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Tribunal administratif de Paris, 7 avril 2011, n° 0901792/6-3 (Association agréée de patients – Agrément – Indépendance – Professionnels de santé)

Ce jugement considère qu’une association de patients, pour être agréée par le ministre chargé de la santé, doit présenter une indépendance totale vis-à-vis des professionnels de santé sans que ceux-ci ne soient pour autant totalement exclus de son fonctionnement, et ce en vue d’assurer la représentation des usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique. En l’espèce, le ministre chargé de la santé a refusé à une association la délivrance d’un agrément national au motif que les actions développées sont majoritairement le fait de professionnels de santé qui administrent l’association. Le tribunal administratif de Paris rejette la requête à fin d’annulation de la décision présentée par l’association en rappelant que l’objectif des articles L. 1114-1 et R. 1114-1 du Code de la santé publique est d’organiser la représentation spécifique des patients dans les instances de santé publique et leur participation à la prise en charge au moyen de critères permettant d’éviter l’éviction des patients par les médecins.

Tribunal administratif de Paris,

7 avril 2011,

n° 0901792/6-3 

Considérant que, par la décision attaquée du 2 décembre 2008, le ministre chargé de la Santé a, après avis de la Commission nationale d'agrément, refusé à l'Association française de lutte antirhumatismale la délivrance d'un agrément national pour la représentation des usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique au motif que les actions développées sont « majoritairement le fait de professionnels de santé qui administrent l'association ».

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1114-1 du Code de la santé publique: « Les associations, régulièrement déclarées, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades, peuvent faire l'objet d'un agrément par l'autorité administrative compétente soit au niveau régional, soit au niveau national. L'agrément est prononcé sur avis conforme d'une commission nationale qui comprend des représentants de l'État, dont un membre du Conseil d'État et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat, et des personnalités qualifiées en raison de leur compétence ou de leur expérience dans le domaine associatif. L'agrément est notamment subordonné à l'activité effective et publique de l'association en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé, ainsi qu'aux actions de formation et d'information qu'elle conduit, à la transparence de sa gestion, à sa représentativité et à son indépendance. Les conditions d'agrément et du retrait de l'agrément, ainsi que la composition et le fonctionnement de la Commission nationale sont déterminés par décret en Conseil d'État. Seules les associations agréées représentent les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique » ; que l'article R. 1114-1 du même code dispose en outre que : « Les associations mentionnées à l'article L. 1114-1 peuvent être agréées si elles justifient, pour les trois années précédant la demande d'agrément, de l'exercice, d'une activité effective et publique en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé, ainsi que d'un fonctionnement conforme à leurs statuts. L'activité effective et publique de l'association est notamment appréciée au regard des actions qu'elle conduit : 1° En faveur de la promotion des droits des personnes malades et des usagers du système de santé auprès des pouvoirs publics et au sein du système de santé ; 2° Pour la participation des personnes malades et des usagers à l'élaboration des politiques de santé et pour leur représentation dans les instances hospitalières ou de santé publique ; 3° En matière de prévention, d'aide et de soutien en faveur des personnes malades et des usagers du système de santé. Les unions d'associations sont dispensées de justifier de trois années d'ancienneté et d'une activité effective et publique en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé si les associations qui les composent remplissent ces conditions » ;

Considérant que l'Association française de lutte antirhumatismale a pour but, selon les termes de l'article 1er de ses statuts, de rassembler toutes les personnes physiques et morales s'intéressant à la lutte contre le rhumatisme en France, et est administrée par un conseil d'administration de vingt-sept membres ; que ce conseil comprend dix professionnels de santé, dont huit rhumatologues, huit représentants d'associations affiliées et sept autres membres ; que si l'association requérante fait ainsi valoir qu'elle n'était ainsi pas majoritairement administrée par des professionnels de santé, elle n'apporte toutefois aucun élément précisant l'objet et le mode de fonctionnement des associations affiliées représentées à son conseil d'administration et dont certaines étaient en outre, à la date de la décision attaquée, en instance de radiation ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que les actions menées par l'association, qui se prévaut notamment de celles menées par ces associations affiliées, reposent, certes non exclusivement mais pour une part importante, sur la participation de ses membres professionnels de santé ; que, dans ces conditions et nonobstant le caractère d'intérêt général non contesté que revêt l'action de l'Association française de lutte antirhumatismale, le ministre n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L 1114-1 et R. 1114-1 du Code de la santé publique en estimant que sa composition et son mode de fonctionnement ne permettaient pas de s'assurer de son indépendance en vue d'assurer la représentation des usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique ni n'a entaché sa décision d'une erreur de fait ;

Considérant, enfin, que l'association requérante ne saurait sérieusement soutenir qu'en prenant en compte la composition effective de son conseil d'administration pour apprécier si elle remplissait les conditions prévues par les dispositions précitées des articles L. 1114-1 et R. 1114-1 du Code de la santé publique, notamment son indépendance, la décision attaquée serait constitutive d'une discrimination reposant sur la profession de ses membres ; qu'en effet, pour qu'il y ait eu discrimination, il eut fallu, d'une part, que les professionnels de santé et les non-professionnels fussent placés dans une situation analogue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et d'autre part, que la distinction opérée fût sans rapport avec les buts des articles L. 1114-1 et R. 1114-1 du Code de la santé publique, ce qui n'est pas davantage le cas car l'objectif de ces textes est précisément d'organiser la représentation spécifique des patients dans les instances de santé publique et leur participation à la prise en charge au moyen de critères permettant d'éviter l'éviction des patients par les médecins ; que ce moyen doit ainsi être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 décembre 2008 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction

DÉCIDE :

Article 1 : La requête présentée par l'Association française de lutte antirhumatismale est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'Association française de lutte antirhumatismale et au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé.