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Conseil d'Etat, 8 janvier 1992, M. X et autres (droit de grève - irrégularité du préavis)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1°) sous le n° 90 634, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 août 1987 et le 23 décembre 1987, présentés pour M. X., demeurant (...) ; M. X. demande que le Conseil d'Etat annule :
1°) le jugement du 25 juin 1987, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 1986, par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licencié de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) la décision du président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis, en date du 29 mai 1986 susrappelée ;

Vu, 2°) sous le n° 90 635, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 août 1987 et 23 décembre 1987, présentés pour Mme Jacqueline C., demeurant (...) ; Mme C. demande a ce que le Conseil d'Etat annule également :
1°) le jugement du 25 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 mai 1986 par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licenciée de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) ledit licenciement ;

Vu, 3°) sous le n° 91 565, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1987 et le 21 janvier 1988, présentés pour M. Y., demeurant quartier du (...) ; M. Y. demande à ce que le Conseil d'Etat annule également :
1°) le jugement du 25 juin 1987, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 mai 1986, par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licencié de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) ledit licenciement ;

Vu, 4°) sous le n° 91 566, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1987 et le 23 décembre 1987 , présentés pour Mme Z., (...) ; Mme Z. demande à ce que le Conseil d'Etat annule également :
1°) le jugement du 25 juin 1987, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 mai 1987 par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licenciée de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) ledit licenciement ;

Vu, 5°) sous le n° 91 567, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1987 et le 23 décembre 1987, présentés pour M. Y., demeurant (...) ; M. Y. demande à ce que le Conseil d'Etat annule également :
1°) le jugement du 25 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 mai 1986 par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licencié de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) ledit licenciement ;

Vu, 6°) sous le n° 91 568, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 septembre 1987 et 21 janvier 1988, présentés pour Mme A. épouse Y. demeurant (...) ; Mme A demande à ce que le Conseil d'Etat annule également :
1°) le jugement du 25 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 mai 1986 par laquelle le président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis l'a licenciée de son emploi de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) ledit licenciement ;

Vu, 7°) sous le n° 91 515, la requête présentée le 22 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat présentée par le préfet, commissaire de la République du département de la Seine-Saint-Denis ; le préfet, commissaire de la République demande à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 25 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté son déféré tendant à l'annulation des décisions du président de l'office public d'habitations à loyer modéré de son département en date du 29 mai 1986 prononçant, à titre disciplinaire, le licenciement de M. X., Mme Z., M. Y., Mme A., de leurs emplois de gardien contractuel d'immeuble ;
2°) annule lesdits licenciements ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 85-1141 du 23 octobre 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X. et autres et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X., Mme Z., M. Y., Mme A., Mme B., M. C. et du préfet, commissaire de la République du département de la Seine-Saint-Denis sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que, par six arrêtés du 29 mai 1986, le président de l'office d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis a prononcé le licenciement de M. et Mme X., de M. et Mme Y. et de M. et Mme Z. de leurs fonctions de gardiens d'immeubles dépendant de l'office ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.521-3 du code du travail : "Lorsque les personnels mentionnés à l'article L.521-2 font usage du droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis". "Le préavis émane de l'organisation ou des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. Il précise les motifs du recours à la grève. Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il fixe le lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée, limitée ou non de la grève envisagée ..." ;

Considérant, en premier lieu, que si le syndicat national indépendant des gardiens d'immeubles et concierges (S.N.I.G.I.C.) ne constituait pas, à l'époque des faits et dans la catégorie professionnelle, l'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national seules habilitées à déposer un préavis de grève et si par suite le mouvement de grève des gardiens d'immeubles de l'office public d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Saint-Denis a été déclenché irrégulièrement, la participation à ce mouvement n'a pas été constitutive d'une faute de la part des intéressés, dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que leur attention ait été appelée sur la nécessité de vérifier que le préavis de grève respectait les dispositions précitées de l'article L. 521-3 du code du travail et qu'ils n'ont, par suite, pas méconnu sciemment ces dispositions ;

Considérant, en second lieu, qu'en abandonnant leurs loges, le 28 avril 1986, de onze heures à midi et demi, les gardiens d'immeubles en cause n'ont pas commis de faute professionnelle dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que chacun d'entre eux a pris alors les précautions habituelles qu'ils devaient prendre lorsqu'ils s'absentaient en vue de garantir la sécurité des habitants des immeubles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute ne pouvant être retenue à la charge des gardiens requérants, les arrêtés du 29 mai 1986 prononçant leurs licenciements sont entachés d'excès de pouvoir ; que les requérants sont dès lors fondés à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 25 juin 1987, ensemble les arrêtés du président de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis, en date du 29 mai 1986, portant licenciement de leurs emplois de gardiens d'immeubles de M. X., Mme Z., M. Y., Mme A., M. B. et Mme C., sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X., Mme Z., M. Y., Mme A., M. B. et Mme C.,au préfet de la Seine-Saint-Denis, à l'office public d'habitations à loyer modéré du département de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.