Les faits sont les suivants : M. B, médecin de garde a été requis par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) pour une intervention au domicile de M. A dont il était par ailleurs le médecin traitant. A la suite d'un différend entre la personne secouru (M. A) et le SDIS, ce dernier a sollicité de M. B une attestation sur les circonstances de l'intervention. M. B a donc établi un certificat le 26 janvier 2006, certificat qui a motivé une plainte de M. A pour violation du secret médical. Cette plainte est rejetée dans un premier temps par la chambre disciplinaire de première instance puis par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins. M. A se pourvoit donc en cassation.
Le Conseil d'Etat lui donne raison et annule la décision du 3 juin 2009 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins en considérant que "même si, comme l'a relevé la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, ce certificat ne porte par lui-même aucune indication relevant du diagnostic médical, M. B a divulgué, par un certificat non-anonymisé remis à des tiers des éléments relatifs à l'état de santé de M. A ; que la circonstance que des personnes, du cercle de la famille ou du service de secours, ont été témoins de ce dont le praticien avait eu connaissance, ne saurait davantage justifier qu'il soit libéré du secret professionnel qui pèse sur lui".
N° 330314
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Christophe Eoche-Duval, rapporteur
M. Keller Rémi, commissaire du gouvernement
SCP DIDIER, PINET ; SCP RICHARD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocat(s)
lecture du mercredi 15 décembre 2010
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 2 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 3 juin 2009 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a, d’une part, rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision du 24 octobre 2008 de la chambre disciplinaire de première instance du ... rejetant sa plainte à l’encontre de M. B et, d’autre part, a mis à sa charge les frais d’instance d’un montant de 47,85 euros ;
2°) de mettre à la charge du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Creuse une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A, de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du conseil national de l’ordre des médecins et du conseil départemental de l’ordre des médecins ... et de la SCP Richard, avocat de M. B,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du conseil national de l’ordre des médecins et du conseil départemental de l’ordre des médecins ... et à la SCP Richard, avocat de M. B,
Considérant qu’il résulte des pièces versées aux juges du fond que M. B, médecin de garde à ..., a été requis par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de ... pour une intervention au domicile de M. A dont il était par ailleurs le médecin traitant ; qu’à la suite d’un différend survenu entre la personne secourue et le SDIS, ce dernier a sollicité de M. B une attestation sur les circonstances de l’intervention ; que M. B a établi le 26 janvier 2006 ce certificat qui a motivé une plainte pour violation du secret médical de M. A qui se pourvoit contre la décision attaquée ayant confirmé le rejet de celle-ci ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : Le secret médical couvre l’ensemble des informations concernant la personne et qu’aux termes de l’article R. 4127-4 du même code : Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. / Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. ;
Considérant que, même si comme l’a relevé la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, ce certificat ne porte par lui-même aucune indication relevant du diagnostic médical, M. B a divulgué, par un certificat non-anonymisé remis à des tiers des éléments relatifs à l’état de santé de M. A ; que la circonstance que des personnes, du cercle de la famille et du service de secours, ont été témoins de ce dont le praticien avait eu connaissance, ne saurait davantage justifier qu’il soit libéré du secret professionnel qui pèse sur lui ; qu’ainsi la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a méconnu la portée des dispositions susrappelées de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l’annulation de la décision du 3 juin 2009 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 3 juin 2009 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. B tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A, à M. B, au conseil départemental de l’ordre des médecins de ... et au conseil national de l’ordre des médecins.