REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 29 novembre 2000 pour Mme Nadine T. veuve Y et M. Michael Y agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de M. Joseph Y, décédé le 21 juillet 1997, par Mes Andjerakian et Notari, élisant domicile ...), les CONSORTS Y et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°9502898 en date du 17 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'assistance publique à Marseille à leur verser la somme de 160.000 F ;
2°) de porter le montant de la condamnation à la somme de 1.093.200 F au titre du préjudice de M. Joseph Y, 500.000 F au titre du préjudice personnel de son épouse Mme Nadine Y et 100.000 F au titre du préjudice personnel de son fils M. Michael Y ;
3°) de condamner l'assistance publique à Marseille à leur verser la somme de 10.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2004,
- le rapport de M. Guerrive, rapporteur ;
- les observations de Me Andjerakian-Notari pour les CONSORTS Y ;
- les observations de Me Demailly substituant Me Le Prado pour l'assistance publique de Marseille ;
- les observations de Me Chabas substituant Me Depieds pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE ;
- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y a subi, le 4 janvier 1994, un double pontage coronarien au centre de cardiologie Cantini, établissement dépendant de l'assistance publique à Marseille ; qu'alors qu'il séjournait en centre de convalescence, s'est déclarée, le 10 février 1994, une infection généralisée qui a justifié son hospitalisation et plusieurs interventions chirurgicales successives jusqu'au 1er juillet 1995 ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'infection dont M. Y a été victime est une infection nosocomiale par un germe de staphylocoque doré ; qu'un premier expert, nommé en référé, a estimé qu'il était peu vraisemblable que cette infection ait été contractée au centre Cantini, dans la mesure où le germe isolé, contrairement aux germes rencontrés habituellement en milieu hospitalier, était sensible à de nombreux antibiotiques, et dans la mesure où l'infection s'est déclarée environ un mois après qu'il ait quitté l'hôpital ; que, compte tenu des imprécisions de cette expertise, le tribunal a, cependant, ordonné une nouvelle expertise ; que le second expert a estimé qu'il y avait huit chances sur dix pour que l'infection ait bien été contractée au centre Cantini et qu'elle soit demeurée à l'état quiescent pour ne se révéler que plusieurs semaines après, dès lors que le germe isolé est présent sur la plupart des organismes et a pu être véhiculé par le personnel soignant ou par un instrument ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le patient était porteur de cette infection avant son admission à l'hôpital ; que, par ailleurs, il n'a subi aucun acte médical invasif lors de sa convalescence ; qu'en l'absence de tout élément permettant de penser qu'elle aurait pu être contractée avant ou après le séjour de M. Y au centre Cantini, cette infection révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager la responsabilité de l'assistance publique à Marseille ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du second rapport d'expertise, qu'en raison de l'infection de la plaie, l'incapacité totale temporaire dont a été atteint M. Y du fait de son hospitalisation a été prolongée de 17 mois ; que s'il soutient que cette période supplémentaire lui a causé une perte de revenus, il résulte des pièces qu'il a produites qu'à la date à laquelle il a été hospitalisé, il était en arrêt maladie depuis plus de 6 mois ; que, par la suite, il n'a jamais repris le travail, jusqu'à son décès en juillet 1997 ; qu'il ne démontre pas, par ailleurs, qu'en l'absence des complications qu'il a subies, il aurait été en mesure de reprendre une activité professionnelle ; qu'il en résulte que les pertes de revenus invoquées pour cette période ne sont pas établies ; qu'il en résulte également que Mme Y et leur fils Michael ne justifient d'aucune perte de revenus du fait de l'incapacité puis du décès de M. Y ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la faute de l'établissement hospitalier a accru de 5% l'incapacité permanente dont M. Y restait atteint, du fait notamment des douleurs respiratoires qui subsistaient, et a aggravé le préjudice esthétique issu de son opération ; que, compte tenu notamment des souffrances physiques qu'il a endurées du fait de l'infection qu'il a subie et des multiples interventions chirurgicales que cette infection a rendues nécessaires, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de l'ensemble de ces chefs de préjudice en en fixant le montant à 80.000 F ; qu'il y a lieu de porter le montant de la réparation de ces préjudices à la somme de 20.000 euros ;
Considérant qu'en évaluant respectivement à 50.000 F et 30.000 F le préjudice personnel de Mme Y et de son fils Michael du fait des épreuves qu'ils ont subies durant la maladie de M. Y et du fait de la probable diminution de la durée de sa survie, le tribunal en a fait une juste appréciation ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant de l'indemnité que l'assistance publique à Marseille a été condamnée à verser à Mme Nadine Y et à M. Michael Y doit être portée à la somme totale de 32.195,92 euros, que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille doit être réformé en ce sens et que l'appel incident de l'assistance publique à Marseille doit être rejeté ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'assistance publique à Marseille à verser à Mme Nadine Y et à M. Michael Y la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de rejeter les conclusions présentées par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'assistance publique à Marseille a été condamnée à verser à Mme Nadine Y et M. Michael Y, par le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 17 octobre 2000, est porté à la somme totale de 32.195,92 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 17 octobre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'appel incident de l'assistance publique à Marseille, ainsi que le surplus des conclusions de la requête de Mme Nadine Y et de M. Michael Y sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nadine Y et à M. Michael Y, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE et à l'assistance publique à Marseille.