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Cour de Cassation, 31 octobre 2002

 

La Cour de cassation précise les conditions pour que le caractère inexcusable de la faute de l’employeur puisse être retenu.

En vertu du contrat de travail rédigé, tout employeur est tenu envers son employé à une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère de la faute inexcusable.

A ce titre, la Cour de cassation adopte une nouvelle définition de la faute inexcusable depuis un arrêt en date du 28 février 2002 : en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, la faute inexcusable n’est plus d’une gravité exceptionnelle (Cour cassation 28.02.2002, Bull.V. p°74, puis Cour de cassation, ch. sociale 11.04.2002, Droit social 2002, 676).

Le manquement d’un employeur à son obligation de prévention et de sécurité constitue une faute inexcusable quand il aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié.

La faute inexcusable commise par l’employeur n’est donc plus obligatoirement une faute déterminante de l’accident survenu. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, et ce alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage.

L’employeur a cependant la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité s’il rapporte la preuve qu’aucun élément n’était de nature à lui permettre d’avoir conscience du danger auquel ses salariés se trouvaient exposés.

Par l’élaboration de cette nouvelle définition, la cour de cassation modifie la jurisprudence constante. Désormais, en matière d’organisation de la prévention, la formation à la sécurité, le respect des consignes de sécurité ainsi que la direction de travail, la responsabilité de l’employeur sera retenue dès lors que sa faute a un lien nécessaire avec le dommage survenu.

Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 31 octobre 2002
N° de pourvoi : 00-18359

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 6 juin 1997, M. X..., salarié de la société Ouest Concassage, a été écrasé par l'engin tracto-grue qu'il conduisait alors qu'il l'avait immobilisé sur une pente pour rechercher les causes d'une fuite d'huile ; qu'il a succombé à ses blessures ; que l'arrêt confirmatif attaqué a reconnu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que la société Ouest Concassage fait grief à la cour d'appel (Saint-Denis de La Réunion, 23 mai 2000) d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1 ) que ne constitue pas une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale celle qui n'a pas été déterminante dans la survenance du dommage ; qu'en l'espèce, la société Ouest Concassage faisait valoir dans ses conclusions que l'engin n'avait pu reculer que parce que le moteur était en marche, levier de vitesse au point mort, alors que les stabilisateurs n'étaient pas posés au sol qui était en pente ; que le procès-verbal de synthèse de la gendarmerie concluait que "il est toutefois évident que si les patins stabilisateurs avaient été positionnés, le PPM n'aurait pas reculé" ; qu'en retenant cependant le caractère inexcusable de la faute de l'employeur du fait du défaut d'entretien du véhicule sans rechercher si, en l'espèce, cette faute était ou non déterminante de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;

2 ) que la faute de la victime constitue une cause d'exonération de la responsabilité de l'auteur de la faute inexcusable ;
qu'en ne recherchant pas si le fait, pour la victime, de descendre de l'engin pour venir se placer derrière lui, alors que le terrain est en pente, sans poser les stabilisateurs et en laissant le moteur en marche, ne constituait pas une faute exonérant, au moins partiellement, l'employeur de sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;

3 ) que la cour d'appel, comme les premiers juges, se sont contentés d'affirmer l'existence d'une obligation générale de formation en matière de sécurité et qu' il incombait à l'employeur d'apporter la preuve que ses obligations ont été satisfaites ; qu'en ne recherchant, ni ne constatant que la société Ouest Concassage ne démontrait pas avoir respecté cette obligation avant de retenir la faute inexcusable de la société Ouest Concassage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;

4 ) que le procès verbal de synthèse de la gendarmerie concluait que : "de l'enquête effectuée il n'a pas été possible de savoir ce que pouvait faire M. X... sous l'engin" ; qu'en affirmant cependant que "les constatations de gendarmerie permettent d'établir (...) le lien de causalité entre la fuite constatée et la position du salarié tentant d'y remédier, réparation qui n'aurait pas été nécessaire en cas d'entretien normal de l'engin", la cour d'appel a dénaturé ce procès verbal et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, de première part, qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu, de deuxième part, que les énonciations des juges du fond caractérisent le fait que la société Ouest Concassage avait conscience du danger consécutif à l'absence d'entretien de l'engin, notamment en ce qui concerne son dispositif de sécurité, et qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu, de troisième part, qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;

Attendu, enfin, comme le fait valoir le mémoire en défense, que le grief tiré des conséquences de la faute qu'aurait commise le salarié, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

D'où il suit que l'arrêt, qui n'encourt aucun des griefs du moyen, est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ouest Concassage aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CGSSR ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille deux.