L'article 1er de la loi du 4 mars 2002 a mis un terme à cette jurisprudence, ce qu'a confirmé l'arrêt du Conseil d’Etat du 19 février 2003, époux M.. |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche du pourvoi principal formé par les époux X..., et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis, formé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne :
Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Attendu qu'un arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la cour d'appel de Paris a jugé, de première part, que M. Y..., médecin, et le Laboratoire de biologie médicale de Yerres, aux droits duquel est M. A..., avaient commis des fautes contractuelles à l'occasion de recherches d'anticorps de la rubéole chez Mme X... alors qu'elle était enceinte, de deuxième part, que le préjudice de cette dernière, dont l'enfant avait développé de graves séquelles consécutives à une atteinte in utero par la rubéole, devait être réparé dès lors qu'elle avait décidé de recourir à une interruption volontaire de grossesse en cas d'atteinte rubéolique et que les fautes commises lui avaient fait croire à tort qu'elle était immunisée contre cette maladie, de troisième part, que le préjudice de l'enfant n'était pas en relation de causalité avec ces fautes ; que cet arrêt ayant été cassé en sa seule disposition relative au préjudice de l'enfant, l'arrêt attaqué de la Cour de renvoi dit que " l'enfant X... ne subit pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises " par des motifs tirés de la circonstance que les séquelles dont il était atteint avaient pour seule cause la rubéole transmise par sa mère et non ces fautes et qu'il ne pouvait se prévaloir de la décision de ses parents quant à une interruption de grossesse ;
Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs de l'un et l'autre des pourvois :
CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu le 5 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée que lors de l'audience du 17 décembre 1993.
MOYENS ANNEXES
MOYENS produits par M. Choucroy, avocat aux Conseils pour les époux X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION : (Publication sans intérêt) ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'enfant X... ne subissait pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises par le Laboratoire de biologie médicale de Yerres et le docteur Y..., dit que M. X... devra restituer aux appelants les sommes reçues à titre de provision et le déboute de toutes demandes plus amples et contraires.
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que Mme X... avait clairement exprimé la volonté, en cas d'atteinte rubéolique, de procéder à une interruption volontaire de grossesse ; que les fautes conjuguées des praticiens ne lui ont pas permis de recourir à cette solution ; qu'ainsi a été causé aux époux X... un préjudice tant moral que matériel dont l'indemnisation n'est remise en cause par personne ;
Que, cependant, la Cour n'est pas saisie du préjudice subi directement par les parents de l'enfant, mais de celui de l'enfant lui-même ;
Qu'il échet donc de rechercher quel est le dommage subi par ce dernier, en lien avec les fautes commises par les praticiens ;
Qu'il sera, toutefois, rappelé qu'en la matière, dès lors que le dommage peut avoir une autre cause que la faute constatée, cette faute ne peut être censée constituer la condition sine qua non de la perte de chance ;
Qu'il est constant que les praticiens sont étrangers à la transmission à la mère de la rubéole ; qu'ils ne sont intervenus qu'après le début de la grossesse, de sorte que ne pouvait plus être évitée la conception de l'enfant ;
Qu'il est tout aussi constant qu'aucune thérapeutique quelconque, pratiquée en début de grossesse, n'aurait pu supprimer, voire limiter les effets de la rubéole sur le fœtus ;
Que, dès lors, l'enfant qui n'avait aucune chance de venir au monde normal ou avec un handicap moindre, ne pouvait que naître avec les conséquences douloureuses imputables à la rubéole à laquelle la faute des praticiens est étrangère, ou disparaître à la suite d'une interruption volontaire de grossesse dont la décision n'appartient qu'à ses parents et qui ne constitue pas pour lui un droit dont il puisse se prévaloir ;
Qu'il s'ensuit que la seule conséquence en lien avec la faute des praticiens est la naissance de l'enfant ;
Que, si un être humain est titulaire de droits dès sa conception, il n'en possède pas pour autant celui de naître ou de ne pas naître, de vivre ou de ne pas vivre ; qu'ainsi, sa naissance ou la suppression de sa vie ne peut pas être considérée comme une chance ou comme une malchance dont il peut tirer des conséquences juridiques ;
Que, dès lors, l'enfant représenté par son père, ne peut pas invoquer à l'encontre des praticiens, comme source de dommage, le fait d'être né parce que, à raison de leurs fautes conjuguées, ils n'ont pas donné à ses parents les éléments d'appréciation suffisants pour leur permettre d'interrompre, le processus vital qui devait aboutir à sa naissance ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la mère de l'enfant avait clairement exprimé la volonté, en cas d'atteinte rubéolique, de procéder à une interruption volontaire de grossesse et que les fautes conjuguées des praticiens ne lui ont pas permis de recourir à cette solution ; qu'il s'ensuit que ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l'enfant du fait de la rubéole de sa mère ; qu'en écartant le lien de causalité entre les fautes constatées et le dommage subi par l'enfant du fait de la rubéole de sa mère, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions devant la Cour l'exposant agissant " tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de son fils " faisait valoir et démontrait qu'au préjudice corporel subi par son fils correspondaient pour les parents de lourdes charges matérielles et financières ; que la Cour, qui admet le droit à réparation des parents pour leur préjudice matériel et moral, ne pouvait rejeter toute indemnisation sans se prononcer sur ces conclusions mettant en évidence l'existence d'un préjudice indemnisable ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION : (Publication sans intérêt) ;
Moyens produits par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils pour la CPAM de l'Yonne, demanderesse au pourvoi incident ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION : (Publication sans intérêt) ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les fautes du docteur Y... et du laboratoire de biologie médicale de Yerres sont étrangères au préjudice subi par l'enfant X... et d'avoir rejeté les demandes de la CPAM.
AUX MOTIFS QU'il est constant que les praticiens sont étrangers à la transmission par la mère de la rubéole ; qu'ils ne sont intervenus qu'après le début de la grossesse, de sorte que ne pouvait plus être évitée la conception de l'enfant ;
Qu'il est tout aussi constant qu'aucune thérapeutique quelconque, pratiquée en début de grossesse, n'aurait pu supprimer, voire limiter les effets de la rubéole sur le fœtus ;
Que, dès lors, l'enfant qui n'avait aucune chance de venir au monde normal ou avec un handicap moindre, ne pouvait que naître avec les conséquences douloureuses imputables à la rubéole à laquelle la faute des praticiens est étrangère, ou disparaître à la suite d'une interruption volontaire de grossesse dont la décision n'appartient qu'à ses parents et qui ne constitue pas pour lui un droit dont il puisse se prévaloir ;
Qu'il s'ensuit que la seule conséquence en lien avec la faute des praticiens est la naissance de l'enfant ;
Que, si un être humain est titulaire de droits dès sa conception, il n'en possède pas pour autant celui de naître ou de ne pas naître, de vivre ou de ne pas vivre ; qu'ainsi, sa naissance ou la suppression de sa vie ne peut être considérée comme une chance ou comme une malchance dont il peut tirer des conséquences juridiques ;
Que, dès lors, l'enfant X... représenté par son père, ne peut pas invoquer à l'encontre des praticiens, comme source de dommage, le fait d'être né parce, à raison de leurs fautes conjuguées, ils n'ont pas donné à ses parents les éléments d'appréciation suffisants pour leur permettre d'interrompre le processus vital qui devait aboutir à sa naissance ;
ALORS QUE, il résulte des propres énonciations des juges du fond que Mme X... avait manifesté la volonté de provoquer une interruption de grossesse en cas de rubéole ; que les fautes conjuguées des praticiens ont induit la fausse certitude que Mme X... était immunisée contre la rubéole et qu'elle pouvait poursuivre sa grossesse sans aucun risque pour l'enfant ; qu'en conséquence ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l'enfant du fait de la rubéole de sa mère ; qu'en niant tout lien de causalité entre les fautes constatées et le dommage subi par l'enfant, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la CPAM de l'Yonne devra restituer aux appelants les sommes reçues à titre de provision.
AUX MOTIFS QUE les praticiens ne sont pas responsables du préjudice causé à l'enfant X... ;
ALORS QUE la Caisse qui exerce un recours aux fins de voir son préjudice indemnisé ne se prévaut pas uniquement du dommage subi par l'assuré social ; qu'implicitement mais nécessairement elle se fonde également sur son propre préjudice qui est distinct du premier ; qu'à supposer que l'enfant X... n'ait souffert d'aucun dommage imputable aux appelants, il n'en demeure pas moins qu'en raison de la naissance de cet enfant, la CPAM de l'Yonne subit un préjudice propre résultant des nombreux versements qu'elle doit effectuer au profit de son assuré social ; que la créance de la CPAM n'est d'ailleurs contestée ni en son principe ni en son montant ; que la cour d'appel a retenu plusieurs fautes imputables à chacun des praticiens ; que le lien de causalité entre le préjudice de la Caisse et les fautes des appelants n'était pas contesté ; que les juges du fond ne pouvaient donc rejeter la responsabilité du docteur Y... et du laboratoire au seul motif tiré de leur absence de responsabilité vis-à-vis de l'enfant X... sans méconnaître le droit propre à la Caisse et violer ainsi les articles 1382 et suivant du Code civil.