurait commis une faute en détruisant son dossier médical avant le terme du délai fixé par l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 portant règlement des archives hospitalières, et sans que le visa obligatoire à la destruction dudit dossier n'ait été apposé par le directeur des services d'archives du département ; qu'il est constant que le professeur F. a, dans son rapport d'expertise remis le 15 février 2002, conclu à l'impossibilité d'établir un lien de causalité direct et certain entre les soins effectués, en particulier la puvathérapie et l'apparition du cancer de la peau du requérant ; qu'il résulte cependant de l'instruction, que le caractère incertain du lien de causalité entre les soins effectués et la pathologie de M. S., n'est nullement lié à un manque d'informations sur le passé médical du patient, mais en raison de l'existence d'autres facteurs pouvant expliquer l'apparition d'un carcinome chez ce dernier, notamment sa contamination par des virus HPV révélée par l'existence de verrues plantaires dès 1975 ; à supposer la faute commise par l'hôpital XXX, résultant de la destruction irrégulière du dossier médical du requérant, établie, cette faute n'a pu entraîner les préjudices allégués ; qu'elle ne peut, en particulier, être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir une décision favorable devant la juridiction administrative ou avoir eu pour conséquence de méconnaître le principe d'égalité ; que par suite, la responsabilité de l'AP-HP n'est pas, en tout état de cause, engagée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. S. doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE:

Article 1er :  La requête de M. S. est rejetée.

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M.  S., à la CAISSE DE PREVOYANCEET DE RETRAITE DE LA SNCF et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2011, à laquelle siégeaient :

 

 

 

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.