En l’espèce, un patient a été hospitalisé à la demande d’un tiers dans des centres hospitaliers spécialisés en 1990 et 1996. La Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) a transmis les documents médicaux relatifs à ces hospitalisations qu'elle détenait en août 2000, au médecin désigné par ce patient, comme le prévoyaient les dispositions du code de la santé publique alors applicables, et a informé l'intéressé de la suite apportée à sa demande. Ce patient a de nouveau sollicité en octobre 2003 la communication de ces documents médicaux auprès de la DDASS. Il demande l'annulation de la décision du préfet refusant de lui communiquer directement ces documents. En application de l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique qui dispose que « la consultation des informations recueillies dans le cadre d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'une hospitalisation d'office peut être subordonnée à la présence d'un médecin en cas de risque d'une gravité particulière », le Conseil d’Etat considère que le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement refuser à ce patient un accès direct à son dossier doit être écarté. La Haute juridiction administrative estime par ailleurs que les éléments apportés par le requérant afin de contester l’existence d’un risque de nature à justifier l’intervention d’un médecin ne suffisent pas à remettre sérieusement en cause l'appréciation portée par l'administration au regard de la gravité des pathologies psychiatriques qui ont motivé son hospitalisation à la demande d'un tiers. Elle indique ainsi que l'administration n'a pas fait une inexacte application des dispositions du Code de la santé publique en prenant la décision attaquée.
Pour aller plus loin : Fiche pratique DAJDP "Accès au dossier médical"
Fiche pratique DAJDP "L'admission pour troubles mentaux"
Conseil d'État
N° 289793
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Jean-Luc Matt, rapporteur
M. Boucher Julien, commissaire du gouvernement
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
lecture du vendredi 10 avril 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 24 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 1er décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer une copie de l'intégralité de son dossier médical relatif à ses hospitalisations sous contrainte et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Côtes-d'Armor de lui communiquer ce document ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jean A,
- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jean A ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-3 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la présente procédure : « (...) les notifications (...) des avis d'audience (...) sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception (...) » ; que cette notification peut également être effectuée dans la forme administrative en application de l'article R. 611-4 du même code ; qu'il ne ressort des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de Rennes, ni que M. A a été convoqué à l'audience du 3 novembre 2005 dans les conditions prévues par ces dispositions, ni qu'il a été présent ou représenté à l'audience ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à la communication de son dossier médical ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que M. A a été hospitalisé à la demande d'un tiers dans des centres hospitaliers spécialisés en 1990 et 1996 ; que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Côtes d'Armor avait transmis les documents médicaux relatifs à ces hospitalisations qu'elle détenait, le 23 août 2000, au docteur B, désigné par M. A, comme le prévoyaient les dispositions du code de la santé publique alors applicables, et a informé l'intéressé de la suite apportée à sa demande ; que M. A a de nouveau sollicité, en octobre 2003, la communication de ces documents médicaux auprès de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ; qu'il demande l'annulation de la décision du préfet des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer directement ces documents ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 111-7 du code de la santé publique que la consultation des informations recueillies dans le cadre d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'une hospitalisation d'office peut être subordonnée à la présence d'un médecin en cas de risque d'une gravité particulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement refuser à M. A un accès direct à son dossier doit être écarté ;
Considérant que si M. A conteste l'existence d'un risque de nature à justifier l'intervention d'un médecin, la production d'un jugement de tribunal d'instance ordonnant la main-levée d'une mesure de tutelle et les témoignages que le requérant apporte au soutien de cette affirmation ne suffisent pas à remettre sérieusement en cause l'appréciation portée par l'administration au regard de la gravité des pathologies psychiatriques qui ont motivé son hospitalisation à la demande d'un tiers ; qu'ainsi, l'administration n'a pas fait une inexacte application des dispositions mentionnées ci-dessus du code de la santé publique en prenant la décision attaquée ;
Considérant que la lettre du 23 août 2000, dont la communication à M. A est établie par les pièces du dossier, se bornait à informer ce dernier de la transmission de son dossier au praticien choisi par lui ; que la circonstance que ce médecin n'a pas permis à son patient de consulter ce dossier n'est pas opposable à l'administration ; que si M. A a formulé une nouvelle demande de communication de son dossier médical sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 11 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, l'administration ne détenait plus les documents demandés, qui étaient conservés par les centres hospitaliers concernés ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles relatives au droit d'accès aux documents administratifs doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer à nouveau son dossier médical ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision du préfet des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer une copie de l'intégralité de son dossier médical, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Côtes d'Armor de lui communiquer ce document doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 du jugement du 1er décembre 2005 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision du préfet des Côtes d'Armor refusant de lui communiquer son dossier médical et à qu'il lui soit enjoint de communiquer ce document, ainsi que le surplus des conclusions de son pourvoi devant le Conseil d'Etat, sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et à la ministre de la santé et des sports.