La Cour :
Considérant qu’appel a été régulièrement interjeté par les trois prévenus (M X., MLLE Y. et M Y.) et par le ministère public contre eux trois ; que les premiers concluent : "à la relaxe de M X. du chef de vol, subsidiairement à sa dispense de peine, à la confirmation de la relaxe de MLLE Y. du chef de tentative d’atteinte à la vie privée de MME A., à l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Assistance publique du chef de violation de domicile, à l’inexistence de ce délit et à la relaxe des trois prévenus de ce chef, subsidiairement à leur dispense de peine, à la restitution d’une blouse blanche au profit de MLLE Y., enfin à la non-inscription au casier judiciaire" ; que le représentant du ministère public requiert confirmation du jugement, à l’exception de la relaxe du chef de tentative d’atteinte à la vie privée de MME A prononcée au profit de MLLE Y., qu’il demande de voir déclarer coupable également, de ce chef ; que l’Assistance publique de Paris conclut à l’entière confirmation du jugement et sollicite, en outre, la condamnation des prévenus à lui payer la somme complémentaire de 1.500 F au titre de l’art 475-I du code de procédure pénale.
Considérant que les premiers juges ont exactement et complètement (sous les quelques réserves ci-dessous) rapporté les faits de la cause, les chefs de prévention pesant sur chacun des trois prévenus et la procédure, dans un exposé auquel la Cour se réfère expressément ; que les faits sont entièrement reconnus dans leur matérialité par chacun des trois prévenus et que c’est par des motifs dans l’ensemble pertinents, adoptés par la Cour, que les premiers juges ont retenu la culpabilité des prévenus.
Sur le vol reproché à M X. :
Considérant que ce prévenu admet avoir, le 7juin 1985, soit la veille des autres faits, dérobé deux blouses d'infirmiers et un passe-partout dans les locaux d’un hôpital, en vue de s’en servir, lui et ses camarades, dans l’opération du lendemain ; qu’en vain, dès lors, fait-il conclure à l’absence d’intention coupable au moment de cette soustraction, cette intention résultant clairement de sa venue à l’hôpital le 7 juin, de la soustraction qu’il reconnaît et de son projet pour le lendemain ;
Sur la violation de domicile reprochée aux trois prévenus :
Considérant que c’est à tort que ceux-ci contestent en droit l’existence du délit ; qu’en effet, une chambre d’hôpital occupée par un malade constitue pour lui au sens de l’art. 184 du code pénal, un domicile protégé en tant que tel par la loi, qu’il occupe à titre temporaire mais certain et privatif et où, à partir du moment où cette chambre lui est affectée et pour tout le temps que dure cette affectation, il a le droit, sous la seule réserve des nécessités du service, de se dire chez lui et notamment d’être défendu contre la curiosité publique ;
Considérant que, pour s’introduire dans la chambre de MME A. qui était fermée à clé, MLLE Y. et MR Y. ont utilisé des blouses d’infirmiers (dont l’une avait été volée par .) et le passe-partout dérobé par celui-ci et qu’ils se sont ainsi livrés aux manœuvres visées par l’art. 184 du code pénal ; qu’à bon droit les premiers juges ont déclaré X. complice de cette violation de domicile, comme ayant fourni aux auteurs du délit une blouse d’infirmier et tous renseignements nécessaires à l’action et comme ayant, au moment de cette action, joué le rôle de guetteur.
Sur la tentative d’atteinte à l’intimité de la vie privée de MME A. reprochée à MLLE Y. :
Considérant que les premiers juges ont "relaxé" la prévenue le ce chef, au motif que MME A. n’avait pas déposé de plainte à ce sujet; mais considérant que, s’il est vrai qu’aux termes de l’art. 372 du code pénal, dans le cas prévu à l’article 368, "l’action publique ne peut être engagée que sur plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droit", il y a lieu de constater que plainte a été effectivement déposée, pour les faits de la cause, séparément par la mère, le frère et un ami de la victime, et précisément à sa demande, sans que cette demande ait jamais été désavouée ou contredite; qu’ainsi, l’action publique engagée de ce chef par le ministère public était bien recevable ;
Considérant au fond que le délit est constitué, MLLE Y. ayant volontairement tenté de porter atteinte à l'intimité de la vie privée de MME A. en essayant de fixer, au moyen de l’un des deux appareils photographiques qu’elle portait, l’image de l’actrice sur son lit, alors que celle-ci se trouvait dans un lieu privé et qu’elle n’avait pas consenti à cela ; et que cette tentative n’a échoué que par suite de l’intervention rapide de l’infirmière qui était de garde dans la chambre ;
Considérant que tous ces faits, commis (sur une idée de X.) par trois jeunes gens, qui s’étaient connus dans une école de journalisme et voulaient faire "un scoop" pour se procurer de l'argent, mais au mépris du respect dû à l’intimité de la vie de tout malade, en particulier d’une actrice hospitalisée, présentent un caractère certain de gravité, qu’il existe toutefois des circonstances atténuantes en faveur de ces jeunes prévenus, qui sont par ailleurs sans antécédents judiciaires ;
Considérant que la Cour n’estime pas devoir accorder la dispense de peine sollicitée, toutes les conditions légales n’en étant d’ailleurs pas remplies, ni actuellement l’exclusion de la mention de la condamnation au bulletin numéro deux du casier judiciaire.
Sur l’action civile :
Considérant que l’Assistance publique de Paris est recevable en sa constitution de partie civile, à la fois du chef de vol contre X., puisqu’elle était propriétaire des objets dérobés par lui, et du chef de violation de domicile contre les trois prévenus, puisqu’elle a subi de ce chef le préjudice personnel et direct visé à I'article 2 du code de procédure pénale., comme ayant conservé, sinon la maîtrise, du moins la responsabilité de la chambre d’hôpital où elle hébergeait et soignait malade, et comme ayant été personnellement et directement atteinte par la perturbation occasionnée aux soins, à la sécurité et à la tranquillité de la malade, au secret médical, au travail du personnel, par le délit de violation de domicile ;
Considérant que la somme de un franc réclamée et allouée à la partie civile du chef de chacun de ces deux délits est justifiée par son préjudice moral ; qu’il serait inéquitable de laisser ses frais non répétibles à la charge de cette partie civile.
Sur la demande de restitution :
Considérant que MLLE Y. qui réclame la restitution de la blouse blanche saisie qu’elle portait au moment des faits, justifie en être la légitime propriétaire ; qu’il y a donc lieu de faire droit à sa demande.
Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, la Cour. statuant publiquement, contradictoirement, après délibéré. - Infirme le jugement en ce qu’il a relaxé MLLE Y. du chef de tentative d’atteinte à l’intimité de vie privée de MME A. ; déclare l’action publique recevable de ce chef et la prévenue coupable de ce délit ; confirme les déclarations de culpabilité; modifiant partiellement les peines, condamne X. à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis, condamne MLLE Y. et M Y., chacun, à celle de trois mois d’emprisonnement avec sursis; confirme toutes les dispositions civiles du jugement ; y ajoutant, condamne solidairement les trois prévenus à payer à l’Assistance publique de Paris la somme de 1.500 F sur le fondement de l’art. 475-1 du code de procédure pénale, et pour ses frais non répétibles exposés devant la Cour ; prononce la confiscation des deux négatifs saisis; rejette, en I’état, la demande d’exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire ; ordonne la restitution de la blouse blanche à Mlle Y.; condamne chacun des trois prévenus au tiers des dépens tant d’instance que d’appel.