Une convention a été conclue entre l’Etat et un CHU afin d’engager une personne par un contrat emploi solidarité (contrat de droit privé relevant, en principe, en cas de litige, de l’autorité judiciaire même si l'employeur est une personne publique). Ce contrat a été suivi de 4 autres et à l’expiration du 4ème, une action a été intentée tendant à la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée et à la condamnation du centre hospitalier. Le Tribunal des Conflits, saisi sur la question de la compétence juridictionnelle, a précisé que lorsque la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l’Etat et l’employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer. Le juge administratif est également compétent lorsque la requalification a pour conséquence la poursuite d’une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif au-delà du terme du contrat. En l’espèce, le litige ne portant ni sur la légalité de la convention entre l’Etat et le CHU, ni sur les suites du contrat, le juge judiciaire reste compétent. |
Tribunal des conflits
N° C3645
Inédit au recueil Lebon
Mme Mazars, président
M. Philippe Martin, rapporteur
M. Duplat, commissaire du gouvernement
Lecture du lundi 24 septembre 2007
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 mars 2007, l'expédition de l'arrêt du 7 mars 2007 par lequel la Cour de cassation (chambre sociale), saisie des pourvois formés d'une part par Mme Hélène GROC et d'autre part par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE contre l'arrêt du 3 juin 2005 de la cour d'appel de Toulouse requalifiant en contrat de travail à durée indéterminée de droit public le contrat emploi solidarité prenant effet le 28 mai 1996 et déclinant la compétence de la juridiction judiciaire pour tirer les conséquences de cette requalification, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 20 avril 2007, le mémoire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que le contrat emploi solidarité, après sa requalification par le juge judiciaire, n'entre plus dans les prévisions de l'article L. 322-4-7 du code du travail et devient un contrat de droit public conclu par une personne morale de droit public gérant un service public administratif ;
Vu, enregistré le 14 mai 2007, le mémoire présenté pour Mme GROC, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que le contrat conclu avec le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE avait un objet conforme à l'article L. 322-4-7 du code du travail ;
Vu, enregistré le 18 juillet 2007, le mémoire présenté par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que la contestation sur la durée minimale du contrat emploi solidarité pourrait mettre implicitement en cause la convention conclue entre l'Etat et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE et que la requalification du contrat emploi solidarité le place nécessairement hors du champ de l'article L. 322-4-7 du code du travail, ce contrat relevant alors du droit public en raison de la nature de l'employeur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié, et notamment ses articles 35 et suivants ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Martin , membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Vier Barthélémy Matuchansky, avocat de Mme GROC
- les observations de la SCP Delaporte Briard Trichet, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE
- les conclusions de M. Jacques Duplat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en application d'une convention conclue entre l'Etat et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, celui-ci a engagé Mme GROC par un contrat emploi solidarité prenant effet le 28 mai 1996, afin d'exercer des fonctions de secrétariat administratif à la direction des affaires juridiques ;
que ce contrat a été suivi de quatre contrats emploi consolidé jusqu'au 28 juillet 2000 ; qu'à l'expiration du dernier contrat emploi consolidé, Mme GROC a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une action tendant à la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser des rappels de salaires et de primes, diverses indemnités ainsi que des dommages-intérêts pour rupture abusive ;
que par arrêt du 3 juin 2005, la cour d'appel de Toulouse a requalifié en contrat à durée indéterminée, en vertu de l'article L. 122-3-13 du code du travail, le contrat emploi solidarité prenant effet le 28 mai 1996, au motif que sa durée était inférieure à la durée minimale de trois mois prévue par l'article 3 du décret du 30 janvier 1990, puis décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour tirer les conséquences de cette requalification, au motif que le contrat ainsi requalifié ne relevait plus de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif au contrat emploi solidarité, mais devenait un contrat de droit public conclu avec une personne de droit public gérant un service public administratif ;
que la Cour de cassation, saisie de deux pourvois contre cet arrêt, a renvoyé la question de compétence au Tribunal des conflits ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 322-4-8 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, les contrats emploi solidarité sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel ;
qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un tel contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification du contrat ;
Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ;
que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées à l'article L. 322-4-7 du code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requalification effectuée par la cour d'appel de Toulouse est fondée sur l'irrégularité du contrat emploi solidarité tenant à sa durée inférieure à la durée minimale fixée par décret, sans que soit contestée la légalité de la convention conclue entre l'Etat et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE ;
que le litige ne porte que sur la période correspondant aux contrats emploi solidarité puis emploi consolidé conclus entre Mme GROC et le CENTRE HOSPITALIER; que, dès lors, le juge judiciaire est compétent pour tirer les conséquences de la requalification du contrat qu'il a prononcée ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour tirer les conséquences de la requalification du contrat emploi solidarité conclu entre Mme GROC et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.