En l’espèce, une patiente a été admise dans le secteur privé d’un centre hospitalier afin d’y subir un acte chirurgical et a subi un préjudice découlant de fautes médicales commises à l’occasion de cette intervention. Cette patiente a alors saisi le tribunal de grande instance ainsi que le tribunal administratif en vu d’obtenir réparation de son préjudice. Devant la juridiction judiciaire, la patiente a recherché la condamnation du chirurgien. Or, les juges judiciaires ont rejeté la demande après avoir fait la distinction entre l’intervention chirurgicale pratiquée en secteur privé et les actes préopératoires et postopératoires intervenus dans le service public hospitalier. Ils ont en effet considérés qu’aucun manquement relatif à l’acte chirurgical n’était invoqué et qu’aucune faute détachable du service n’avait été commise par le médecin hospitalier. Devant la juridiction administrative, la patiente a invoqué une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service mais le tribunal administratif a estimé qu’une telle faute, distincte de celles imputées au praticien au titre du contrat de droit privé conclu entre le médecin et la malade n’était pas démontrée. Or, le Tribunal des conflits a déclaré que la patiente ayant été admise dans le secteur privé de l’établissement public de santé, les manquements reprochés au chirurgien auraient dû être examinés par la juridiction judiciaire et n’auraient pas dû être déclarés rattachables au service public hospitalier. Il a également précisé que les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le service privé d'un hôpital public le sont en dehors de l'exercice des fonctions hospitalières. Les rapports qui s'établissent entre les malades admis dans ces conditions et les praticiens relèvent du droit privé et donc, de la compétence de la juridiction judiciaire. |
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
N° 3616
Centre hospitalier universitaire de Voiron
Conflit négatif
31 mars 2008
Inédit au Recueil LEBON
Vu, enregistrée à son secrétariat le 11 octobre 2006, la requête présentée pour Mme X , demeurant (...), tendant à ce que le Tribunal :
- à titre principal,
par application de l'article 17 du décret du 26 octobre 1849,
déclare que le litige qui l'oppose à M.X le docteur , médecin hospitalier, à la suite de l'intervention chirurgicale que celui-ci a pratiquée sur sa personne le 13 mars 2001 en secteur privé de l'hôpital, ressortit aux juridictions de l'ordre judiciaire ; par les motifs que Mme Guillot a subi un préjudice découlant de fautes médicales commises à l'occasion de cette intervention ; que le tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par la patiente en vue d'obtenir la condamnation de M. à lui verser une indemnité d'un montant de 78.560 euros, a, par jugement du 23 juin 2005 qui n'a pas été frappé d'appel, rejeté aussi cette demande ; que le tribunal administratif de Grenoble, également saisi par ses soins le 17 juin 2002 aux fins de voir désigner un expert et condamner le centre hospitalier à des réparations d'un montant de 77.960 euros a, par jugement du 14 décembre 2005, rejeté sa demande ; que par ordonnance du 18 mai 2006,
le président de la cour administrative d'appel de Lyon a donné acte à Mme Y de son désistement de l'appel relevé contre ce jugement ;
- à titre subsidiaire,
par application de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 :
1°) annule les jugements rendus le 23 juin 2005 par le tribunal de grande instance de Grenoble et le 14 décembre 2005 par le tribunal administratif de Grenoble, qui ont successivement rejeté ses demandes d'indemnisation,
2°) condamne M. X à lui verser la somme de 77.960 euros avec les intérêts de droit à compter du 24 avril 2002 et capitalisation desdits intérêts, à supporter tous les dépens et à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
par les motifs qu'il résulte de ces décisions une contrariété conduisant à un déni de justice mettant Mme Guillot dans l'impossibilité d'obtenir la satisfaction à laquelle elle a droit, au sens de la loi du 20 avril 1932 ;
Vu les jugements précités ;
Vu, enregistrées le 24 avril 2007, les observations du ministre de la santé et des solidarités, qui conclut au bien-fondé du recours en déni de justice, par les motifs que si le tribunal de grande instance et le tribunal administratif de Grenoble ont rejeté la requête de Mme Y au fond, il apparaît que les deux ordres de juridiction, par des appréciations inconciliables entre elles, ont défini différemment le champ de la relation contractuelle s'instaurant entre le médecin et le malade dans le secteur privé d'un hôpital public, alors qu'il est constant qu'un hôpital public ne peut être déclaré responsable du dommage subi par un patient admis en secteur libéral que dans les cas où il est établi que ces dommages ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public ;
Vu, enregistré le 17 septembre 2007, le mémoire présenté pour le centre hospitalier de Voiron qui conclut, à titre principal, à la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige, à la nullité du jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 23 juin 2005, au renvoi de l'affaire devant cette juridiction, et, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause ;
Vu, enregistré, le 1er octobre 2007, le mémoire présenté pour M. X, qui conclut à la compétence des juridictions administratives pour connaître du litige opposant Mme Y et le centre hospitalier de Voiron, et au rejet de la demande d'indemnisation formée à son encontre ; il soutient que les fautes alléguées, à savoir un défaut d'information permettant de donner un consentement éclairé à l'intervention projetée, l'indication opératoire et les défaillances dans le suivi post opératoire, ont eu lieu au sein du secteur public hospitalier, et qu'aucune faute détachable du service ne peut lui être imputée;
Vu, enregistré le 17 octobre 2007, le nouveau mémoire présenté pour M. X, qui conclut à l'irrecevabilité de la requête présentée, pour tardiveté, en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 20 avril 1932 prévoyant que la requête doit être introduite devant le Tribunal dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions à entreprendre n'est plus susceptible de recours devant les juridictions, soit de l'ordre administratif, soit de l'ordre judiciaire ;
Vu les pièces du dossier, desquelles il résulte que la requête a été notifiée à la caisse primaire d'assurance-maladie de Grenoble, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 aout 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié, en son article 17 ;
Vu la loi du 20 avril 1932 ;
Sur les conclusions tendant au règlement de compétence :
Considérant que Mme Y a saisi le tribunal de grande instance de Grenoble en vue d'obtenir la condamnation du docteur X, chirurgien au centre hospitalier de Voiron, à réparer le préjudice par elle subi à l'occasion d'une dermolipectomie à laquelle il avait procédé sur sa personne le 13 mars 2001, dans le secteur privé de l'hôpital ; que par jugement du 23 juin 2005, le tribunal, après avoir fait la distinction entre l'intervention chirurgicale pratiquée en secteur privé, à propos de laquelle aucun manquement n'était invoqué, et les actes pré opératoires et post opératoires intervenus dans le service public hospitalier, a rejeté la demande en retenant, pour ces derniers actes, qu'aucune faute détachable du service n'avait été commise par le praticien ;
Considérant que le tribunal administratif de Grenoble, saisi également par Mme Y aux fins d'obtenir du centre hospitalier la réparation de son préjudice à la suite d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, a estimé qu'une telle faute, distincte de celles imputées à M. X au titre du contrat de droit privé conclu entre le praticien et la malade, n'était pas démontrée ;
Considérant que ces décisions statuent implicitement sur la compétence, la première, en ce que n'ont pas été examinés les manquements, qualifiés de fautes de service, reprochés au chirurgien, à tort déclarés rattachables au secteur public hospitalier alors que Mme Guillot avait été admise dans le secteur privé de l'établissement, et la seconde, en ce qu'il n'a pas été prononcé sur les fautes imputées personnellement à M. X ;
Considérant que de cette double déclaration d'incompétence résulte l'un des conflits négatifs expressément prévus par l'article 17 du décret du 26 octobre 1849 ;
Considérant que les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le service privé d'un hôpital public le sont en dehors de l'exercice des fonctions hospitalières ; que les rapports qui s'établissent entre les malades admis dans ces conditions et les praticiens relèvent du droit privé ; que si l'hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu'ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit privé ; qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître d'une action dirigée à leur encontre ; que c'est à tort que le tribunal de grande instance de Grenoble s'est déclaré incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions tendant à l'application de la loi du 20 avril 1932 :
Considérant que la loi du 20 avril 1932 n'étant pas applicable, les conclusions de Mme Y sur ce point doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de Mme Y tendant à l'application de la loi du 20 avril 1932 sont rejetées.
Article 2 : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme Y à M. X, s'agissant des fautes pré opératoires et post opératoires imputées à ce dernier.
Article 3 :Le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 23 juin 2005 est annulé en tant que ce tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les fautes pré opératoires et post opératoires imputées à M.X.
Article 4 : La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.