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Conseil d’Etat, 23 décembre 2015, n° 382005 (Praticien attaché – Non renouvellement contrat – Décret n°2010-1137 du 29 septembre 2010)

 

En l’espèce, un praticien attaché recruté par un Centre hospitalier pour une période de 24 mois, puis pour deux périodes de trois ans s’est vu notifier par lettre du directeur du Centre hospitalier,  sa décision de ne pas renouveler le contrat. Le praticien formule alors un recours devant le juge administratif aux fins d’annulation de la décision de non renouvellement de son contrat. La Haute cour administrative rappelle dans un premier temps que l’article R. 6152-610 du Code de la santé publique  dispose que les praticiens attachés « sont recrutés pour un contrat d'une durée maximale d'un an, renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois (...) / A l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans renouvelable de droit, par tacite reconduction» mais que cependant cet article a été modifié par un décret du 29 septembre 2010 prévoyant désormais qu’« à l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. A l'issue du contrat triennal, le renouvellement s'effectue par un contrat à durée indéterminée » Ainsi, le Conseil d’Etat estime qu’en l’absence de dispositions transitoires, les nouvelles règles sont applicables aux praticiens attachés qui, à la date d’entrée en vigueur du décret étaient employés par un centre hospitalier et  qu’en ce sens un directeur ne peut refuser de renouveler un contrat « que pour un motif qui serait de nature à justifier le licenciement et par une décision qui, dès lors qu'elle refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour l'intéressé, doit, en vertu des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, énoncer les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose ».

 

Conseil d'État

N° 382005
ECLI:FR:CESSR:2015:382005.20151223
Mentionné aux tables du recueil Lebon

5ème / 4ème SSR

M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

Lecture du mercredi 23 décembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

M.X .a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 septembre 2010 par laquelle le directeur du centre hospitalier X a décidé que son contrat de praticien ne serait pas renouvelé et la décision du 17 décembre 2010 par laquelle, après avoir rapporté la décision du 14 septembre 2010, il a confirmé que son contrat ne serait pas renouvelé et a fixé le terme de ses fonctions au 15 mars 2011. Par un jugement n° 1101063, 116185 du 31 octobre 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA00003 du 30 avril 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. X..contre ce jugement en tant qu'il refuse d'annuler la décision du 17 décembre 2010.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juin et 26 septembre 2014 et le 24 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. X...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CHI  la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- le code de la santé publique, notamment son article R. 6152-610 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.X... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a été recruté en qualité de praticien attaché par le centre hospitalier intercommunal  pour une période de deux ans courant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; que, par un avenant du 15 mars 2004, son contrat a été prolongé pour une période de trois ans courant jusqu'au 31 décembre 2007 ; que ce contrat a été tacitement reconduit pour une nouvelle période de trois ans courant jusqu'au 31 décembre 2010 ; que, par une lettre du 14 septembre 2010, le directeur du centre a informé le praticien de sa décision de ne pas renouveler le contrat ; que, par une lettre du 17 décembre 2010, le directeur a retiré cette décision mais confirmé que le contrat de M. X..ne serait pas renouvelé et fixé au 15 mars 2011 la date de cessation de ses fonctions ; que la demande de M. X... tendant à l'annulation du refus de renouveler son contrat a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Melun du 31 octobre 2012, confirmé par un arrêt du 30 avril 2014 de la cour administrative d'appel de Paris contre lequel il se pourvoit en cassation ;

2. Considérant qu'aux termes des premier et quatrième alinéas de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2010 : " Les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d'une durée maximale d'un an, renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois. (...) / A l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans renouvelable de droit, par tacite reconduction " ; que le décret du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé a donné au quatrième alinéa la rédaction suivante : " A l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. A l'issue du contrat triennal, le renouvellement s'effectue par un contrat à durée indéterminée " ; qu'en l'absence de dispositions transitoires, ces dispositions nouvelles, prises à l'effet de transposer à la situation particulière des praticiens attachés la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, sont applicables aux praticiens attachés qui, à la date de publication du décret du 29 septembre 2010, étaient employés par un établissement hospitalier dans le cadre d'un contrat de trois ans renouvelable de droit par tacite reconduction, conformément aux dispositions antérieures du quatrième alinéa de l'article R. 6152-610 ; qu'il résulte de ces dispositions que, par dérogation au principe selon lequel l'agent public dont le contrat arrive à son terme n'a pas de droit à son renouvellement, le praticien attaché, parvenu au terme d'un contrat de trois ans faisant suite à une période initiale de recrutement de vingt-quatre mois, a le droit de se voir proposer par le centre hospitalier qui l'emploie de poursuivre son engagement dans le cadre d'un contrat qui, du fait des dispositions nouvelles de l'article R. 6152-610 précité, ne peut être qu'un contrat à durée indéterminée conclu sur décision expresse du directeur de l'établissement ; que ce dernier ne peut refuser de renouveler le contrat que pour un motif qui serait de nature à justifier le licenciement et par une décision qui, dès lors qu'elle refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour l'intéressé, doit, en vertu des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, énoncer les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la décision attaquée, par laquelle le directeur du CHI a décidé de ne pas renouveler le contrat de M. X...et ainsi refusé de conclure avec lui un contrat à durée indéterminée alors que ce dernier, parvenu au terme d'un contrat de recrutement de trois ans, entrait dans les prévisions du quatrième alinéa de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique, n'avait pas à être motivée, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI le versement d'une somme de 3 000 euros à M. X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 30 avril 2014 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal  versera la somme de 3 000 euros à M. X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M.X..et au centre hospitalier intercommunal.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.