Cet arrêt rappelle que l’autopsie d’un fœtus est autorisée sans le consentement des parents lorsqu’elle est pratiquée pour rechercher les causes du décès. Dès lors, la requérante ne peut soutenir que l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille a commis une faute en ne demandant pas son consentement pour la réalisation de l’autopsie de son enfant mort-né.
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
M. DARRIEUTORT, président
Mme Christine MASSE-DEGOIS, rapporteur
M. DUBOIS, commissaire du gouvernement
FERNANDEZ, avocat(s)
lecture du jeudi 14 mai 2009
Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2007, présentée par Me Fernandez pour Mme Sonia X élisant domicile ... ; Mme X demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0501341 en date du 13 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d’une part, à voir condamner l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 8 850 euros en réparation des préjudices consécutifs à son admission le 14 décembre 2001 à l’hôpital de la Conception et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à l’Assistance publique sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, à titre principal, de produire le document interne relatif à la procédure des enfants mort-nés et, à titre subsidiaire, d’établir un certificat médical mentionnant l’accouchement d’un enfant mort-né ;
2°) de déclarer l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille responsable des fautes de service commises lors de son hospitalisation en décembre 2001, d’enjoindre à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille par un arrêt avant dire droit sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter à compter de la notification de la décision, de produire le document interne du service de gynécologie de l’hôpital de la Conception relatif au traitement des dossiers des enfants mort-nés, de condamner l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille à lui payer la somme de 8 850 euros au titre de ses divers préjudices et d’enjoindre à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille par un arrêt avant dire droit sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification de la décision, de lui délivrer un certificat reprenant les mentions énumérées au n°461-3 de l’instruction générale relative à l’Etat civil ;
3°) de mettre à la charge de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille la somme de 1 500 euros au titre des frais d’instance ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la sécurité sociale et de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
Vu l’arrêté en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l’article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 :
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 avril 2009,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public;
- et les observations de Me Fernadez pour Mme X et de Me Demailly, substituant Me Le Prado pour l’Assistance publique de Marseille ;
Considérant que Mme X, alors enceinte de 22 semaines et 4 jours d’aménorrhée, a été admise à l’hôpital de la Conception relevant de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille le 14 décembre 2001 à la suite de saignements ; qu’elle a subi un accouchement prématuré le lendemain ayant donné lieu à l’expulsion d’un enfant de sexe masculin mort-né pesant 590 grammes ; que Mme X a recherché la responsabilité de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille en raison, d’une part, de l’autopsie réalisée sur son enfant sans son consentement et, d’autre part, de la délivrance d’un certificat médical de grossesse interrompue au lieu et place d’un certificat d’enfant né sans vie ; qu’elle relève appel du jugement du 13 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d’une part, à voir condamner l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 8 850 euros en réparation des préjudices consécutifs à son admission le 14 décembre 2001 à l’hôpital de la Conception et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à l’Assistance publique sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, à titre principal, de produire le document interne relatif à la procédure des enfants mort-nés et, à titre subsidiaire, d’établir un certificat médical mentionnant l’accouchement d’un enfant mort-né ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.1232-1 du code de la santé publique applicable au litige : Le prélèvement d’organes sur une personne décédée ne peut être effectué qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques et après que le constat de la mort a été établi. Ce prélèvement peut être effectué dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par l’indication de sa volonté sur un registre national automatisé prévu à cet effet (...) Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir le témoignage de sa famille ; qu’aux termes de l’article L.1232-3 du même code applicable au litige : Aucun prélèvement à des fins scientifiques autres que celles ayant pour but de rechercher les causes du décès ne peut être effectué sans le consentement du défunt exprimé directement ou par le témoignage de la famille. Toutefois, lorsque le défunt est un mineur, ce consentement est exprimé par un des titulaires de l’autorité parentale. La famille est informée des prélèvements effectués en vue de rechercher les causes du décès ;
Considérant qu’aux termes de l’article 79-1 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. A défaut du certificat médical prévu à l’alinéa précédent, l’officier de l’état-civil établit un acte d’enfant sans vie (...) ;
Considérant, en premier lieu, que Mme X soutient que l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille aurait méconnu les termes de la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 selon lesquels (...) lorsque l’enfant est mort-né quelle que soit la durée de la gestation, l’établissement est tenu d’informer la famille sur les différentes possibilités de prise en charge du corps (...) en soutenant qu’un document aurait dû lui être présenté afin qu’elle signifie par écrit une décision de refus d’autopsie entraînant la restitution du corps de l’enfant ou d’autorisation d’autopsie avec éventuellement don de son corps à la science ;
Considérant, d’une part, que nonobstant la circonstance que la circulaire invoquée a fait l’objet d’une publication au bulletin officiel du ministère de l’emploi et de la solidarité n°2001-50 pour la période du 10 au 16 décembre 2001, Mme X n’est pas fondée à invoquer la méconnaissance de la disposition précitée de cette circulaire dès lors qu’elle présente le caractère d’une disposition impérative à caractère général et que les ministres signataires n’étaient pas compétents, dans le silence des textes, pour imposer aux établissements de soins l’obligation d’informer la famille sur les différentes possibilités de prise en charge du corps de l’enfant mort-né ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes des dispositions précitées combinées du code de la santé publique, une autopsie ayant pour but de rechercher les causes du décès peut être effectuée sans le consentement du défunt exprimé directement ou par le témoignage de la famille ; que s’il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expertise ordonnée par le vice-président délégué du Tribunal administratif de Marseille que Mme X n’a pas donné son consentement à la réalisation de l’autopsie de son enfant mort-né, il résulte cependant des dispositions précitées du code de la santé publique que cette autorisation n’était pas requise au cas particulier dès lors que l’Assistance publique de Marseille soutient, sans être contredite, que le prélèvement d’organes avait pour seul objet la recherche des causes du décès du foetus ;
Considérant que, par suite, sans qu’il soit utile à la solution du litige d’ordonner la communication du document interne du service de gynécologie de l’hôpital de la Conception, Mme X ne peut soutenir que l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille a commis une faute en ne demandant pas son consentement pour la réalisation de l’autopsie de son enfant mort-né ;
Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X soutient qu’elle avait le droit d’inhumer son enfant mort-né selon sa coutume, il ne résulte cependant pas de l’instruction que l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille a refusé de lui rendre le corps de l’enfant après la réalisation de l’autopsie ; qu’il résulte même du rapport de l’expertise qu’aucun élément ne permet d’établir que le corps de l’enfant mort-né a été réclamé par sa famille ;
Considérant, en troisième lieu, que si Mme X reproche à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille de lui avoir délivré un certificat d’interruption de grossesse aux lieu et place d’un certificat d’enfant sans vie, en rédigeant un tel certificat médical, l’Assistance publique n’a méconnu aucune des dispositions régissant l’état civil à la date des faits en litige ; que, par ailleurs, le certificat médical du 16 décembre 2001 ne fait nullement obstacle à ce que soit établi, en application des dispositions précitées de l’article 79-1 du code civil, par l’officier de l’état-civil, un acte d’enfant sans vie ;
Considérant, en toute hypothèse, à supposer que les conclusions de Mme X fondées sur la lettre du ministère de la justice versée aux débats soient interprétées comme tendant à obtenir l’établissement d’un acte d’enfant sans vie et à l’octroi d’une indemnisation en raison des préjudices subis de fait de la délivrance d’un certificat d’interruption de grossesse au lieu et place d’un certificat d’enfant sans vie, de telles conclusions, relatives au fonctionnement des services de l’état civil placés sous le contrôle judiciaire, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative mais ressortissent exclusivement à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;
Considérant que le présent arrêt, qui comme le jugement entrepris, rejette les conclusions de Mme X à fin de réparation, n’appelle aucune mesure d’exécution au sens des dispositions des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit utile de recourir à l’enquête prévue par les dispositions de l’article R.623-1 du code de justice administrative, que Mme X n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sonia X, à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Copie en sera adressée à Me Fernandez, à Me Le Prado et au préfet des Bouches-du-Rhône.