Paris, le 1er octobre 1999.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat
Afin d'assurer, conformément aux orientations retenues par le Gouvernement dans le cadre de la politique de réforme de l'Etat, une réelle transparence des dispositions relatives aux rémunérations des fonctionnaires et d'assurer la sécurité juridique des procédures de mise en paiement, la présente circulaire a pour objet de préciser ou de rappeler les règles applicables à l'élaboration des textes indiciaires et indemnitaires, et notamment l'obligation de publication de l'ensemble de ces textes.
I. - Le cadre général
Il convient en premier lieu de rappeler que tous les éléments de rémunération des fonctionnaires doivent reposer sur un texte juridiquement incontestable.
L'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en effet que : 'Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires.'
Ces règles valent notamment pour les dirigeants des établissements publics administratifs, des établissements publics scientifiques et techniques (EPST) et des établissements publics scientifiques culturels et professionnels (EPSCP) dont les rémunérations sont encore trop souvent dépourvues de base réglementaire ; en ce cas vous devez élaborer, et soumettre à la direction générale de l'administration et de la fonction publique ainsi qu'à la direction du budget, deux projets de décret :
- un décret portant statut d'emploi (ainsi que l'arrêté fixant le classement de l'emploi) ;
- un décret portant fixation du régime indemnitaire.
II. - Les traitements
Concernant les traitements indiciaires, les principes suivants doivent être rappelés :
2.1. Les statuts des corps mais aussi les statuts d'emplois doivent être déterminés par décrets en Conseil d'Etat et publiés.
L'avis préalable de la commission des statuts du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat est requis lorsqu'ils concernent plusieurs ministères ou qu'il s'agit de corps à statut commun.
L'avis préalable du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en formation plénière doit être obtenu lorsque ces textes dérogent au statut général.
2.2. Les bornes indiciaires des grades de fonctionnaires et des emplois doivent figurer après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat dans le tableau annexé au décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaire de l'Etat relevant du régime général des retraites, y compris en ce qui concerne les grades et emplois classés hors échelle. L'échelonnement indiciaire des mêmes grades ou emplois résulte d'arrêtés d'échelonnement indiciaires interministériels régulièrement publiés.
Les bornes indiciaires des emplois budgétaire doivent en outre être votées en loi de finances en application de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
2.3. Le rythme de paiement des traitements et des émoluments assimilés aux traitements est mensuel, à terme échu, en application du décret n° 62-765 du 6 juillet 1962 portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l'Etat.
III. - Les indemnités
Dans ce domaine, les principes généraux posés par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 sont rappelés dans le décret du Président de la République n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, qui souligne en son article 2 que ces fonctionnaires ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles fixées par une loi ou un décret.
A cet égard, il apparaît que de nombreux régimes indemnitaires sont fondés sur des textes qui ne sont pas juridiquement valables. Or, pour qu'une indemnité puisse être mise en paiement dans des conditions de parfaite régularité, deux règles fondamentales doivent être respectées.
3.1. Toute indemnité doit être prévue par un décret simple.
Cette règle résulte du décret du Président de la République n° 74-485 du 11 octobre 1974 relatif à la procédure de fixation des indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite. L'article 2 de ce décret remplace en effet l'article 4 du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du régime général par les dispositions suivantes :
'Les personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles prévues par leur statut général. Ces indemnités sont attribuées par décret.'
Les indemnités versées aux fonctionnaires et leurs caractéristiques (nature de l'indemnité, champ des bénéficiaires et conditions d'attribution, montants moyens et/ou maximaux le cas échéant) doivent ainsi être définies dans un décret simple. Lorsque les règles définies dans le décret ne permettent pas à elles seules de procéder aux calculs de liquidation des montants susceptibles d'être versés à chaque bénéficiaire potentiel, un arrêté en complète les dispositions pour les rendre applicables. De nombreuses indemnités sont ainsi fondées sur la combinaison d'un décret simple et d'un arrêté contresigné par les ministres chargés de la fonction publique et du budget et par le ou les ministres des corps ou emplois bénéficiaires.
3.2. Les textes indemnitaires doivent être publiés.
En application de l'article 1er du décret du 5 novembre 1870, la promulgation des lois et décrets résulte de leur insertion au Journal officiel de la République française. La publication est en conséquence la condition nécessaire de l'entrée en vigueur des textes concernés et donc de leur opposabilité aux administrés.
La publication des lois et règlements au Journal officiel de la République française est nécessaire pour qu'une disposition législative ou réglementaire produise un effet juridique.
Une jurisprudence importante a confirmé et décliné ces principes d'ordre public, ainsi :
- l'entrée en vigueur, et donc l'application d'un texte réglementaire, est conditionnée par sa publication (CE 4 juillet 1975 Delfini ; 13 décembre 1957 Sieurs Barrot et autres) ;
- les personnes concernées ne peuvent se prévaloir de textes non publiés (CE 18 novembre 1968 Sieur Laborde ; 24 novembre 1982 Sieur Vital) ;
- enfin, un arrêté, même publié, fondé sur un décret non publié, se trouverait de ce fait privé de base légale et sans effet juridique (CE 16 février 1974 Teyssier ; 20 mai 1996 Syndicat Union des personnels de surveillance, d'encadrement pénitentiaire et postulants).
En conséquence, les décrets indemnitaires et les arrêtés qui permettent leur application doivent faire l'objet d'une publication au Journal officiel, et aucun paiement ne doit intervenir avant que le respect de cette formalité substantielle n'ait été assuré. Toutefois, pour les arrêtés, l'insertion au Bulletin officiel d'un ministère est considérée comme suffisante par la jurisprudence lorsque le texte concerne seulement les agents de cette administration.
Pour ce qui concerne les textes dont il est fait actuellement application en dépit de l'absence de publicité, il conviendra d'en prévoir la publication à l'occasion de la plus prochaine modification, notamment en cas de revalorisation de taux ou de révision des conditions ou modalités d'attribution.
Lorsqu'un arrêté porte application d'un décret non publié, la publication du décret devra être simultanée à celle de l'arrêté, selon les modalités suivantes :
- un nouveau décret devra être élaboré, le décret original ne pouvant être publié ;
- lorsque le décret non publié institue un régime indemnitaire pour plusieurs corps de fonctionnaires relevant de différents ministères, le nouveau décret doit se limiter strictement aux corps de fonctionnaires relevant du ministère qui prend l'initiative de publier le décret ;
- le nouveau décret ne doit pas abroger de textes non publiés ; en effet, ces derniers ne sont, juridiquement, jamais entrés en vigueur.
Par ailleurs, le rythme de paiement des indemnités est parfois défini par le décret qui les institue. S'il n'en est pas ainsi, l'accord du ministre chargé du budget doit être obtenu pour le fixer, dans la mesure où le rythme des versements affecte l'exécution du budget.
Enfin, il convient de rappeler que les décrets et arrêtés indemnitaires doivent être soumis, pour avis, à la direction générale de l'administration et de la fonction publique et à la direction du budget, avant saisine pour signature.
Toute difficulté d'application de la présente circulaire devra nous être signalée. Ses conditions d'application feront l'objet d'une évaluation au plus tard le 31 décembre 2000.
TEXTES DE REFERENCE
Article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Décret du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets.
Décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 modifié portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'Etat.
Décret n° 62-765 du 6 juillet 1962 portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l'Etat.
Décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales.
Arrêté du 29 août 1957 relatif aux emplois supérieurs de l'Etat classés hors échelle.
Circulaire du ministre du budget du 12 avril 1995 sur la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l'Etat.
Circulaire du Premier ministre du 30 janvier 1997 relative aux règles d'élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en oeuvre de procédures particulières incombant au Premier ministre.
Journal officiel du 20 octobre 1999.
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