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Tribunal administratif de Paris, 14 octobre 2011, n° 0808237/6-1 (Responsabilité hospitalière – Qualité de la prise en charge – Délai)

Un patient a été admis en, urgence au sein d’un service d’orthopédie – traumatologie d’un centre hospitalier universitaire (CHU) le 1er décembre 2006. Il présentait une fracture ouverte au niveau de l’index droit résultant d’un accident du travail. Opéré le soir même de son admission, il a pu quitter l’hôpital dès le lendemain malgré deux nouvelles opérations qu’il a subi les semaines suivantes. Le patient a sollicité une indemnisation auprès de ce CHU en considérant que l’amputation de son index et les fortes douleurs qu’il ressent depuis lors résultent de la tardiveté avec laquelle il a été pris en charge le 1er décembre 2006. Le CHU a rejeté cette demande au motif qu’aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre, les préjudices subis par le requérant étant exclusivement imputables à l’accident du travail du 1er décembre 2006. Le tribunal administratif rejette la requête indemnitaire au motif que le délai de 16 minutes au terme duquel le patient a été examiné à la suite de son arrivée dans le service des urgences et le délai de 3h15 qui a séparé cet examen de son entrée dans la salle d’opération, laps de temps nécessaires à la préparation de l’intervention chirurgicale, sont des délais raisonnables dans ce type de situation. Ainsi, le tribunal ne relève ni caractère fautif dans les délais de prise en charge, ni manquement aux règles de l’art et aux données acquises de la science au moment des faits.

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2008, présentée pour M. ..., demeurant ..., par Me Saulais ; M. ... demande au tribunal :

- d'ordonner une expertise afin de déterminer les causes de la nécrose de son index droit consécutive à son hospitalisation à l'hôpital ... ..., le 1er décembre 2006, et d'évaluer les préjudices en résultant ;

- à défaut, d'annuler la décision du 3 mars 2008 de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) rejetant sa demande d'indemnisation ;

- de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. ... soutient :

- qu'ayant été victime d'un accident de travail le ler décembre 2006, il est arrivé à 15h00 au service des urgences de l'hôpital ..., a été examiné vers 16h00 mais n'a été opéré qu'à 19h15 ;

- que ce retard de plus de quatre heures dans sa prise en charge est à l'origine des préjudices qu'il a subis et qui ont nécessité une reprise chirurgicale, le 8 décembre 2006, et une nouvelle hospitalisation le 22 décembre 2006 ;

- que l'amputation de l'index lui cause encore de fortes douleurs ;

- que l'AP-HP, dans sa décision de refus d'indemnisation du 3 mars 2008fiignée par une autorité incompétente, refuse de reconnaître sa responsabilité ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2008, présenté par PAP-HP, qui ne s'oppose pas à la demande d'expertise et conclut au rejet du surplus des conclusions de M. ... ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2010, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, par lequel elle informe le tribunal qu'elle n'est pas en mesure de chiffrer sa créance en l'absence d'un rapport d'expertise ;

Vu l'ordonnance en date du 17 juin 2010 fixant la clôture d'instruction au 23 juillet 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 29 décembre 2010, par laquelle le tribunal a confié une expertise médicale à M. Claude Savornin ;Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal le 8 juin 2011 ;

Vu l'ordonnance en date du 20 juin 2011 fixant la clôture d'instruction au 22 juillet 2011 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2011, présenté par l'AP-HP, qui conclut au rejet de la requête ; l'AP-HP se borne à se référer aux conclusions du rapport d'expertise, aux termes desquelles aucun manquement n'a été commis dans la prise en charge hospitalière du requérant ;

Vu l'ordonnance en date du 22 août 2011 par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 614 euros et les a mis à la charge de M. ... ;

Vu la demande préalable d'indemnisation présentée et la décision de rejet ; Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 18 mars 2009 et fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2011 :

le rapport de M. Langrognet,

et les conclusions de M. Fouassier, rapporteur public ;

Considérant que M. ..., alors âgé de quarante-neuf ans, qui présentait une fracture ouverte de la troisième phalange de l'index droit résultant d'un accident du travail, a été admis en urgence dans le service d'orthopédie-traumatologie de l'hôpital ..., établissement relevant de l'AP-HP, le 1er décembre 2006 ; qu'opéré le soir même, il a pu quitter l'hôpital le lendemain mais a dû subir deux nouvelles opérations, dans le même établissement, les 8 décembre et 22 décembre suivants ; que M. ..., estimant que l'amputation de son index et les fortes douleurs qu'il ressent depuis lors résultent de la tardiveté avec laquelle il a été pris en charge le 1er décembre 2006 à l'hôpital ..., a sollicité une indemnisation auprès de l'AP-HP qui, le 3 mars 2008, a rejeté cette demande au motif qu'aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre, les préjudices subis par le requérant étant exclusivement imputables à l'accident du travail du décembre 2006 ; que, par un jugement en date du 17 décembre 2010, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise afin de déterminer les causes et l'ampleur de son préjudice ; que l'expertise s'est traduite par un rapport déposé le 8 juin 2011 ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : « - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. [...] » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que le délai de seize minutes au terme duquel M. ... a été examiné à la suite de son arrivée dans le service des urgences de l'hôpital ... le 1er écembre 2006 et le délai de trois heures et quinze minutes qui a séparé cet examen clinique de son entrée dans la salle d'opération, laps de temps nécessaire à la préparation de l'intervention chirurgicale, sont des délais raisonnables dans ce type de situation ; que ces délais de prise en charge ne revêtent, par suite, aucun caractère fautif de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ; résulte également de l'instruction qu'aucun manquement aux règles de l'art et aux données alors acquises de la science médicale n'a été commis tant au cours l'opération du 1er décembre 2006 que dans la phase post-opératoire, l'échec de la revascularisation de la phalange de M. ... ayant été correctement pris en charge ; qu'ainsi, pour regrettable que soit l'issue de l'opération de revascularisation dont a bénéficié M. ... à l'hôpital ..., aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ne résulte de l'instruction ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, les conclusions indemnitaires de M. ... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise  :

Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 614 euros par l'ordonnance du président du tribunal en date du 22 août 2011, à la charge de M. ... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. ... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er :La requête de M. ... est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires de l'expert, taxés et liquidés à la somme de 1 674 (mille six cent soixante quatorze) euros, sont mis à la charge définitive de M. ....

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. ..., à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris. Copie en sera adressée à M. Savornin, expert.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2011, à laquelle siégeaient :

Mme Jacquier, président, Mme Guilloteau, conseiller, M. Langrognet, conseiller.

Lu en audience publique le 14 octobre 2011.