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Cour administrative d'appel de Marseille, 8 juillet 2010, n°08MA03117 (Mutation d'office - intérêt du service - suppression d'activité chirurgicale - respect des droits de la défense)

Une infirmière de bloc opératoire fait l'objet d'une décision de mutation dans le cadre d'une opération de réorganisation. Elle demande alors le bénéfice d'une indemnité de licenciement ainsi que la prise en charge de ses frais de changement de résidence. Le 10 avril 2008, le Tribunal administratif de Montpellier rejette sa demande tendant à voir reconnaître l'illégalité de la décision du 20 octobre 2004 l'informant de sa mutation. Mme X avançait le caractère discriminant de la mesure de mutation ainsi que le détournement de pouvoir par l'autorité qui l'a prise. Ce que rejette la CAA de Marseille en arguant que "la décision de mutation d'office contestée a été prise dans l'intérêt du service à la suite de la réorganisation de l'activité de chirurgie du centre hospitalier de Lézignan-Corbières consistant en la suppression du service de chirurgie accompagnée du redéploiement des personnels spécialisés qui y étaient rattachés vers le centre hospitalier de Narbonne ; que la décision de mutation n'était dès lors pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ; considérant qu'eu égard à ce qui précède, Mme X n'a pas fait l'objet d'une mesure de licenciement puis de reclassement comme elle le fait valoir, n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité de licenciement (…)".
En conclusion, il s'agissait d'une mesure d'intérêt général qui n'avait aucun rapport avec la personne de la requérante. Le directeur du Centre hospitalier concerné n'avait donc pas à suivre les mesures de protection de la personne que sont la communication préalable du dossier et la consultation de la CAP prévues en cas de mutation d'office décidée pour arrêter une situation difficile mettant en cause nommément un agent. Si la requérante n'a pas le droit à des indemnités de licenciement, ni à celles de changement de résidence, elle a le droit à la prime exceptionnelle de mobilité instaurée par le décret n°2001-353 du 20 avril 2001 instituant une indemnité exceptionnelle de mobilité dans la fonction publique hospitalière.

Cour Administrative d'Appel de Marseille
2ème chambre - formation à 3

N° 08MA03117   


Inédit au recueil Lebon


M. GONZALES, président
Mme Christine MASSE-DEGOIS, rapporteur
M. BROSSIER, commissaire du gouvernement
GRIMALDI, MOLINA & ASSOCIES - AVOCATS, avocats


Lecture du jeudi 8 juillet 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2008, présentée pour
Mme Dominique A élisant domicile ..., par Me Grimaldi, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503787 en date du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que soit reconnue l'illégalité de la décision du 20 octobre 2004 l'informant de sa mutation au centre hospitalier de Narbonne et à ce que le dit centre soit condamné à lui verser la somme de 975 euros au titre des frais de changement de résidence pour la période du 1er novembre 2004 au 1er mars 2005, un forfait mensuel de 250 euros à compter du 17 mars 2005 à parfaire en y incluant les intérêts de droit et un montant de 29 855,55 euros représentant l'indemnité en capital correspondant à un mois de salaire par année de service accompli ;

2°) de reconnaître l'illégalité de la dite décision ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Lézignan-Corbières à lui verser la somme de 975 euros au titre des frais de changement de résidence pour la période du 1er novembre 2004 au 1er mars 2005, un forfait mensuel de 250 euros à compter du 17 mars 2005 à parfaire en y incluant les intérêts de droit et un montant de 29 855,55 euros représentant l'indemnité en capital correspondant à un mois de salaire par année de service accompli sans compter les intérêts de droit ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lézignan-Corbières la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique hospitalière ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 92-566 du 25 juin 1992 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des fonctionnaires et agents relevant de la fonction publique hospitalière sur le territoire métropolitain de la France ;

Vu le décret n° 2001-353 du 20 avril 2001 instituant une indemnité exceptionnelle de mobilité dans la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur,

- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public,

- et les observations de Me Filliol, substituant Me Grimaldi, pour
Mme A ;

Considérant que Mme A, infirmière de bloc opératoire recrutée par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières, a fait l'objet d'une mutation au centre hospitalier de Narbonne par une décision du 20 octobre 2004 dans le cadre d'une opération de réorganisation ; que, par courrier en date du 17 mars 2005, elle a demandé au centre hospitalier de
Lézignan-Corbières le bénéfice d'une indemnité de licenciement à hauteur de 29 855,55 euros ainsi que la prise en charge de ses frais de changement de résidence à hauteur d'une somme de 975 euros pour la période comprise entre le 1er novembre 2004 et le 1er mars 2005 et d'un forfait mensuel de 250 euros à compter du 17 mars 2005 ; que Mme A relève appel du jugement du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à voir reconnaître l'illégalité de la décision du 20 octobre 2004 l'informant de sa mutation au centre hospitalier de Narbonne et à voir condamner ledit centre à lui verser la somme de 975 euros au titre des frais de changement de résidence pour la période du
1er novembre 2004 au 1er mars 2005, un forfait mensuel de 250 euros à compter du 17 mars 2005 à parfaire en y incluant les intérêts de droit et un montant de 29 855,55 euros représentant l'indemnité en capital correspondant à un mois de salaire par année de service accompli ;
Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique (...) : (...) 2° sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; (...) 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) ; qu'aux termes de
l'article R. 222-14 du même code alors en vigueur : Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. ;

Considérant qu'il résulte des dispositions dérogatoires ci-dessus, lesquelles sont d'interprétation stricte, que la compétence du magistrat-délégué ne s'étendait pas au présent litige d'un montant supérieur à 10 000 euros tendant à obtenir la réparation des préjudices consécutifs à l'illégalité entachant la décision du 20 octobre 2004 procédant à la mutation de
Mme A au centre hospitalier de Narbonne ; que, dès lors, le magistrat-délégué du tribunal administratif de Montpellier n'était pas compétent pour statuer sur la demande indemnitaire de Mme A ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 20 avril 2001 susvisé : Les fonctionnaires, les agents stagiaires et les agents contractuels régis par le décret du 6 février 1991 susvisé, en fonctions dans un établissement mentionné à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et concernés par une opération de modernisation entraînant un changement de lieu de travail bénéficient, dans les conditions prévues par le présent décret, d'une indemnité exceptionnelle de mobilité. Cette indemnité est accordée sans préjudice de l'application des dispositions du décret du 25 juin 1992 susvisé (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Constituent des opérations de modernisation au sens de l'article 1er ci-dessus : - les opérations liées à des réorganisations d'établissements sanitaires ou de l'un ou plusieurs de leurs services, agréées par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, cohérentes avec le schéma régional d'organisation sanitaire et donnant lieu, le cas échéant, à un contrat d'objectifs et de moyens tel que prévu à l'article L. 6114-1 du code de la santé publique (...) ; qu'aux termes de l'article L. 6114-1 du code de la santé publique : Les agences régionales de l'hospitalisation concluent avec les établissements de santé, les groupements de coopération sanitaire et les autres titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens d'une durée maximale de cinq ans. (...) Les contrats fixent les éléments nécessaires à leur mise en oeuvre, le calendrier d'exécution et mentionnent les indicateurs de suivi et de résultats nécessaires à leur évaluation périodique. Le titulaire de l'autorisation adresse à l'agence régionale un rapport annuel d'étape ainsi qu'un rapport final. (...) ;

Considérant qu'à la suite du protocole d'accord conclu en 2001, aux termes duquel l'agence régionale d'hospitalisation avait concédé la pérennisation de l'activité de chirurgie du centre hospitalier de Lézignan-Corbières sous réserve d'une évaluation objective à
l'issue d'une période de trois ans, il s'est avéré que l'activité chirurgicale ne pouvait être maintenue au sein dudit centre hospitalier eu égard aux coûts devenus trop importants ;
que l'agence régionale d'hospitalisation a proposé la réorganisation de l'activité de chirurgie du centre hospitalier de Lézignan-Corbières en supprimant le service de chirurgie avec anesthésie générale et le redéploiement vers le centre hospitalier de Narbonne des personnels spécialisés qui y étaient rattachés ; que par une convention signée le 5 et le 7 mai 2003, le centre hospitalier de Lézignan-Corbières a mis à disposition du centre hospitalier de Narbonne à compter du
1er avril 2003 le personnel infirmier anesthésiste et de bloc opératoire ; que par la décision critiquée du 20 octobre 2004, le centre hospitalier a informé Mme A qu'elle relevait, à compter du 1er novembre 2004, des effectifs du centre hospitalier de Narbonne ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient
Mme A, la décision de mutation d'office contestée a été prise dans l'intérêt du service à la suite de la réorganisation de l'activité de chirurgie du centre hospitalier de Lézignan-Corbières consistant en la suppression du service de chirurgie accompagnée du redéploiement des personnels spécialisés qui y étaient rattachés vers le centre hospitalier de Narbonne ; que la décision de mutation n'était, dès lors, pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ; que ladite décision, qui n'a pas été prise en considération de la personne de l'intéressée, n'était pas, par suite, soumise au principe du contradictoire ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une violation des droits de la défense, inopérant, ne peut qu'être rejeté ; qu'en outre, d'une part, la requérante n'apporte pas d'éléments permettant de considérer cette mutation d'office comme constitutive d'une décision discriminatoire à son encontre et, d'autre part, le détournement de pouvoir allégué dont serait entachée la dite décision de mutation n'est pas établi par les pièces du dossier ; qu'enfin, le moyen tiré de l'exception d'illégalité d'une délibération du conseil d'administration, dont la date n'est pas précisée, ne peut être que rejeté dès lors que Mme A se borne à affirmer sans autre précision que rien n'indique que les membres du conseil d'administration ont été convoqués dans des formes et délais réguliers, que les règles du quorum ont été respectées, que les membres du conseil d'administration ont disposé de la communication de l'ordre du jour et d'une information préalable sur les points portés à l'ordre du jour ;

Considérant, qu'eu égard à ce qui précède, Mme A, qui n'a pas fait l'objet d'une mesure de licenciement puis de reclassement comme elle le fait valoir, n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité de licenciement ;

Considérant que si Mme A demande la prise en charge par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières des frais de changement de résidence dont elle estime devoir bénéficier pour les trajets effectués entre son domicile et sa nouvelle résidence administrative qui relève du centre hospitalier de Narbonne, aucune disposition ni du décret du 25 juin 1992, ni du décret du 20 avril 2001 susvisés ne prévoit dans de telles conditions la prise en charge desdits frais ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à demander la prise en charge par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières des frais de changement de résidence ;

Sur les conclusions du centre hospitalier de Lézignan-Corbières tendant à obtenir
un euro de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant que, si le centre hospitalier de Lézignan-Corbières demande que
Mme A soit condamnée à lui verser un euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, il ne résulte pas de l'instruction que la demande de cette dernière ait été formée exclusivement dans un but dilatoire ; que, par suite, les conclusions présentées par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de faire droit aux conclusions présentées par Mme A ni à celles présentées par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières au titre des dispositions de cet article tant en première instance qu'en appel ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0503787 du 10 avril 2008 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.


Article 2 : La demande de Mme A est rejetée.


Article 3 : Les conclusions présentées en première instance par le centre hospitalier de Lézignan-Corbières sont rejetées.


Article 4 : Les conclusions des parties présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Dominique A, au centre hospitalier de Lézignan-Corbières et au ministre de la santé et des sports.