Revenir aux résultats de recherche

Instruction interministérielle cabinet/DGAS n° 2001-52 du 10 janvier 2001 relative à la protection de l'enfance


Date d'application : dès réception.

Références :
Loi n° 89-484 du 10 juillet 1989 (voir les articles L. 226-3 et L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles, anciens articles 68 et 69 du CFAS) ;
Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 ;
Articles 434-1 et 434-3 du code pénal ;
Articles 223-6 et 226-13 du code pénal ;
Article 40 du code de procédure pénale ;
Article 14 de la loi n° 75-935 du 30 juin 1975 modifié ;
Articles L. 227-1, L. 227-2, L. 227-3 du CASF (art. 93 et 94 de l'ancien CFAS), L. 322-6 ; L. 322-7, L. 322-8, L. 331-5, L. 331-6 du CASF (art. 210 à 214 de l'ancien CFAS) ;
Articles L. 2324-3 du code de la santé publique (ancien article L. 182) ;
;
Décret n° 60-94 du 29 janvier 1960 modifié concernant la protection des mineurs à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels et des loisirs et ses textes d'application ;
Arrêté du 20 mars 1984 modifié portant réglementation des centres de loisirs sans hébergement ;
Circulaire emploi solidarité (DGS/DH) n° 97-380 du 27 mai 1997 ;
Circulaire emploi solidarité n° 2000-399 du 13 juillet 2000 ;
Circulaire éducation nationale n° 97-175 du 26 août 1997 ;
Circulaire emploi solidarité (DAS) n° 98-275 du 5 mai 1998.

La ministre de l'emploi et de la solidarité, la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, le ministre de l'éducation nationale, le ministre de la défense, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et la ministre de la jeunesse et des sports à Mesdames et Messieurs les préfets de département (pour attribution) ; Mesdames et Messieurs les recteurs d'académie et les inspecteurs d'académie ; Mesdames et Messieurs les procureurs généraux et les procureurs de la République (pour information)

La politique en faveur de l'enfance maltraitée a considérablement été renforcée tant par les lois du 10 juillet 1989, relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance et du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, que par diverses instructions. Actuellement les actions de dépistage et de repérage des situations de maltraitance se sont intensifiées.

La décentralisation a confié aux départements l'aide sociale à l'enfance. L'aide sociale à l'enfance représente ainsi le premier poste des dépenses d'aide sociale des départements devant le handicap et la dépendance. A ce titre, les départements ont dans leurs missions la protection sociale de l'enfance. L'Etat pour sa part assure via l'autorité judiciaire la protection judiciaire de la jeunesse.


En outre, de nombreux services de l'Etat - l'éducation nationale, la police et la gendarmerie, les affaires sanitaires et sociales, la jeunesse et les sports, notamment pour le contrôle des centres de loisirs et de vacances - contribuent à l'ensemble de la mission de protection, tant sociale que judiciaire, de l'enfance.


Dans un secteur où l'action publique est de fait conduite par des autorités différentes, il importe plus que jamais que les services de l'Etat coordonnent leur action au service d'une politique efficace de protection de l'enfance, notamment lorsqu'aucun dispositif opérationnel n'a pu être mis en place entre l'Etat et les conseils généraux.

C'est pourquoi vous voudrez bien mettre en place et réunir dans votre département un groupe de coordination départemental réunissant l'ensemble des services de l'Etat concernés par la protection de l'enfance (l'inspecteur d'académie, le DDASS, le directeur départemental de la PJJ, le directeur départemental de la jeunesse et des sports, les responsables des services de police et de gendarmerie). Les chefs de service de pédo-psychiatrie, le responsable du pôle de référence hospitalier seront appelés à y participer. Les procureurs de la République et les magistrats de la jeunesse seront sollicités pour y participer. Vous inviterez à cette démarche l'éxecutif départemental, en raison de sa compétence rappelée ci-dessus dans la protection de l'enfance, qui pourra dès lors y associer ses services s'il le souhaite.

Un représentant de la CAF et de la MSA pourront également y être associés s'ils le souhaitent.


En tenant compte des acquis de la coopération développée en ce domaine, ce groupe doit vous permettre d'agir autour des cinq axes de travail qui suivent et aura pour mission de dresser un bilan de l'organisation des services de l'Etat en matière de protection de l'enfance dans le département.

Il s'agit tout d'abord de proposer des modalités de coordination efficaces concernant les circuits de signalement :
- existence de protocoles de coopération aide sociale à l'enfance (ASE)/éducation nationale/justice ;
- bilan de leur application ;
- améliorations possibles des circuits d'information (information harmonisée des différents départements ministériels sur les circuits à emprunter vis-à-vis du conseil général et du parquet, élaboration et diffusion aux professionnels de l'enfance d'outils de bonne pratique élaborés en partenariat avec le conseil général - grilles de signalement, guides du signalement, etc.) ;
- existence de procédures d'évaluation pluridisciplinaires des situations ;
- existence de procédures particulières en cas d'urgence ;
- circuits d'informations entre le parquet et les services de l'aide sociale à l'enfance (fiche navette, informations données au conseil général sur les suites données au signalement, etc.).

Cette coordination est d'autant plus nécessaire que l'afflux de signalements directs à l'autorité judiciaire peut conduire à un engorgement des services préjudiciable au bon fonctionnement de la justice. Il peut, à terme, nuire au repérage et au traitement des situations de maltraitance les plus graves. Il faut donc promouvoir l'évaluation pluridisciplinaire des situations des enfants et des familles avant la saisine de l'autorité judiciaire, dans le cadre du dispositif permanent de recueil des signalements prévu par la loi du 10 juillet 1989. Toutefois, les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale ou les situations présentant un caractère d'urgence relèvent toujours du signalement direct à l'autorité judiciaire comme il est précisé au paragraphe I de la présente circulaire.

2. La coordination des services est également utile en matière de prise en charge des enfants maltraités. Le soin et l'éducation sont intimement liés pour garantir une prise en charge de qualité. En ce sens la mobilisation des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile devra être renforcée. L'organisation d'une prise en charge cohérente, continue et adaptée des mineurs en danger nécessite également une coordination des établissements et des services formalisée dans le cadre des schémas départementaux prévus par la loi du 6 janvier 1986 et qui doivent être mis en place.

3. Le renforcement de la lutte contre les violences en institution passe notamment par la mutualisation des compétences pour lever la loi du silence, surmonter les situations de crise et prévenir la répétition de ces violences.

4. Le dispositif de protection de l'enfance doit également permettre une intervention précoce, renforcée et coordonnée des dispositifs de prévention, mise en oeuvre par l'ensemble des acteurs de l'action sociale.


5. Enfin, chaque institution doit garantir aux parents et aux enfants un respect de leurs droits dans la mise en oeuvre de son action, le soutien apporté au bon moment aux parents en difficulté et aux familles démunies.

Nous vous demandons d'organiser la collaboration entre les services de l'Etat autour de ces cinq axes et de mettre en place avec les services du département les synergies nécessaires.


I. - AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES SIGNALEMENTS PAR UN EFFORT D'ÉVALUATION PLURIDISCIPLINAIRE ET PLURIPARTENARIALE DES SITUATIONS DES ENFANTS ET DES FAMILLES


Le dispositif permanent de recueil des signalements prévu par la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989, est mis en place par le président du conseil général après concertation avec le représentant de l'Etat. Dans ce cadre, il est nécessaire aujourd'hui de dresser le bilan de la collaboration des services de l'Etat concernés tant dans leurs rapports entre eux que dans leurs rapports avec les services du conseil général.


Au-delà de ce bilan, le groupe de coordination départemental des services de l'Etat s'attachera plus particulièrement à promouvoir l'évaluation pluridisciplinaire et pluripartenariale des situations des enfants et des familles afin de faciliter la prescription, tant par le président du conseil général que par l'autorité judiciaire, d'une prise en charge adaptée à chaque situation (aide financière à la famille, aide à domicile, mesure d'accompagnement éducatif du mineur dans un cadre administratif, mesure d'accueil temporaire, mesure éducative judiciaire, mesure de placement judiciaire, etc.).

De nombreux départements ont déjà formalisé, avec l'ensemble des services et établissements susceptibles de connaître des situations de mineurs maltraités, des protocoles de coopération en matière d'évaluation et de transmission des informations relatives aux mineurs en danger.

Cependant, dans le cas où cette coordination ne serait pas encore organisée ni prévue, ni appliquée, il vous appartient de mobiliser les services de l'Etat concernés (éducation nationale, justice, direction départementale des affaires sanitaires et sociales, jeunesse et sports, police et gendarmerie) afin que des propositions en ce sens vous soient faites pour être présentées au président du conseil général.

Ces protocoles peuvent utilement préciser :
- le circuit de l'information qui doit, dans la plupart des cas, transiter par le service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département chargé de la protection de l'enfance. En effet, nous vous rappelons que l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles (art. 69 de l'ancien code de la famille et de l'aide sociale) prévoit les conditions de saisine immédiate de l'autorité judiciaire par le président du conseil général lorsqu'il est informé de situations de maltraitance à enfant. Les signalements directs à l'autorité judiciaire doivent être ainsi réservés aux situations d'urgence, lorsque le dispositif permanent de recueil d'informations du conseil général (prévu à l'article L. 226-3 du CASF, ancien article 68 du CFAS) ne peut pas être actionné à temps.
En cas de signalement direct au parquet, une information parallèle doit être organisée vis-à-vis du président du conseil général, responsable de la protection de l'enfance ;

- les modalités d'évaluation des situations des enfants et des familles par les services concernés par la problématique familiale, connaissant le mineur et sa famille ou ayant vocation à les connaître. L'évaluation pluripartenariale et pluridisciplinaire d'une situation, dans le respect des droits des mineurs et de leur famille, permettra une analyse plus objective de la situation et des solutions proposées.

Ces protocoles s'inscrivent dans la démarche d'animation et de coordination des acteurs locaux régulièrement préconisée dans la mise en oeuvre des actions de prévention de la maltraitance à enfant et de protection de l'enfance.

Il vous appartient de nous informer, sous le timbre du ministère de l'emploi et de la solidarité, de toutes les difficultés que vous rencontreriez dans l'élaboration et la mise en oeuvre des protocoles.

II. - FAVORISER UNE PRISE EN CHARGE COHÉRENTE, CONTINUE ET ADAPTÉE DES MINEURS EN DANGER

Bilan des schémas départementaux de protection de l'enfance

La prise en charge des mineurs en danger a vocation à trouver des réponses coordonnées et articulées dans le champ social, judiciaire et médico-social par le biais de la mise en oeuvre des schémas départementaux des établissements et services prévus par la loi de 1986, qui ont vocation à constituer le cadre de référence des interventions publiques. Vous rappellerez le cas échéant au président du conseil général l'obligation d'arrêter un tel schéma et l'intérêt d'en assurer une évaluation et un bilan.

Participation du secteur de pédopsychiatrie à la prise en charge des mineurs maltraités

La prise en charge médico-psychologique des mineurs victimes de maltraitance doit être assurée sans délai et dans des conditions permettant au mineur, à son entourage, et aux professionnels qui l'accueillent de surmonter le traumatisme initial, de se reconstruire, et d'éviter pour l'avenir la reproduction par les victimes des violences subies.

La mobilisation des secteurs de pédopsychiatrie doit être significative dans ce domaine. Il convient donc d'organiser avec les services accueillant des mineurs victimes de maltraitance (ASE, PJJ, services habilités, établissements pour mineurs handicapés ou inadaptés) une coopération efficace pour assurer ce suivi médico-psychologique.


Le groupe départemental de coordination sera informé de la mise en oeuvre de cette coopération.

Participation des pôles de référence à la prise en charge psychologique des mineurs maltraités

Dans le cadre de l'amélioration et de la continuité de la prise en charge des mineurs victimes de maltraitance, les 36 pôles régionaux de référence sont chargés d'organiser leur accueil et leur prise en charge, conformément aux circulaires du 27 mai 1997 et du 13 juillet 2000. Une mission de réflexion va leur être confiée, dans le cadre de l'accueil et du suivi des victimes à l'hôpital, sur la mise en place d'une prise en charge psychologique des enfants maltraités dans le cadre d'un travail en réseau.

Les modalités d'application de ce nouveau dispositif vous seront précisées par instructions ultérieures.

III. - PRÉVENIR, REPÉRER ET TRAITER LES VIOLENCES EN INSTITUTION

Lorsqu'un cas de maltraitance sur un mineur se produit dans un établissement ou un service alors même qu'il y a été confié pour y être éduqué et protégé, l'éloignement immédiat de l'auteur présumé et, dans un même temps, l'information de l'autorité judiciaire sont des interventions reconnues nécessaires et mises en oeuvre actuellement par les différentes administrations concernées en fonction des procédures internes propres à chacune d'elles.

Cependant, la gestion d'une telle crise ne se limite pas à l'engagement des diverses procédures disciplinaires et judiciaires. Il convient de prévoir aussi l'accompagnement de la communauté des professionnels, des enfants et des jeunes ainsi que de leur famille.


Déjà, le ministère de l'éducation nationale dans son instruction du 4 septembre 1997 préconise la mise en place de lieux d'écoute. Ainsi, un dialogue s'établit avec les enfants, les familles et les professionnels, de manière à répondre aux inquiétudes, à apporter une information claire et rapide et à favoriser l'expression de la souffrance et des positions de chacun, permettant de dépasser les sentiments de culpabilité, à permettre à toutes les victimes de franchir le mur de la honte, à parler et obtenir immédiatement le soutien qui leur est dû.

Des dispositifs de ce type doivent pouvoir être préconisés pour toutes les autres administrations déconcentrées contrôlant des établissements accueillant des mineurs (PJJ, DDASS, jeunesse et sports).

Il vous revient donc d'animer, dans le cadre du groupe de coordination départemental avec les services déconcentrés concernés une réflexion commune sur la gestion de ces situations de crise ; réflexion qui portera principalement sur le partage des expériences et des approches relatives à :

- l'écoute des enfants, des jeunes, des parents, des professionnels ;
- l'animation par une équipe pluridisciplinaire, dans la structure concernée, d'une réflexion collective permettant la participation active des usagers ;
- la collaboration interprofessionnelle et interinstitutionnelle dans le domaine de la prévention, du repérage (mission commune des autorités compétentes), du traitement des violences en institution ;
- la mise en oeuvre des diverses procédures d'inspection, de sanction des auteurs, ainsi que des dispositifs de prévention de la répétition de ces dysfonctionnements.

Vous proposerez au président du conseil général de s'y associer.

IV. - PROMOUVOIR UNE INTERVENTION PRÉCOCE ET RENFORCÉE DES DISPOSITIFS DE PRÉVENTION

Le groupe de coordination départemental pourra également recenser les différents outils de prévention existants auprès des familles en difficulté et relevant de la responsabilité de l'Etat (CAMSP, CMPP, CASU, réseaux d'appui et de soutien à la parentalité), analyser leur mise en oeuvre et les manières de promouvoir une action préventive précoce.

Pour compléter ce bilan, vous pourrez utilement proposer au président du conseil général de procéder à la même démarche concernant les actions de prévention relevant de sa compétence (protection maternelle infantile, AEMO administratives, travailleuses familiales, aides financières, actions de développement social et de prévention spécialisée).


Enfin, vous veillerez à associer à ce diagnostic la CAF et la MSA.

V. - LE RESPECT DU DROIT DES FAMILLES

Le groupe de coordination départemental évoquera également avec le président du conseil général, les divers mécanismes de représentation et d'expression des familles dans le cadre des institutions accueillant des mineurs en danger (participation aux conseils d'établissements, groupes de parole, guides des droits des usagers, accompagnement par un tiers dans le cadre des diverses procédures).

Vous voudrez bien dresser d'ici au 31 mai 2001, dans le cadre de ces orientations, le bilan présentant les premières conclusions du groupe de coordination départemental de la protection de l'enfance.

Ces bilans s'enrichiront des conclusions et des propositions du groupe de travail national organisé par l'assemblée des départements de France et par la protection judiciaire de la jeunesse, et permettront de nourrir un dialogue renforcé entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux, en matière de protection de l'enfance et de prévention de la maltraitance, dans le respect des attributions de chaque partenaire institutionnel, mais avec le souci de développer une action efficace et concertée des différents services concernés.


De même, ces bilans et ces actions constitueront l'information première, remontant des départements, permettant l'élaboration des Etats généraux de la protection de l'enfance qui seront réunis à l'automne sous l'égide de la ministre chargée de l'enfance.


Vous veillerez à adresser ce bilan et toute information utile non seulement au ministère chargé de l'enfance mais aussi à chacun des ministères concernés.