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Cour de cassation, chambre criminelle, 4 mars 2009, n° 08-86465 (Médecin généraliste de garde – Infraction de non assistance à personne en péril)

En l’espèce, un médecin généraliste de garde a reçu un appel téléphonique d’une épouse lui signalement que son mari était pris de vomissements. Sans se déplacer, il diagnostique au téléphone une gastro-entérite et lui prescrit du Primpéran. Le lendemain à sept heures, cette même personne rappelle ce médecin qui réitère ce diagnostic sans se déplacer au chevet du malade. Par la suite, appelé par cette épouse, le médecin traitant de ce patient confirme ce diagnostic. Ce n’est que le surlendemain qu’un infarctus du myocarde est détecté. La Cour d’appel de Versailles l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour non assistance à personne en danger. Ce médecin de garde forme alors un pourvoi en cassation. Par cet arrêt, la Cour de cassation considère que n’ayant pas satisfait aux obligations attendues d'un médecin de garde, ce professionnel  de santé s'est volontairement placé en position de ne pouvoir apprécier l'existence du péril et ne peut sérieusement soutenir qu'il n'en a pas eu conscience. La Haute juridiction rejette ainsi le pourvoi.

Cour de cassation
chambre criminelle

Audience publique du mercredi 4 mars 2009

N° de pourvoi: 08-86465

Rejet

Non publié au bulletin

Mme Chanet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
X... Philippe-André,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 26 août 2008, qui, pour omission de porter secours, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 223-6, alinéa 2, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable de non-assistance à personne en danger, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que le prévenu conteste avoir commis les faits qui lui sont reprochés, qu'ils sont néanmoins établis par la procédure et les débats, eu égard aux circonstances de leur commission et à leurs suites ; qu'ainsi, il est constant que Philippe X..., médecin de garde du 18 au 20 septembre 1999, a reçu un appel téléphonique de Ginette Y... dans la nuit du 19 au 20 septembre vers minuit ; qu'elle lui a signalé que son époux était pris de vomissements ; qu'il a diagnostiqué, au téléphone et sans se déplacer, une gastro-entérite avec une prescription de Primpéran alors qu'il présentait un infarctus myocardique postéro-latéral ; que la circonstance que Ginette Y... ait téléphoné à minuit à un médecin qui n'était pas son médecin habituel et dont elle avait eu, par conséquent, les coordonnées par la gendarmerie qu'elle avait donc dû appeler, ce qui n'est pas anodin, traduit de sa part une réelle inquiétude, justifiée ou non ; qu'il n'est pas vraisemblable qu'elle n'ait pas, dans un tel contexte, exprimé cette inquiétude auprès du docteur X..., auquel il appartenait d'apprécier, après questionnement du malade ou de son interlocuteur, si celui-ci ne pouvait ou ne voulait s'exprimer, l'urgence d'une intervention de sa part ou des services de secours et, en cas de doute, de se déplacer pour affermir son diagnostic ; qu'en effet, aux termes du code de la santé publique et du code de déontologie médicale, un médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou informé qu'un blessé ou un malade est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit des soins nécessaires ; que le système de garde est institué pour répondre aux cas d'urgence, que Philippe X..., médecin généraliste de garde pour le week-end était saisi d'une demande d'assistance ; qu'il aurait dû être alerté par les circonstances de l'appel téléphonique de nuit ; que la précision et la constance des déclarations de Ginette Y... sur le second appel passé par Ginette Y... le 20 septembre 1999 à 7 heures, et en l'absence de souvenir sur ce point de Philippe X..., qui ne notait pas les appels reçus pendant sa garde, autorise à conclure à la réalité de cet appel ; que le péril imminent de Jean-Claude Y..., non contesté, est caractérisé non seulement par les déclarations concordantes de celui-ci et de Ginette Y... sur les circonstances qui ont amené cette dernière à appeler à deux reprises le médecin de garde mais aussi par les constatations médicales ; qu'il résulte de l'expertise médicale que Jean-Claude Y... avait été alerté le jeudi précédent par des douleurs thoraciques ; que l'infarctus s'est complété ce dimanche soir avec des troubles digestifs ; qu'il était âgé de 52 ans et était fumeur ; qu'il présentait donc des facteurs de risque ; que les moyens d'intervention urgents mis en oeuvre dans les quatre ou six premières heures auraient pu limiter l'étendue de la masse myocardique infarcie ; que, requis par deux appels téléphoniques de Ginette Y..., il ne s'est pas rendu au chevet du patient ; que, n'ayant pas satisfait aux obligations attendues d'un médecin de garde, il s'est volontairement placé en position de ne pouvoir apprécier l'existence du péril et ne peut sérieusement soutenir qu'il n'en a pas eu conscience ; qu'il ne lui est pas reproché une erreur de diagnostic, de sorte qu'il importe peu que le docteur Z... ait posé un diagnostic de gastro-entérite ; que, de même, Philippe X..., soumis aux obligations d'un médecin de garde, ne saurait s'exonérer en alléguant se déplacer rarement à domicile dans sa pratique professionnelle et toujours à la demande expresse du patient ; que le délit reproché à Philippe X... est constitué ;

"1°) alors que l'infraction de non-assistance à personne en péril ne peut être caractérisée qu'à l'encontre d'une personne ayant conscience de l'existence d'un péril immédiat ; que cette conscience du péril doit être relevée dans le comportement du prévenu et non dans les sentiments éprouvés par la partie civile ; que les motifs retenus par la cour d'appel concernant la « réelle inquiétude » de la partie civile ne caractérisent pas la connaissance par le prévenu du péril encouru par le patient ;

"2°) alors que ne commet pas le délit d'omission de porter secours, le médecin qui commet une erreur de diagnostic, partant, n'a pas connaissance du péril auquel est exposé le patient ; qu'il résulte des énonciations et constatations des juges du fond que le médecin a diagnostiqué une gastro-entérite, qu'il ne pouvait dès lors pas parallèlement estimer le patient en état de péril ; que la cour d'appel s'est bornée à considérer qu'il n'était pas reproché au médecin une erreur de diagnostic tout en relevant néanmoins que le médecin a diagnostiqué, à tort, une gastro-entérite ;

"3°) alors que la cour d'appel, qui a relevé que Philippe X... a posé un diagnostic de gastro-entérite, que ce même diagnostic a été confirmé par un second médecin et que ce n'était que le lendemain que le diagnostic d'infarctus du myocarde a été posé par un troisième médecin, ne pouvait, sans se contredire, considérer que l'état de péril de Jean-Claude Y... n'était pas contesté et était caractérisé" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Chanet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Lazerges conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;