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Conseil d'Etat, 13 février 1987, Ministre de l'éducation nationale (égalité d'accès à la fonction publique - recrutement distinct - égalité des sexes)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du ministre de l'éducation nationale enregistré le 21 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°] annule le jugement en date du 17 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé une décision en date du 7 septembre 1983 par laquelle l'inspecteur d'académie de la Dordogne a désigné Mme X., professeur adjoint d'éducation physique et sportive au lycée Laure Gatet à Périgueux, pour effectuer un service complémentaire au lycée Bertran-de-Born ;
2°] rejette la demande présentée par Mme X. devant le tribunal administratif de Bordeaux,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 82-380 du 7 mai 1982 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 75-36 du 21 janvier 1975 relatif au statut particulier du corps des professeurs adjoints d'éducation physique et sportive ;
Vu le décret n° 82-886 du 15 octobre 1982 portant application de l'article 18 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pepy, Auditeur,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que Mme X., professeur-adjoint d'éducation physique et sportive en poste au lycée Laure Gatet de Périgueux, a demandé devant le tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision en date du 7 septembre 1983 par laquelle l'inspecteur d'académie de la Dordogne l'a désignée pour effectuer un service d'enseignement complémentaire au lycée Bertran-de-Born ; que la circonstance que l'intéressée se soit vue confier l'intégralité de son service au lycée Laure Gatet à compter du 6 septembre 1985 ne rendait pas sans objet les conclusions de la requête de Mme X., dès lors que la décision attaquée, qui n'a pas été retirée, avait produit ses effets ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions à fin de non lieu présentées par le ministre de l'éducation nationale ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance du 4 février 1959 dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 82-380 du 7 mai 1982 : "pour l'application de la présente ordonnance aucune distinction n'est faite entre les hommes et les femmes sous réserve des seules dispositions de l'article 18 bis ci-après" ; qu'aux termes du 1er alinéa de cet article 18 bis : "Par dérogation au principe défini à l'article 7 ci-dessus, pour certains corps dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur de la fonction publique et des comités techniques paritaires, des recrutements distincts pour les hommes ou les femmes pourront être organisés si l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante pour l'exercice des fonctions assurées par les membres de ces corps. Les modalités de ces recrutements seront fixées après consultation des comités techniques paritaires" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 82-886 du 15 octobre 1982, portant application de l'article 18 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 : "L'annexe au présent décret fixe, en application de l'article 18 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, la liste des corps pour lesquels peuvent être prévus des recrutements distincts pour les hommes et les femmes..." ; que le corps des professeurs-adjoints d'éducation physique et sportive régi par le décret du 21 janvier 1975 en vigueur à la date de la décision attaquée et auquel appartient Mme X., est inclus dans la liste dont il s'agit ; que les dispositions des 2ème et 3ème alinéas de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 aux termes desquelles "Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe. Toutefois des recrutements distincts pour les hommes ou pour les femmes peuvent exceptionnellement être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante dans l'exercice des fonctions" n'ont pas modifié ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que le corps des professeurs-adjoints d'éducation physique et sportive est régi par des dispositions réglementaires qui autorisent une distinction entre les hommes et les femmes lors du recrutement des intéressés ; qu'elles impliquent, le cas échéant, si la nature ou les caractéristiques du poste l'exigent, une distinction dans l'exercice des fonctions permettant, sous le contrôle du juge, d'affecter à ce poste un homme ou une femme ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il existait au lycée mixte Bertran-de-Born un déséquilibre numérique important entre les enseignants de sexe masculin et de sexe féminin ; que le service complémentaire au lycée Bertran-de-Born consistait en un enseignement destiné exclusivement à des groupes de jeunes filles appartenant aux classes de seconde, première et terminale ; que les programmes d'éducation physique et sportive de ces classes font apparaître, notamment pour la préparation des épreuves de contrôle continu du baccalauréat, des spécificités en fonction du sexe des élèves ; qu'il s'ensuit que le service complémentaire dont s'agit présentait des caractéristiques qui justifiaient le choix d'un professeur de sexe féminin ; que l'inspecteur d'académie a pu légalement se fonder sur un tel motif pour confier à Mme X. le service complémentaire, en lieu et place du professeur de sexe masculin qu'auraient désigné les critères habituels de mutation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le fait que la nature ou les caractéristiques du poste n'exigeraient pas qu'il fût réservé à une femme, pour annuler la décision susvisée de l'inspecteur d'académie de la Dordogne ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X. devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant qu'il appartenait à l'inspecteur d'académie, compétent pour prononcer les mutations dans le cadre de la carte scolaire, d'apprécier, au regard des dispositions réglementaires précitées, si l'exercice des fonctions en vue desquelles la mutation était envisagée requérait la nomination d'un homme ou d'une femme ; qu'il n'a pas commis d'erreur matérielle sur l'ancienneté relative de Mme X. et a procédé à l'examen de son cas ; que Mme X. n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'éducation nationale du 29 octobre 1982 qui n'ont pas de caractère réglementaire ; que si l'inspecteur d'académie de la Dordogne a désigné pour la rentrée 1985 un enseignant de sexe masculin pour effectuer le service d'enseignement complémentaire dont s'agit, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, entacher d'illégalité la décision attaquée ;

Considérant que la décision concernant l'affectation de Mme X. étant légale, elle ne peut engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il suit de là que les conclusions de Mme X. tendant à l'allocation de dommages et intérêts doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision en date du 7 septembre 1983 par laquelle l'inspecteur d'académie de la Dordogne a désigné Mme X. pour effectuer un service complémentaire au lycée Bertran-de-Born et que la demande de Mme X. présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être rejetée ;

Décide :
Article 1er : Le jugement en date du 17 décembre 1985 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X. devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X. et au ministre de l'éducation nationale.