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Tribunal administratif de Rouen, 2 octobre 2008, n°081786 (Communication de pièces du dossier médical – ayant droit) 

Concernant la détermination des pièces du dossier médical communicables aux ayants droit, ce jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen pose le principe selon lequel il appartient à l’ayant droit qui estime insuffisante les informations qui lui ont été communiquées de démonter que celles-ci ne lui permettent pas de poursuivre l’un des objectifs prévus par la loi et qui ont motivé sa demande. En l’espèce, le fils d’un patient décédé avait sollicité la communication du dossier médical de son père auprès d’un établissement public de santé lequel lui a adressé 2 compte-rendus d’hospitalisation au sein de services de neurologie et de gériatrie. Souhaitant obtenir la communication de l’intégralité du dossier médical de son père afin de faire valoir ses droits, cette personne a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) laquelle a rendu un avis favorable. Le centre hospitalier lui a alors transmis la copie du dossier médical de son père à l’exception des documents concernant les tiers. Estimant avoir eu communication des seules informations relatives à la prise en charge de son père et non des pièces susceptibles de faire valoir ses droits, le requérant a saisi le tribunal administratif. En application des articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du Code de la santé publique, le tribunal a rejeté la requête et a considéré que s’il estime insuffisantes les informations ainsi communiquées, c’est à l’ayant droit qui en est destinataire qu’il incombe de démonter que celles-ci ne lui permettent pas de poursuivre l’un ou l’autre des objectifs qui ont motivé sa demande d’intervention.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE ROUEN

N° 0801768

Mme Jorda-Lecroq Magistrat désigné

M. L'Etang
Commissaire du gouvernement

Audience du 11 septembre 2008 Lecture du 2 octobre 2008

 

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2008, présentée par M. X, demeurant (...) ; M. Xdemande au Tribunal ;

d'annuler la décision du 30 avril 2008 par laquelle la directrice de la clientèle et du droit des patients du centre hospitalier régional et universitaire de Rouen a refusé la communication de certaines pièces du dossier médical de son père, susceptibles de lui permettre de faire valoir ses droits ;

d'enjoindre au centre hospitalier régional et universitaire de Rouen de lui communiquer les pièces du dossier médical de son père, susceptibles de lui permettre de faire valoir ses droits ;

de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Rouen une somme de 500 euros en application de l'article I. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la mise en demeure, adressée le 25 juillet 2008 au centre hospitalier régional et universitaire de Rouen, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2008, présenté pour le centre hospitalier régional et universitaire de Rouen par Me Campergue ; le centre hospitalier régional et universitaire de Rouen conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. X d'une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2008, présenté par M. X , qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

 

Vu la décision attaquée ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

Vu le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, la décision en date du 2 septembre 2008 par laquelle le président du Tribunal a désigné Mme Jorda-Lceroq pour statuer sur les litiges visés audit article ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique du Il septembre 2008, présenté son rapport et entendu :

les observations de Me Maleysson, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Rouen ;

et les conclusions de M. L'Etang, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite du décès de son père, le 29 août 2007, au sein de l'un des établissements relevant du centre hospitalier régional universitaire de Rouen, M. X a sollicité la communication du dossier médical de son père auprès dudit centre hospitalier, lequel lui a adressé deux compte-rendus d'hospitalisation au sein des services de neurologie et de gériatrie ; que, souhaitant obtenir la communication de l'intégralité du dossier médical de son père, afin, selon ses termes, de faire valoir ses droits, M. X  a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, laquelle a rendu, dans sa séance du 20 mars 2008, un avis favorable à la communication à M. X  de la copie intégrale du dossier médical de son père ; que le centre hospitalier a alors transmis à l'intéressé, le 30 avril 2008. la copie du dossier médical de son père, à l'exception des documents concernant les tiers ; qu'estimant avoir eu communication des seules informations relatives à la prise en charge de son père et non des pièces susceptibles de faire valoir ses droits, M. X demande au Tribunal d'annuler la décision du 30 avril 2008 par laquelle le centre hospitalier régional universitaire de Rouen a refusé de lui communiquer ces pièces et d'enjoindre au centre hospitalier régional et universitaire de Rouen de lui communiquer lesdites pièces:

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique : «Toute personne e accès à 1' ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque litre que ce soir, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d' échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d' examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration cm d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l' exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel fiers. (...) En cas de décès du malade, l'accès des ayants droit à son dossier médical s'effectue dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article L 1110-4 (...) » ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du même code : "Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à .ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. » ;

Considérant que le droit d'accès au dossier médical d'une personne décédée dont peut se prévaloir l'un de ses ayants droit est conditionné par l'application des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-7 précités du code de la santé publique ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu autoriser la communication aux ayants droit d'une personne décédée des seules informations de son dossier médical nécessaires à la réalisation de l'objectif qu'ils poursuivent, à savoir la connaissance des causes de la mort, la défense de la mémoire du défunt ou la protection de leurs droits, et non nécessairement de l'ensemble des informations contenues dans cc dossier ; que ne sont pas communicables les informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ; que, s'il estime insuffisantes les informations ainsi communiquées, c'est à l'ayant droit qui en est destinataire qu'il incombe de démontrer que celles-ci ne lui permettent pas de poursuivre l'un ou l'autre des objectifs qui ont motivé sa demande de communication ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier régional universitaire de Rouen a communiqué à M. X, à la suite de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs, un dossier comportant plus de 300 pages relatives à la situation médicale de son père, ainsi que deux CD-Rom comportant les copies des radiographies TRM et scanners effectués sur celui-ci ; que, alors que le centre hospitalier soutient avoir ainsi communiqué au requérant l'intégralité du dossier médical de son père, à l'exception, conformément aux dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique précitées, des informations relatives aux tiers, M. X, qui reconnaît avoir eu communication des informations relatives à la prise en charge de son père, ne démontre pas que les pièces qui lui ont été transmises par le centre hospitalier régional universitaire de Rouen ne pourraient lui permettre de poursuivre utilement les objectifs qu'il s'est fixé ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à. soutenir que la décision contestée est illégale au motif que cette communication n'a été que partielle ;

Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de l'absence de conformité de la procédure de communication avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peul, dès lors, et tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. X doit être rejetée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante. à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Rouen, qui n'est pas partie perdante à l'instance, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande sur ce fondement ; que, d'autre part et en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme de 1000 euros que demande le centre hospitalier régional universitaire de Rouen sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE:

Article 1 La requête de M. Xest rejetée.

Article 2 : X versera au centre hospitalier régional et universitaire de Rouen une somme de mille euros (1000 euros) en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X et au centre hospitalier régional et universitaire de Rouen,

Délibéré après l'audience du I 1 septembre 2008, à laquelle siégeait :

- Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller, - assistée de M. Auger, greffier en chef.

Lu en audience publique le 2 octobre 2008.

La République mande et ordonne au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision