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Cour de cassation, chambre criminelle, 5 octobre 2010, n°09-86.209 (transmission volontaire du SIDA - délit d'administration de substances nuisibles)

En l'espèce, Mme X a porté plainte le 2 mai 2000 contre M. X en l'accusant de lui avoir délibérément communiqué le VIH au cours de relations sexuelles non protégées. A l'issue de l'information ouverte sur les faits dénoncés, M. X a été envoyé devant le Tribunal correctionnel sous la prévention du délit d'administration de substances nuisibles ayant entrainé une infirmité permanente de la victime. Il a été déclaré coupable de ce délit.
La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence de principe en la matière (Cass. Crim. 10 janvier 2006, n°05-80.787) en approuvant en l'espèce le choix de qualification délictuelle d'administration de substances nuisibles et précise les notions d'intention et d'infirmité permanente de la manière suivante :
- la connaissance par le prévenu de sa séropositivité et des risques de contamination lors de relations sexuelles non protégées suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit d'administration de substances nuisibles visé à l'article 222-15 du code pénal : "qu'ainsi, en toute connaissance de cause, taisant sa séropositivité, il a volontairement fait courir à Mme Y un risque gravissime pour sa santé et sa vie ; que l'infraction d'administration d'une substance de nature à nuire à la santé est dès lors constituée en tous ses éléments" ;
- "il résulte de ce qui précède que le délit d'administration de substances nuisibles imputable à M. X a ainsi entrainé pour Mme Y une grave affection virale générant une atteinte définitive de l'ensemble de son organisme et constitutive d'une infirmité permanente au sens des dispositions de l'article 222-9 du code pénal".

Cour de cassation
chambre criminelle


Audience publique du mardi 5 octobre 2010


N° de pourvoi: 09-86209

Rejet

Publié au bulletin

M. Louvel (président), président

SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gil X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 9 septembre 2009, qui, pour administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoire produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-9, 222-11 et 222-15 du code pénal, préliminaire, 166, 167, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a jugé M. X... coupable d'administration de substances nuisibles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement ;

"aux motifs que le prévenu sollicite à titre principal sa relaxe en soutenant que l'élément moral exigé par le délit prévu par l'article 222-15 du code pénal n'est pas en l'espèce établi ; qu'il n'avait pas la volonté de transmettre à Mme Y... le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et que, dès lors, son comportement n'était pas volontaire ; mais qu'il résulte de la procédure et des débats que Mme Y... a été contaminée par des sécrétions sexuelles infectées par le VIH, ainsi que l'atteste l'examen virologique pratiqué le 15 juin 1999 ; qu'il est constant que M. X... a entretenu des relations sexuelles régulières non protégées avec la plaignante entre les mois d'août 1998 et le 15 juin 1999, date à laquelle était portée à la connaissance de Mme Y... l'existence d'une séropositivité ; qu'il est aussi constant que le virus VIH contenu dans le sperme est une substance nuisible à la santé et que cette substance a bien été administrée par le prévenu lors de relations sexuelles consenties ; que, s'agissant de l'élément moral de l'infraction, M. X... avait connaissance de sa contamination déjà ancienne pour laquelle il avait consulté et devait suivre un traitement ; que le prévenu ne conteste pas avoir omis d'informer sa compagne de sa séropositivité ; qu'il a reconnu avoir été parfaitement informé au moment de sa relation avec sa compagne des modes de transmission du VIH ainsi que de la nécessité d'une protection durant les relations sexuelles ; qu'en acceptant ou sollicitant dans ces conditions des rapports sexuels non protégés M. X... ne pouvait ignorer les risques de contamination associés à ce comportement ; qu'ainsi, en tout connaissance de cause, taisant sa séropositivité, il a volontairement fait courir à Mme Y... un risque gravissime pour sa santé et sa vie ; que l'infraction d'administration d'une substance de nature à nuire à la santé est dès lors constituée en tous ses éléments ; qu'à titre subsidiaire, le prévenu soutient qu'à supposer que le délit d'administration de substances nuisibles soit établi, les dispositions répressives prévues par l'article 222-9 du code pénal ne sauraient trouver application en l'espèce, les faits n'ayant pas entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; qu'ainsi, seules seraient applicables les dispositions de l'article 222-13 du code pénal ; que les conséquences de l'infraction étant une incapacité de travail inférieure à huit jours ou une absence d'incapacité de travail ; mais que la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine présente en l'état des connaissances de la science et de la médecine un caractère irréversible ; que cette contamination est suivie d'une réplication du virus, laquelle entraîne la destruction d'une très grande quantité de lymphocytes, selon plusieurs phases et que seuls les traitements antirétroviraux sont susceptibles de retarder l'évolution de la contamination ; que, déjà dans le rapport du docteur Z... du 11 avril 2003 apparaissait une forte augmentation de la charge virale de Mme Y... ; que l'expert signalait alors qu'elle était suivie régulièrement au centre d'information et de soins de l'immunodéficience humaine de Marseille et qu'à la vue de l'évolution de son état immunitaire et l'accélération de la réplication virale, il était à prévoir dans un proche avenir la nécessité de la prise en charge régulière d'un traitement antirétroviral ; qu'il résulte du certificat médical du 9 juin 2009 établi par le docteur A... que Mme Y... a effectivement dû suivre, dès 2004, un traitement antirétroviral en raison d'une diminution significative de son taux de cluster de différentiation 4 ; que, si ce traitement a permis de contrôler la réplication du virus, la reconstitution immunitaire demeure toutefois encore imparfaite ; que Mme Y... a dû subir des consultations trimestrielles avec bilan viro-immunologique, outre un bilan de synthèse annuel permettant de dépister des complications d'ordre métabolique, mais également cancéreuses ; que son état de santé a nécessité des examens avec bilans sanguins spécialisés et tout un ensemble de consultations, notamment psychologiques, destinées à gérer les différentes complications inhérentes à l'infection ; que, selon ce médecin, le poids de la séropositivité est de plus en plus difficile à supporter sur le plan psychologique ; que la contamination et le traitement antirétroviral devenu indispensable en raison des effets de cette contamination (bithérapie en 2004 puis trithérapie depuis 2005) ont généré des conséquences physiques (modifications physiques et physiologiques liées au traitement), psychologiques, sociales, économiques, familiales et sexuelles ; qu'il résulte de ce qui précède que le délit d'administration de substances nuisibles imputable à M. X... a ainsi entraîné pour Mme Y... une grave affection virale générant une atteinte définitive de l'ensemble de son organisme et constitutive d'une infirmité permanente au sens des dispositions de l'article 222-9 du code pénal ; que c'est à juste titre que le tribunal, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, a retenu le prévenu dans liens de la prévention ; qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée de ce chef ;

"1) alors que le certificat médical établi le 9 juin 2009 par le docteur A... n'a pas été communiqué à M. X... ; que les droits de la défense ont, ainsi, été méconnus ;

"2) alors que, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, M. X... n'avait pas dénié sa séropositivité au point de perdre toute conscience des risques qu'il pouvait faire courir à sa partenaire ;

"3) alors que la séropositivité au VIH, dont l'évolution et la permanence sont inconnues en l'état des données actuelles de la science et qui n'a pas nécessairement de caractère définitif, ne peut constituer une infirmité permanente" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Y... a porté plainte le 2 mai 2000 contre M. X..., en l'accusant de lui avoir délibérément communiqué le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au cours de relations sexuelles non protégées ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur les faits dénoncés, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention du délit d'administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente de la victime ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, l'arrêt retient que, connaissant sa contamination déjà ancienne au VIH pour laquelle il devait suivre un traitement, le prévenu a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et a ainsi contaminé par la voie sexuelle la plaignante, désormais porteuse d'une affection virale constituant une infirmité permanente ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit prévu et réprimé par les articles 222-15 et 222-9 du code pénal ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à Mme Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;