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C.A.A Bordeaux, 3 mai 2007 (Responsabilité – infections nosocomiales – visiteurs)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux considère qu’en l’absence d’une preuve d’imputabilité au service hospitalier de l’affection du visiteur, présent dans les lieux du 22 juin au 26 juillet 1998, aucun régime spécifique de responsabilité ne pèse sur les hôpitaux à leur égard.

Cette décision précise donc a contrario que le régime de responsabilité spécifique aux infections nosocomiales ne s’applique qu’aux patients
et aux agents des centres hospitaliers, à l’exclusion des visiteurs.

" (...) qu'ainsi, faute pour la requérante, qui ne peut se prévaloir du régime de responsabilité spécifique aux infections nosocomiale qui s'applique aux seules patients et agents des centres hospitaliers, à l'exclusion des visiteurs, d'établir que l'infection dont elle souffre serait imputable au service hospitalier, elle ne saurait rechercher la responsabilité du centre hospitalier de T ;(...) "

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

statuant
au contentieux
N° 03BX00868

Inédit au Recueil Lebon


1ère chambre - formation à 3


M. P L, Rapporteur
Mme B, Commissaire du gouvernement

M. L, Président
SCP H L ET ASSOCIES CONSEIL


Lecture du 3 mai 2007


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 18 avril 2003 et 4 juin 2003, présentés pour Mme Marie-José X, demeurant ..., par Me Lepage, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 24 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de T soit condamné à lui verser une somme de 2.435.655 francs en réparation des préjudices consécutifs à l'infection dont elle a été victime ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Tarbes à lui verser la somme de 422 337,69 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2007 :

- le rapport de M. L, président assesseur,

- les observations de Me C substituant la SCP H.L, pour Mme X,

- les observations de Me L, Me C-L, pour le centre hospitalier de T ;

- et les conclusions de Mme B, commissaire du gouvernement ;

- la formation de jugement ayant pris connaissance de la note en délibéré enregistrée à la cour le 26 mars 2007 et produite par Mme X ;

Considérant que, dans un article de son édition datée du 18 février 2003, un quotidien régional a révélé le sens et les principaux motifs du jugement attaqué qui a été lu, selon ses propres mentions, à l'audience publique du 24 février 2003 ; qu'une telle publicité, intervenue avant la lecture du jugement, a porté au principe général du secret des délibérations de la formation de jugement une atteinte qui n'a été rendue possible que par une irrégularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif ; qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 24 février 2003 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Pau ;

Considérant qu'il est constant que Mme X a fait de fréquentes visites durant la période du 22 juin au 16 juillet 1998, au centre hospitalier de T où elle passait notamment les nuits en accompagnement de son père hospitalisé au service néphrologie ; que le 16 juillet 1998 elle a présenté une pathologie survenue de manière brutale dans un contexte très fébrile sous forme d'une pneumopathie lobaire inférieure gauche associée à une atteinte hépatique ; qu'elle estime avoir été victime d'une légionellose contractée lors de ses visites au centre hospitalier de T et demande réparation du préjudice qui s'en est suivi ;

Considérant que deux des trois expertises contradictoires effectuées par des experts différents, et régulièrement versées au dossier, écartent le diagnostic de légionellose et le lien de la pneumopathie avec le centre hospitalier de T, compte tenu notamment de l'absence de pathologies identiques contractées par les patients et les personnels de ce centre hospitalier et des résultats des analyses médicales pratiquées sur Mme X ; que la troisième expertise émet seulement l'hypothèse d'une légionellose : qu'elle précise toutefois que la requérante ne présentait pas tous les symptômes de la maladie et que les séquelles dont elle est porteuse ne sont pas celles habituellement constatées à la suite d'une légionellose ; que, par ailleurs, si Mme X présentait certains symptômes d'une légionella pneumophilae de type 12, l'ensemble des patients du centre hospitalier de Tcontaminés ont contracté une légionellose de Type 1 ou 6 et ceci plus de cinq semaines après l'infection dont a été victime Mme X alors que la durée d'incubation de la légionellose est de deux à seize jours ; que les diverses investigations effectuées dans le centre hospitalier de T, d'abord à l'initiative de celui-ci dès le 21 août 1998, puis dans le cadre d'une inspection du ministère de l'emploi et de la solidarité, n'ont pas permis de déceler la présence d'une légionella de type 12 ; qu'en particulier cette bactérie n'a pas été retrouvée dans la chambre occupée par le père de la requérante, dont il n'est pas établi que le décès serait dû à une légionellose ou à une infection pulmonaire présentant des caractéristiques identiques à celles dont a été victime la requérante ; que si Mme X se prévaut de résultats d'analyses selon lesquels elle a été aussi contaminée par une légionella de type 1, les analyses dont il s'agit ont été réalisés de sa seule initiative en dehors de toute expertise contradictoire ; qu'ainsi, faute pour la requérante, qui ne peut se prévaloir du régime de responsabilité spécifique aux infections nosocomiale qui s'applique aux seules patients et agents des centres hospitaliers, à l'exclusion des visiteurs, d'établir que l'infection dont elle souffre serait imputable au service hospitalier, elle ne saurait rechercher la responsabilité du centre hospitalier de T ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la requête de Mme X ne peut qu'être rejetée ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la caisse d'assurance maladie d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées tendant au remboursement de ses débours et au versement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 612,35 euros sont mis à la charge définitive de Mme X ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de T , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées la somme qu'elles demandent au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au centre hospitalier de T le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 24 février 2003 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X présentée devant le Tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 612, 35 euros sont mis à la charge définitive de Mme X.
Article 4 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées et celles du Centre hospitalier de T tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.