REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 avril 1999 sous le n° 99NC00735, complétée par mémoire enregistré le 2 juillet 1999, présentée pour M. Jean X élisant domicile ..., par Me Mandelkern, avocat au Conseil d'Etat ;
M. X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 28 janvier 1999 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 10 novembre 1997 en tant que l'article 2 dudit arrêté a prononcé son affectation à compter du 1er novembre 1997 au service de cardiologie du centre hospitalier intercommunal de Lure-Luxeuil, sur le site de Lure et, d'autre part, à l'annulation de la décision du préfet en date du 26 novembre 1997 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) - d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 de l'arrêté susvisé ;
3°) - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Il soutient que :
- la décision a été prise sur une procédure irrégulière, le requérant n'ayant pas été mis en mesure de présenter utilement ses observations ;
- en raison de l'irrégularité de la délibération du conseil d'administration, le poste sur lequel le requérant a été affecté est dépourvu d'existence légale ;
- la décision d'affectation est dépourvue de base légale dès lors que la décision de regrouper les moyens cardiologiques au sein du service spécialisé situé sur le site de Lure n'a pas donné lieu à une autorisation prévue aux articles L 712-8 et L 712-11 du code de la santé publique ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, et notamment l'article 13 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2004 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 28 janvier 1999 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 10 novembre 1997 en tant que l'article 2 dudit arrêté a prononcé son affectation à compter du 1er novembre 1997 au service de cardiologie du centre hospitalier intercommunal de Lure-Luxeuil, sur le site de Lure ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L 712-8 du code de la santé publique , dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, applicable au litige : Sont soumises à ... autorisation ...1°) la création, l'extension, la conversion totale ou partielle de tout établissement de santé, public ou privé ainsi que le regroupement de tels établissements... ; qu'aux termes de l'article de l'article L 712-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des décision attaquées : Le regroupement mentionné à l'article L 712-8 consiste, pour un ou plusieurs établissements de santé à réunir en un même lieu tout ou partie des lits ou des places précédemment autorisés sur des sites distincts à l'intérieur de la même région sanitaire. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par des délibérations en date du 14 octobre 1996, du 23 décembre1996 et du 7 juillet 1997, le conseil d'administration du centre hospitalier intercommunal de Lure-Luxeuil a décidé la création d'un service de cardiologie sur le seul site de Lure par regroupement des moyens et des locaux dispersés sur les deux sites de Lure et de Luxeuil avec augmentation des capacités en lits ; que cette opération, qui se traduit notamment par le changement d'implantation des lits d'un même établissement, constitue une opération de regroupement au sens des dispositions précitées de l'article L 712-11 du code de la santé publique et relève en conséquence du régime d'autorisation prévu à l'article L 712-8 susvisé ; qu'il est constant que si lesdites délibérations ont été approuvées par l'autorité de tutelle en vertu de l'article L 714-4 du code de la santé publique, elles n'ont pas donné lieu à l'autorisation préalable prévue à l'article L 712-8 dudit code, laquelle est accordée en fonction des critères sanitaires et techniques fixés à l'article L 712-9 et selon les modalités prévues à l'article L 712-16 de ce code ; que lesdites délibérations, et en particulier la délibération n° 97-32 du 7 juillet 1997, intitulée expressément regroupement des moyens cardiologiques et décidant notamment le transfert sur le site de Lure du poste de praticien hospitalier à temps partiel en cardiologie alors occupé par le requérant, sont par suite entachées d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de la Haute-Saône en date du 10 novembre 1997, qui a été pris en application de la délibération du 7 juillet 1997, est dépourvu de base légale en tant qu'il affecte l'intéressé dans le service de cardiologie situé sur le site de Lure ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir, par ce moyen nouveau en appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 000 au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Besançon en date du 28 janvier 1999 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 10 novembre 1997 est annulé en tant qu'il a prononcé, dans son article 2, l'affectation de M. Jean X à compter du 1er novembre 1997 au service de cardiologie sur le site de Lure.
Article 3 : L'Etat versera à M. Jean X une somme de 1 000 (mille euros) au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.