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Tribunal administratif d'Orléans, 31 juillet 2013, n° 1203165 (Suicide – Soins psychiatriques – Défaut de surveillance – Absence de faute)

En 2011, Mme X.  a été hospitalisée à sa demande au sein du service de psychiatrie du centre hospitalier intercommunal A. en raison d’un état dépressif. Au retour d’une permission de sortie, Mme X. a mis fin à ses jours en se pendant dans sa chambre avec le cordon d’alimentation d’un poste de radio.

Son époux et son fils recherchent la responsabilité de l'établissement. A leur sens, "compte-tenu des antécédents psychiatriques de Mme X. et notamment des tentatives de suicide qu’elle avait pu faire dans le passé, des mesures particulières de surveillance auraient dû être mises en place". Sa permission de sortie s'étant mal passée, et Mme X. présentant "un état de profond mal être [...] le cordon d’alimentation électrique avec lequel elle s’est pendue aurait dû lui être retiré".

Le Tribunal indique qu'il "ne résulte pas de l’instruction que Mme X. ait exprimé des idées suicidaires dans la période qui a précédé son passage à l’acte, ni que son état dépressif se soit aggravé au point de rendre nécessaires des mesures de surveillance ou des restrictions particulières par rapport au régime d’hospitalisation libre auquel elle était soumise". En outre, Mme X. n'a pas sollicité de médicamentation supplémentaire, n'a pas manifesté de comportement anormal, et la famille n'a pas alerté l'établissement d'un risque de suicide particulier.

Le Tribunal décide alors que "la circonstance que Mme X. ait mis fin à ses jours en se pendant avec le cordon d’alimentation de son appareil radiophonique et qu’elle ait eu la possibilité de s’enfermer dans sa chambre, au demeurant accessible au personnel hospitalier qui est passé à deux reprises le jour des faits à 21h15 et à 23h15, pour s’assurer de l’état de la patiente, ne sauraient suffire à révéler un défaut de surveillance constitutif d’une faute dans l’organisation du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier intercommunal A".

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D'ORLÉANS

N° 1203165

 

M. X.

M. Y.

M. Z.

 

M. Girard, Rapporteur

Mme Loisy, Rapporteur public

 

Audience du 11 juillet 2013

Lecture du 31 juillet 2013

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Le Tribunal administratif d'Orléans

(4ème chambre)

 

Vu la requête enregistrée le 14 septembre 2012, présentée pour M. X. demeurant ... agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de son fils alors mineur, M. Y. demeurant …, par Me Blanc Pélissier avocat ; M. X. agissant en son nom propre et en tant que représentant légal de son fils mineur Z. alors mineur et M. Y. demandent au tribunal :

 1°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal A.et la société B. à verser :

- à M. X. en son nom propre :

- la somme de 3.496,40 euros au titre des frais d’obsèques ;

- la somme de 94.376,80 euros en réparation du préjudice économique total du conjoint survivant ;

- à titre principal, la somme de 29.200 euros au titre des arrérages échus pour le poste de perte d’industrie ainsi que la somme de 29.200 euros au titre de la rente viagère pour la perte d’industrie indexée annuellement sur le SMIC avec une 1er indexation le 1er janvier 2013 ;

- à titre subsidiaire, la somme de 823.264,80 euros en réparation du poste perte d’industrie selon la formule de capitalisation viager ;

- la somme de 35.000 euros titre de son préjudice extra-patrimonial ;

 

- à M. X. en sa qualité de représentant légal de son fils Z. :

- la somme de 4.830, 66 euros au titre de son préjudice économique ;

- la somme de 30.000 euros au titre de son préjudice extrapatrimonial ;

 

- à M. Y. :

- la somme de 3. 029, 93 euros au titre de son préjudice patrimonial ;

- la somme de 30.000 eurosau titre de son préjudice extra-patrimonial ;

 

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal A. et la société B. à leur verser la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

 

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier qui avait connaissance du mal être psychologique de Mme X. aurait dû mettre en place une surveillance renforcée ;

- le fait de laisser à Mme X.  le cordon d’alimentation électrique avec laquelle elle s’est pendue et de lui laisser la possibilité de s’enfermer dans sa chambre sont constitutifs d’un défaut de surveillance qui engage la responsabilité du centre hospitalier ;

- ils justifient de frais d’obsèques, d’un préjudice économique et d’un préjudice extrapatrimonial ;

 

Vu l’accusé de réception de la demande préalable ;

Vu le courrier enregistré le 1er décembre 2012 de la caisse primaire d’assurance maladie de … par lequel elle indique qu’elle n’interviendra pas à l’instance, n’ayant pas de créance à faire valoir ;

 

Vu le mémoire enregistré le 22 décembre 2012, présenté par la caisse primaire d’assurance maladie de ... ; la caisse primaire d’assurance maladie de ... demande au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier intercommunal A. à lui verser une somme de 4 220,10 euros correspondant aux frais qu’elle a versés pour le compte de son assurée ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal A. la somme de 997 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal A.la somme de 200 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu l’ordonnance du 4 février 2013, fixant la clôture d’instruction au 18 mars 2013 à 12h00, en application des articles R.613-1 et R.613-3 du code justice administrative ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2013, présenté pour le centre hospitalier intercommunal A. , et la société B. par Me Derec, avocat, qui conclut au rejet de la requête ainsi qu’au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de ... ;

Il fait valoir que :

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie sont irrecevables en raison de l’incompétence du signataire du mémoire ;

- aucune faute n’ayant été commise par le centre hospitalier intercommunal A., la responsabilité de ce dernier ne peut être engagée ;

- à titre subsidiaire, la capitalisation jusqu’à 25 ans n’est pas justifiée, les enfants de Mme X. ne justifiant pas de la poursuite de leurs études jusqu’à cet âge, les frais funéraires ont été pris en charge par un organisme de prévoyance, le préjudice d’industrie correspondant à une assistance tierce personne n’est pas justifié ;

 

Vu l’ordonnance du 25 mars 2013, décidant la réouverture de l’instruction en application de l’article R-613-4 du code de justice administrative et fixant sa clôture au 17 avril 2013 à 12h00 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 avril 2013, présenté pour les requérants par Me Blanc-Pélissier, avocat, qui concluent mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance 22 avril 2013, décidant la réouverture de l’instruction en application de l’article R-613-4 du code de justice administrative et fixant sa clôture au 14 mai 2013 à 12h00 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 mai 2013, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de ... qui persiste dans ses écritures et porte à 1 015 euros la somme demandée au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

Elle soutient en outre que le mémoire de la caisse a été signé par son directeur adjoint en raison de l’absence du directeur de la caisse, conformément aux dispositions de l’article R.122-3 alinéa 9 du code de la sécurité sociale ;

Vu l’ordonnance 17 mai 2013, décidant la réouverture de l’instruction en application de l’article R-613-4 du code de justice administrative et fixant sa clôture au 10 juin 2013 à 12h00 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2013, présenté pour le centre hospitalier intercommunal A.et la société B., par Me Derec, avocat ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2013, présenté pour M. X., M. Y., M. Z., par Me Blanc-Pélissier, avocat ; M. Z. déclare reprendre l’instance à son compte du fait de sa majorité, et sollicite la condamnation solidaire du centre hospitalier intercommunal A. et de la société B. à lui verser la somme de 4.830,66 euros au titre de son préjudice économique et la somme de 30.000 euros au titre de son préjudice extra patrimonial ;

Vu l’ordonnance 5 juillet 2013, décidant la réouverture de l’instruction en application de l’article R-613-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de sécurité sociale :

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juillet 2013 :

- le rapport de M. Girard, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Loisy, rapporteur public ;

 - et les observations de Me Burgevin, avocat, pour le centre hospitalier intercommunal A. et la société B. ;

 

1. Considérant que Mme X.  a été hospitalisée à sa demande le 9 mars 2011 au sein du service de psychiatrie du centre hospitalier intercommunal A. en raison d’un état dépressif ; que le 3 avril 2011, au retour d’une permission de sortie, Mme X. a mis fin à ses jours en se pendant dans sa chambre avec le cordon d’alimentation d’un poste de radio ;

2. Considérant que le 14 mai 2012, par lettre recommandée avec accusé réception, reçue le 15 mai 2012, les requérants ont adressé au centre hospitalier intercommunal A. une demande d’indemnisation préalable à laquelle il n’a pas été répondu ; que M. X. son époux, M. Y. son fils ainé, M. Z. son fils cadet, ce dernier ayant repris l’instance à son compte du fait de sa majorité, demandent au tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal A. et la société B. à réparer l’ensemble des préjudices résultant de la faute qu’aurait commise le centre hospitalier intercommunal A.;

3. Considérant, par ailleurs, que la caisse primaire d'assurance maladie demande la condamnation du centre hospitalier intercommunal A. à lui rembourser les débours qu’elle a supportés pour le compte de son assurée ;

 

Sur la responsabilité et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le 9 mars 2011, Mme X. a été admise à sa demande au sein du service psychiatrique du centre hospitalier intercommunal A. dans le cadre d’une hospitalisation libre, dans les conditions fixées par l’article L.3211-2 du code de la santé publique ; que les requérants soutiennent que compte-tenu des antécédents psychiatriques de Mme X. et notamment des tentatives de suicide qu’elle avait pu faire dans le passé, des mesures particulières de surveillance auraient dû être mises en place par l’établissement hospitalier ; qu’ils font ainsi valoir que le 3 avril 2011, Mme X. présentait un état de profond mal être en raison d’une permission de sortie qui s’était passée dans de mauvaises conditions et que de ce fait le cordon d’alimentation électrique avec lequel elle s’est pendue aurait dû lui être retiré ;

5. Considérant toutefois qu’il ne résulte pas de l’instruction que Mme X. ait exprimé des idées suicidaires dans la période qui a précédé son passage à l’acte, ni que son état dépressif se soit aggravé au point de rendre nécessaires des mesures de surveillance ou des restrictions particulières par rapport au régime d’hospitalisation libre auquel elle était soumise ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas des procès-verbaux d’audition des infirmiers de permanence, établis par un officier de police judiciaire, que
Mme X.  ait sollicité une médicamentation supplémentaire à son retour de permission, le
3 avril 2011, ni qu’elle ait manifesté un comportement anormal ; que par ailleurs, il n’est pas établi, ni même allégué, que la famille de Mme X.  ait alerté le personnel hospitalier d’un risque particulier de suicide ; que dès lors la circonstance que Mme X.  ait mis fin à ses jours en se pendant avec le cordon d’alimentation de son appareil radiophonique et qu’elle ait eu la possibilité de s’enfermer dans sa chambre, au demeurant accessible au personnel hospitalier qui est passé à deux reprises le jour des faits à 21h15 et à 23h15, pour s’assurer de l’état de la patiente, ne sauraient suffire à révéler un défaut de surveillance constitutif d’une faute dans l’organisation du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier intercommunal A.;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M. X., M. Z. et M. Y. ne peuvent être que rejetées ;

7. Considérant qu’en l’absence de faute commise par le centre hospitalier intercommunal A., les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de ... tendant au remboursement des dépenses de santé qu’elle a exposées pour le compte de son assurée ainsi qu’au versement de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.376-1 du code de sécurité sociale doivent être rejetées ;

 

 Sur les frais exposés pour l’instance et non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal A.et de la société B.qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme sollicitée par les requérants et par la caisse primaire d'assurance maladie de ... au titre des frais exposés pour l’instance et non compris dans les dépens ;

 

D E C I D E :

Article 1er: La requête de M.X., de M. Z. et de M. Y. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de ... sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X., M. Z. M. Y., au centre hospitalier intercommunal A., à la société B. et à la caisse primaire d'assurance maladie...