En l'espèce, une patiente âgée de 89 ans, est conduite pour une consultation au service des urgences de l'hôpital Y le 29 juin 2010 à 8h10 par un agent de la maison de retraite dans laquelle elle est hébergée. Après que son absence ait été découverte à 12h15, la patiente a été ramenée dans l'après-midi à l'hôpital par les pompiers, qui l'ont secourue à la suite d'un accident de la circulation. Mme X, représentante de cette patiente, a saisi l'hôpital Y d'une demande indemnitaire préalable, demande rejetée par une décision du 6 août 2010. Mme X a alors saisi la juridiction administrative compétente. Le Tribunal administratif de Paris retient la responsabilité de l'établissement de santé en considérant qu'il « résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'accompagnatrice de la patiente qui l'avait escortée à l'hôpital depuis la maison de retraite où elle est hébergée n'a quitté cette dernière qu'à la demande expresse de l'équipe médicale du service des urgences de l'hôpital Y ; que, compte tenu de ce que l'état pseudo-démentiel de la patiente, selon les termes de l'expert, imposait qu'une présence constante fût maintenue à ses côtés pour prévenir le risque connu de fuite qu'elle présentait et qui s'est finalement réalisé, cette éviction de l'accompagnatrice de la requérante, sans que la surveillance permanente de cette dernière soit assurée par un membre du personnel hospitalier, est constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier qui engage la responsabilité de l'hôpital Y ». |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
N° 101779816-3
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Paris (6eme section - 3e chambre)
Audience du 11 octobre 2012 Lecture du 5 novembre 2012
Vu le jugement du 16 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif, avant de statuer sur les conclusions de la requête présentée pour Mme X, demeurant(…) par sa tutrice, Mme Y, tendant à la condamnation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme provisionnelle de 5 000 (cinq mille) euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un défaut d'organisation et de fonctionnement du service public hospitalier le 29 juin 2010 à l'hôpital Y, a ordonné une expertise ;
Vu l'ordonnance en date 28 septembre 2011, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a confié l'expertise médicale à M. Dominique Gizardin, et celle du 20 octobre 2011, par laquelle il a désigné M. Patrice Bodenan en remplacement de M. Gizardin ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal le 27 juin 2012 ;
Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2012, par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais de l'expertise à la somme de 1 200 (mille deux cents) euros et les a mis à la charge de Mme Y, en sa qualité de tutrice de Mme X ;
Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2012 rouvrant l'instruction et fixant sa clôture au 8 octobre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2012, présenté pour Mme X et Mme Y, par le cabinet Euro-Conseil, agissant par Me Rosenblatt ; Mme X et Mme Y demandent au tribunal :
- de condamner l'AP-HP à verser 4 000 (quatre mille) euros à Mme X en réparation de son préjudice ;
- de condamner l’AP-HP à verser 3 000 (trois mille) euros à Mme Y, fille de Mme X, en réparation du préjudice moral qu'elle a subi à raison de l'accident de sa mère ;
- de mettre à la charge de PAP-HP une somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme X et Mme Y soutiennent que :
- il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité de l'AP-HP est engagée ;
- la réparation du préjudice de Mme X se décompose comme suit : 2 000 (deux mille) euros au titre du déficit fonctionnel temporaire durant quarante-cinq jours au taux de quinze pour cent, et 2 000 (deux mille) euros au titre du quantum doloris et du préjudice esthétique durant la même période ;
- le préjudice moral enduré par Mme Y doit être indemnisé ;
Vu le courrier, en date du 2 octobre 2012, par lequel la juridiction a informé les parties que la solution du litige, concernant les conclusions indemnitaires présentées pour Mme Y, était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré du défaut de liaison du contentieux sur ce point ;
Vu la demande préalable d'indemnisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :- le rapport de M. Langrognet, rapporteur ;
- les conclusions de Mine Nikolic, rapporteur public ;
- et les observations de Me Rosenblatt, représentant Mme X ;
Considérant que Mme X, alors âgée de quatre-vingt-neuf ans, a été conduite pour une consultation au service des urgences de l'hôpital Y, établissement relevant de l’AP-HP, le 29 juin 2010 à 8 h 10 par un agent de la maison de retraite dans laquelle elle est hébergée ; qu'après que son absence a été découverte à 12 h 15, l'intéressée a été ramenée dans l'après-midi à l'hôpital par les pompiers, qui l'ont secourue à la suite d'un accident de la circulation ; qu'estimant que la survenue de cet accident résultait d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier, Mme X a saisi l'AP-HP d'une demande indemnitaire préalable, rejetée par une décision du 6 août 2010 ; que, par un jugement en date du 16 septembre 2011, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale afin de déterminer les causes et l'ampleur des préjudices subis par Mme X ; que l'expertise s'est traduite par un rapport déposé le 27 juin 2012 ;
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : «L - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes (le prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. [...] » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'accompagnatrice de Mme X qui l'avait escortée à l'hôpital depuis la maison de retraite où elle est hébergée n'a quitté cette dernière qu'à la demande expresse de l'équipe médicale du service des urgences de l'hôpital Y ; que, compte tenu de ce que « l'état pseudo-démentiel » de Mme X, selon les termes de l'expert, imposait qu'une présence constante fût maintenue à ses côtés pour prévenir le risque comm de fuite qu'elle présentait et qui s'est finalement réalisé, cette éviction de l'accompagnatrice de la requérante, sans que la surveillance permanente de cette dernière soit assurée par un membre du personnel hospitalier, est constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier qui engage la responsabilité de l'AP-HP ; que le lien de causalité entre la faute commise par le service public hospitalier, sans laquelle Mme X n'aurait pas quitté l'établissement de santé, et l'accident de la circulation dont elle a été victime et dont la probabilité était extrêmement forte compte tenu de son état pseudo-démentiel, doit être regardé comme direct et certain ; que l'AP-HP doit, par suite, être tenue de réparer l'intégralité du préjudice subi ;
Sur le préjudice de Mme X:
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident de la circulation dont Mme X a été victime s'est traduit par un traumatisme facial avec fracture du sinus maxillaire droit et hémosinus, une atteinte du malaire et une fracture de l'orbite sans incarcération musculaire avec atteinte du nerf sous-orbitaire, qui ont causé une incapacité temporaire partielle de quarante-cinq jours, à un taux qu'il y a lieu de fixer, conformément aux estimations de l'expert, à 15 % ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en les évaluant à 150 (cent cinquante) euros ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison du dommage litigieux, Mme X a enduré des souffrances qui ont été évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 7 ; qu'elle a également subi un préjudice esthétique temporaire, préjudice évalué par l'expert à 2 sur une échelle de 7 ; que la somme de 2 000 (deux mille) euros demandée par Mme X au titre de ces deux postes de préjudices correspond à une juste appréciation de ces derniers ;
Considérant que le montant total préjudice indemnisable s'élève par conséquent à 2 150 (deux mille cent cinquante) euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une partie de ce préjudice aurait été prise en charge par un tiers payeur ; que l'AP-HP doit être condamnée à verser cette somme à Mme X ;
Sur les conclusions présentées four Mme Y en son nom propre :
Considérant qu'ainsi qu'en ont été informées les parties le 2 octobre 2012, il y a lieu de soulever d'office le moyen tiré de ce que la demande présentée au nom de Mme Y est irrecevable faute pour le contentieux d'avoir été préalablement lié sur cette prétention indemnitaire ; que ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 (mille deux cents) euros par l'ordonnance du président du tribunal en date du 5 septembre 2012, à la charge de l'AP-HP ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justiceadministrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens de l'instance ;
DÉCIDE:
Article 1er: L'Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme X la somme de 2 150 (deux mille cent cinquante) euros.
Article 2: Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 (mille deux cents) euros par ordonnance du président du tribunal en date du 5 septembre 2012 sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Article 3 :L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mine X.
Article 4:Le surplus des conclusions présentées par Mme X ainsi que les conclusions présentées par Mme Y en son nom propre sont rejetées.
Article 5: Le présent jugement sera notifié à Mme X à sa tutrice Mme Y, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris. Copie en sera adressée à M. Bodenan, expert.
Délibéré après l'audience du 1 l octobre 2012, à laquelle siégeaient
Mme Doumergue, président, M. Dayan, premier conseiller, M. Langrognet, conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2012.