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Conseil d’Etat, 21 juillet 2009, n°314632 (Médecine du travail – Vaccination obligatoire – Epidémie – Code du travail)

En l’espèce, une association a demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n°2008-244 du 7 mars 2008 relatif au code du travail en tant qu’il y insère l’article R. 4646-25. Cet article dispose que « le médecin du travail veille, sous la responsabilité du chef d'établissement ou du secrétaire général du syndicat, à l'application des dispositions du code de la santé publique sur les vaccinations obligatoires. Il procède lui-même ou fait procéder à ces vaccinations ainsi qu'à celles qui seraient imposées par une épidémie. Les agents peuvent les faire pratiquer par le médecin de leur choix. Ils fournissent un certificat détaillé. Le médecin du travail est habilité à pratiquer les vaccinations qui sont recommandées en cas de risques particuliers de contagion ». La requérante a soulevé l’incompétence de l’auteur de l’acte ainsi que l’erreur manifeste d’appréciation en raison de l’imprécision de la notion d’épidémie et du large pouvoir d’appréciation accordé au médecin du travail. Le Conseil d’Etat rejette la requête en considérant que ces dispositions, qui ne font que reprendre les dispositions de l’article R. 242-16 du code précédemment en vigueur, se bornent à définir les conditions dans lesquelles les médecins du travail, dans le cadre de leurs missions, sont chargés de mettre en œuvre la politique vaccinale décidée par les autorités administratives, notamment en cas d'épidémie ou de menace d'épidémie, ainsi que le prévoit l'article L. 3111-1 du code de la santé publique. La Haute juridiction ajoute que ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de rendre la vaccination obligatoire ni de permettre au médecin du travail de le faire.

Conseil d'État

N° 311318
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Daël, président
M. Philippe Ranquet, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
FOUSSARD ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON, avocat

lecture du vendredi 24 juillet 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2007 et 17 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN, dont le siège est Avenue de la Côte de Nacre à Caen (14033) ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé la décision du 8 novembre 2004 du directeur des ressources humaines du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN rejetant la demande de Mme Mauricette A tendant au versement d'un rappel de nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du mois de février 1994 et a, d'autre part, enjoint au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN de verser à Mme A la bonification de 13 points d'indice majoré sur la période courant du 1er août 1993 au 12 juin 2002 dans un délai de 2 mois et sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 ;

Vu le décret n° 94-140 du 14 février 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN et à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, aide-soignante, a été affectée au service d'hémodialyse du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN du 21 octobre 1980 au 12 juin 2002 ; qu'elle a demandé à raison de cette affectation, en application du décret du 14 février 1994 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique hospitalière, le bénéfice du versement de cette indemnité à compter du 1er août 1993 et jusqu'au 12 juin 2002 ; que le tribunal administratif de Caen a annulé la décision refusant ce versement et a fait droit à sa demande, par un jugement du 5 octobre 2007 contre lequel l'établissement hospitalier se pourvoit en cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes ...toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis / Sont prescrites, dans le même délai...les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la prescription ne peut être légalement opposée que par le directeur général d'un établissement public ou par la personne qu'il a déléguée à cet effet et, d'autre part, que l'autorité administrative peut invoquer la prescription quadriennale jusqu'à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers ;

Considérant que l'avocat du CENTRE HOSPITALIER DE CAEN a, dans une note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen le 27 septembre 2007, soit avant la lecture du jugement, produit une note dans laquelle la directrice adjointe de l'établissement déclarait opposer au nom du CENTRE HOSPITALIER DE CAEN la prescription quadriennale à la créance détenue par Mme A ; que cette note était accompagnée de la copie de la délégation de signature dont disposait sa signataire ; qu'en écartant la prescription au motif qu'elle n'aurait été invoquée que sous la seule signature de l'avocat de l'hôpital, le tribunal a dénaturé les écritures dont il était saisi ; qu'il y a lieu par suite d'annuler son jugement ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur l'exception de prescription quadriennale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance... ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'est pas faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;

Considérant que par une circulaire du 16 décembre 1997, le ministre de la santé a indiqué que les dotations globales des établissements hospitaliers pour 1998 devraient assurer le financement de la nouvelle bonification indiciaire pour les agents exerçant dans les services d'hémodialyse à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat qui étend le bénéfice de cette NBI à cette catégorie d'agents ; que la publication de cette circulaire au bulletin officiel du ministère n° 98-3 daté du 12 au 18 janvier 1998 constitue une communication de l'administration relative à l'existence de la créance qui a interrompu le délai de prescription quadriennale pour les sommes dont Mme A demande le versement et qui n'étaient pas atteintes par la prescription à la date de cette publication, soit celles correspondant à la période courant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1997 ; qu'à la date du 5 mars 2002 où le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN a accusé réception de la lettre de Mme A lui demandant les rappels de rémunération litigieux, le délai de prescription n'était ainsi expiré ni en ce qui concerne ces mêmes sommes, ni en ce qui concerne les sommes réclamées au titre de la période postérieure au 1er janvier 1998 ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN n'est, par suite, fondé à opposer la prescription quadriennale à la demande de Mme A qu'en tant qu'elle tend au versement de la NBI pour la période courant du 1er août au 31 décembre 1993 ;

Sur la légalité du refus de versement de la nouvelle bonification indiciaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 14 février 1994, portant modifications de certaines dispositions relatives à la nouvelle bonification indiciaire et portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire aux agents de la fonction publique hospitalière, une nouvelle bonification indiciaire de 13 points d'indice majoré est accordée A compter du 1er août 1993...3°) aux agents autres qu'infirmiers exerçant à titre exclusif dans le domaine de la circulation extra -corporelle ; que Mme A a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, été affectée en qualité d'aide soignante à titre exclusif dans le service d'hémodialyse du CENTRE HOSPITALIER DE CAEN du 21 octobre 1980 au 12 juin 2002 ; que si l'article 25 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique a prévu que les dispositions réglementaires prises pour l'application de l'accord sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations conclu le 9 février 1990 peuvent prendre effet à une date antérieure à leur publication , cette possibilité n'est ouverte, ainsi que le soutient en défense le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN, que pour les dispositions réglementaires prises à compter de l'entrée en vigueur de cette loi ; que, par suite, le décret du 14 février 1994, en l'absence, à la date à laquelle il est intervenu, de toute disposition législative l'autorisant à déroger au principe de la non rétroactivité des règlements, ne pouvait légalement prévoir qu'il prendrait effet au 1er août 1993 ; que Mme A était par suite en droit de prétendre au versement de la NBI du 19 février 1994, date de publication au Journal Officiel du décret du 14 février 1994, jusqu'au 12 juin 2002, date à laquelle elle a quitté le service d'hémodialyse, sans qu'y puisse y faire obstacle la décision du 18 septembre 2003 du directeur du centre hospitalier au terme de laquelle la NBI ne serait versée aux agents du service d'hémodialyse qu'à compter du 1er octobre 2003 ; que la requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation de la décision du 8 novembre 2004 lui refusant le bénéfice de la NBI en tant qu'elle la lui refuse pour la période mentionnée ci-dessus ;

Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, il y a lieu d'enjoindre au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN de verser à Mme A la bonification de 13 points d'indice majoré sur la période courant du 19 février 1994 au 12 juin 2002 dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que cette mesure soit assortie d'une astreinte en cas d'inexécution à l'issue du délai imparti ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens, tant devant le tribunal administratif de Caen que devant le Conseil d'Etat ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme que demande le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN à ce titre ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 5 octobre 2007 et la décision du directeur des ressources humaines du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN du 8 novembre 2004, en tant qu'elle rejette la demande Mme A tendant au versement d'un rappel de NBI pour la période courant du 19 février 1994 au 12 juin 2002, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN de verser à Mme A la bonification de 13 points d'indice majoré sur la période courant du 19 février 1994 au 12 juin 2002 dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN versera une somme de 3 500 euros à Mme A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la demande de Mme A devant le tribunal administratif de Caen sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CAEN et à Mme Mauricette A.