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Tribunal de grande instance de Nantes, 20 juin 2011, n°11-00407 (CHSCT – Expertise – Audit – Conditions de travail)

Ce jugement déboute la direction générale d’un CHU de sa demande d’annulation de la délibération du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par laquelle cette dernière a mandaté un cabinet en qualité d’expert agréé pour auditer les conditions de travail du personnel de l’établissement hospitalier. Le CHU considérait que le CHSCT ne respectait pas les dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics. Or, le tribunal a estimé que le CHSCT n’entre pas dans le champ de cette ordonnance, faute d’être une entité créée pour satisfaire spécifiquement un besoin d’intérêt général au sens où l’entend cette ordonnance.

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES
(jugement rendu en la forme des référés)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N°: 11/00407

Audience du 12 mai 2011
Lecture du 20 juin 2011

I- PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Vu l'acte du 8 avril 2 011 et les conclusions du 12 mai 2011, par lesquels le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES a assigné le COMPTE D'HYGIENE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL en référé, aux fins de voir, selon ses écritures et observations à l'audience

  • annuler la délibération du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail du Centre Hospitalier Universitaire dc Nantes en date du 4 mars 2011 en ce qu'elle a désigné, en qualité d'expert agréé, le Cabinet SYNDEX,
  • débouter le Comil:é d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
  • statuer ce que de droit quant aux dépens.

Vu les conclusions du 2011, par lesquelles le COMITE D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL demande au juge des référés, selon ses écritures et observations à l'audience, de ;

  • décerner acte au CHU de ce qu'il reconnaît que la demande du CHSCT de recourir à une expertise est justifiée par un risque grave ;
  • dire que le CHSCT n'est pas soumis aux dispositions de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics;
  • dire, en toutes hypothèses, que l'article 7 de l'ordonnance n°2005-649, prévoit une exception à l'application des regles relatives aux marchés publics, dans lequel s'inscrit le recours à l'expert de l'article L4614-12 du Code du Travail;
  • dire, en toutes hypothèses, que les règles spéciales relatives au CHSCT dérogent aux dispositions générales du Code des Marchés Publics;
  • dire que le délai dont dispose l'expert pour réaliser son expertise commencera à courir au jour de la signification de la décision à intervenir ;
  • ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
  • dire que les dépens, frais de procédure et frais d'expertise seront supportés par le Centre Hospitalier Universitaire de NANTES;
  • fixer les honoraires d'avocats du CHSCT à la somme de 4.000€ HT soit 4.784€ '1-1'C.

II – MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES

A/ Le CENTRE flOSPI7ALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES  expose les moyens et arguments suivants :

Rappel des faits et de  la procédure

Par délibération en date du 4 mars 2011, le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nantes a, sur proposition des "représentants des personnels non médecins, non pharmaciens et non odontologistes" désignés par le syndicat CFDT, mandaté le Cabinet SYNDEX en qualité d'expert agréé, sur le fondement des articles L 4614-12 et L 4612-13 du Code du Travail. La mission ainsi impartie à l'Expert est la suivante :

  • "un état des lieux des conditions de travail actuelles des personnels du CHU de Nantes 1....],
  • une analyse des effets de ces conditions de travail sur la santé et la sécurité des personnels "cibles",
  • des propositions d'actions d'amélioration des conditions de travail et d'actions de prévention des risques professionnels".

Le CHU de Nantes, s'il ne conteste pas le principe d'une expertise, entend néanmoins solliciter l'annulation de la délibération sus-citee, en raison du non-respect par le CHSCT des dispositions de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics. Par conséquent, il a, par acte en date du 8 avril 2011, assigné le CI-ISCT à cette fin devant le Juge des référés. Le CHSCT, qui considère (tue les dispositions de l'ordonnance n°2005-649 ne lui sont pas applicables, a alors conclu en replique au débouté du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes. Il ne saurait être fait droit à ses demandes pour les raisons qui suivent.

Discussion

2.1. L'article 3 de l'ordonnance n°2005-649 dispose : "I. Les pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance sont :

1" Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au Code des Marchés Publics dotes de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont : a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au Code des Marchés Publics ou à la présente ordonnance [...]".

En l'espèce, il n'est pas contesté que le CHSCT du CHU de Nantes est doté de la personnalité morale (y.par exemple Soc. 26 juin 2001, Bull. n°231). Par ailleurs, il est constant qu'il a été créé pour satisfaire specifiquement des besoins d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial, tel que précisé à l'article L 4612-1 du Code du Travail. Le CHSCT, dans ses écritures en réplique, croit pouvoir se prévaloir du contraire, alors même que la Cour d'Appel de Rennes a jugé, dans un arrêt en date du 3 juin 2010, que le CHSCT est "un organisme créé pour satisfaire specifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, sa mission visant non pas à la défense d'intérêts propres à l'organisme lui-même, mais pour l'essentiel à "la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs..."". Le CHSCT satisfait donc à la deuxième condition posée par l'article 3 visé ci-dessus. Enfin, le CHSCT ne dispose pas de budget propre, son activité étant financée par le CHU de Nantes, "pouvoir adjudicateur soumis au Code des Marchés Publics". L'ensemble de ces éléments établissent donc parfaitement que l'ordonnance n°2005-649 est ici applicable.

2.2. L'article fer de l'ordonnance n°2005-649 dispose quant à lui : "Sont soumis aux dispositions de la présente ordonnance les marchés [...] définis ci-après. Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux avec des opérateurs économiques publics ou privés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 3 [...] pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services". En l'espèce, l'expertise qui a été ordonnée par le CHSCT, dans le cadre des prérogatives qu'il tient de l'article L 4614-12 du Code du Travail, est un contrat à titre onéreux, conclu avec un opérateur économique privé, et pour répondre à ses besoins. Afin de justifier sa demande de débouté formée à l'encontre du CHU de Nantes, le CHSCT invoque encore l'article 7 de l'ordonnance n°2005-649, qui prévoit que les dispositions de cette ordonnance ne sont pas applicables "aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 3 ... qui présentent les caractéristiques suivantes : marchés de services conclus avec un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice soumis au Code des Marchés Publics ou à la présente ordonnance". Or, en l'espèce, le CHSCT, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, n'a pas passé de marché de services avec un autre pouvoir adjudicateur, mais avec un opérateur économique privé, en l'espèce le Cabinet SYNDEX. L'article 7 invoqué par le CHSCT n'est donc pas applicable en l'espèce. Pour l'ensemble de ces raisons, toutes les conditions d'application de l'ordonnance n°2005-649 étant réunies, elle doit s'appliquer aux faits de l'espèce.

2.3. Or l'article 6 de cette ordonnance dispose : "Les marchés soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.". Il appert des termes de l'article 6 que le CHSCT était tenu de respecter les principes de liberté d'accès à la commande publique, 'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, ce qu'il n'a pas fait. Par conséquent, et au vu de l'ensemble des éléments qui précedent, il est constant que, dans la délibération susvisée, les principes visés dans l'ordonnance n°2005-649 n'ont pas été respectés par le CHSCT du CHU de Nantes. Dès lors, le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes, statuant en référé, ne pourra que prononcer l'annulation de la délibération du CHSCT du CHU de Nantes en date du 4 mars 2011, en ce qu'elle a désigné en qualité d'expert agréé le Cabinet SYNDEX. 2.4. Enfin, concernant la demande formulée par le CHSCT concernant les frais de procédure, le CHU de Nantes sollicite qu'il en soit purement et simplement débouté. En effet, il est demandé le règlement des honoraires d'avocat à hauteur de 4.000 €, sans qu'aucune pièce justificative ne soit versée aux débats. En tout état de cause, si le Juge des référés devait faire droit à cette demande, il devra en revoir le montant, qui est manifestement disproportionné, à la baisse.

B/ Le COMITE DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL expose, en réponse, les moyens et arguments suivants :  

Par assignation, délivrée le 8 avril 2011, le CHU de NANTES sollicite qu'il plaise au Tribunal, au visa des articles L.4612-1, 14612-3, L4614-12 et L4614-13 du Code du Travail, d'annuler la décision prise par le CHSCT d'avoir recours au Cabinet d'expertise SYNDEX. L'article L4614-12 du Code du Travail dispose que "Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :

1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;

2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'Article L4612-8 [...l."

L'article L4612-8 du Code du Travail dispose que : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.".

Le CHSCT en cause soutient par les présentes conclusions la décision qu'il a prise en réunion extraordinaire du 4 mars 2011 d'avoir recourt à un expert dans le cadre d'un risque grave lié à la dégradation des conditions de travail portant notamment atteinte à la santé physique et mentale des salariés. En effet, les représentants du personnel au CHSCT constatent que la réduction des 4% (2008), la redistribution des effectifs (mise à plat des effectifs 2010), la restitution du temps de travail (audit GRH 2008) et plus généralement les contraintes budgétaires issues du CREF.20o8 concourent à tendre nombre de situations dans les services du point de vue de l'organisation du travail et des effectifs. En atteste le pourcentage important de FEI traitant de la gestion des ressources humaine. Cela se traduit concrètement par :

  • Une non prise en compte du travail réel
  • Un travail en flux tendu
  • Des tâches supplémentaires sans moyen complémentaire
  • Une densification et intensification du travail
  • Une organisation du travail difficile à mettre en place par les cadres
  • Un taux d'absentéisme en progression forte.

En l'espèce, "Le CHU de Nantes, s'il ne conteste pas le principe d'une expertise, entend néanmoins solliciter l'annulation de la délibération sus-citee, en raison du non-respect par le CHSCT des dispositions de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics." Le CHSCT entend montrer qu'il ne peut être soumis, pour le recours à une expertise fondée sur l'article L4614-12 du Code du Travail, au Code des Marchés Publics.

DISCUSSION

Titre 1 - De la notion de "besoins d'intérêt général"

L'article 3 de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, dispose que : " - Les pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance sont : 1° Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont : a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente onnance ;" L'une des conditions posée par l'article 3 est que l'organisme de droit privé ait été créé "pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général".

La première question consiste donc à s'interroger sur le caractère d'intérêt général du besoin satisfait. La Cour de Justice des communautés européennes définit la notion de « besoin d'intérêt général » comme étant une "activité qui profite à la collectivité et qu'une personne publique pourrait à ce titre prendre en charge peut être regardée comme satisfaisant un besoin d'intérêt général." La CJCE sera ainsi amenée à se prononcer au regard d'un ensemble d'indices. La Cour a ainsi reconnu que « les activités visant à l'organisation de foires, d'expositions et d'autres initiatives semblables satisfont à des besoins d'intérêt général. L'organisateur de telles manifestations n'agit pas seulement dans l'intérêt particulier de ces derniers mais il procure également aux consommateurs qui fréquentent ces manifestations une information permettant à ceux-ci d'effectuer leurs choix dans des conditions optimales. L'impulsion pour les échanges qui en résulte peut être considérée comme relevant de l'intérêt général » (CJCE, arrêt du 10 mai 2001, affaires jointes C-223/99 et C-260/99, Agora Sari, considérants 33 et 34).

La mission du CHSCT est définit au sein de l'article L4612-1 du Code du Travail qui dispose que : "Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission .

1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ;

2° De contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;

3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières."

Ainsi, la mission du CHSCT est limitée à la "protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement".

La mission du CHSCT est donc limitée à une catégorie particulière composée des travailleurs des établissements possédant un CHSCT (établissement de plus de 5o salariés). "Il en résulte que cette prise en compte des seuls intérêts des travailleurs en matière de sécurité et de santé dans un établissement ne saurait être assimilée à la notion de besoin ,d'intérêt général mentionnée dans l'article 3 de l'ordonnance'' (Tribunal de Grande Instance de CAHORS, 13 octobre 2010, RG : 10/00141). La conséquence en est que les CHSCT ne peuvent être considérés comme un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 3 de l'ordonnance 11'2005-649 du 6 juin 2005 et que, par conséquent, il n'est pas contraint, lors de la désignation d'un expert, de se conformer aux prescriptions de cette ordonnance. Pour sa part, le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE (5 janvier 2010, RG : 09/00223) considère "Que le CHSCT n'étant pas un organisme de droit public, le Code des Marchés Publics ne lui est pas applicable; qu'aucune nullité de la convention ne peut donc être encourue de ce chef.

Titre 2 - De la notion de "marché de services"

A supposer même que le CHSCT serait soumis aux dispositions de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, le Tribunal ne pourra que constater que le recours à un expert agréé dans les conditions prévues par l'article L.4614-12 rie constitue pas un marché de services au sens des dispositions de 'ordonnance 2005-649 et cu'il n'est donc pas soumis à la réglementation des marchés publics : "Attendu par ailleurs, qu'il doit être constaté que le recours à un expert agréé dans les conditions prévues par l'article L.4614-12 ne constitue pas un marché de services au sens des dispositions de l'ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics et de celle du décret n2005-1752 du 30 décembre 2005 pris pour son application et des exclusions qu'elles prévoient" (Cour d'Appel de BORDEAUX, 24 février 2011, n° de rôle :10/05940). En effet, l'article 7 de l'ordonnance dispose que : " Les dispositions de la présente ordonnance ne sont pas applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 3 ou par les entités adjudicatrices définies à l'article 4 qui présentent les caractéristiques suivantes : 1° marchés de services conclus avec un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice soumis au Code des Marchés Publics ou à la présente ordonnance, lorsque ce pouvoir adjudicateur ou cette entité adjudicatrice bénéficie, sur le fondement d'une disposition légalement prise, d'un droit exclusif, à condition que cette disposition soit compatible avec le trait instituant la Communauté européenne ; Or, le droit exclusif peut être défini comme le droit pour un cocontractant de se voir confier par un pouvoir adjudicateur directement, c'est-à-dire saris formalités de publicité et/ou de mise en concurrence, une prestation de services. Ce droit résulte d'un texte législatif ou réglementaire qui attribue un tel droit exclusif. Tel est le cas en l'espèce. En effet, il résulte de l'article L.4614-12 du Code du Travail que « le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ». Seul le CHSCT a ainsi capacité à désigner un expert.

La jurisprudence de la Cour de Cassation considère ainsi que « sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L.236-9 » (L.4614-12 CT actuel). En effet, le juge saisi d'une contestation quant à la désignation d'un expert ne saurait substituer à l'expert agrée choisi par le CHSCT un autre expert agréé dès lors qu'aucun abus n'est établi (Cass. S0C.26 juin 2001, n°99-11.563). Ainsi, sauf abus manifeste, il n'est pas du rôle du juge de contrôler le choix de l'expert et ce même si d'autres experts sont moins onéreux : "Attendu que selon ce texte le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations et précise non seulement que les frais d expertise sont à la charge de l'employeur, mais que si l'employeur entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, cette contestation est portée devant le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en urgence ; qu'il résulte de ce texte que l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation eventuelle de cette expertise dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi ;" (Cass.Soc. 26 juin 2001, n°99-16096). Ainsi, la réglementation des marchés publics n'a pas à s'appliquer car l'expertise et l'expert, de part la loi, sont désignés par le CHSCT. Le CHSCT dispose ainsi d'un droit exclusif de désignation qui s'impose à l'employeur. Par ailleurs, le paiement des honoraires de l'expert s'impose à l'employeur pour lequel il s'agit d'une dépense obligatoire. L'article L4614-13 du Code du Travail dispose ainsi que : "Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur.

Titre 3 - les dispositions spéciales derogent aux dispositions générales

Une disposition spéciale deroge à une s isposition senera Ainsi, les règles spéciales concernant le CHSCT ont vocation à déroger aux règles génerales du Code des Marchés Publics. En effet, l'application du code des marchés publics " méconnaît le principe général du droit selon lequel les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales; qu'en effet à supposer que le Code des Marchés Publics soit applicable, les règles spéciales concernant le CHSCT imposent d'en écarter l'application "(Tribunal de Grande Instance de TOULON, 28 juin 2008, RG : 02/00557). Or, il résulte de l'article L4614-12 du Code du Travail que seul le CHSCT a capacité à choisir librement l'expert, Ni l'employeur, ni même le juge (sauf abus manifeste) n'a vocation à intervenir dans ce choix, sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L.2369 » (L.4614-12 CT actuel). Cette disposition spéciale doit donc s'imposer aux dispositions générales du Code des Marchés Publics. Cela se comprend d'autant mieux que cette soumission "revient à réduire à néant les dispositions de l'article L.236-9-1 du Code du Travail qui instituent en la matière l'autonomie du CHSCT;" "Elle donne à l'employeur, au mépris des dispositions légales, en définitive le droit de choisir lui-même l'expert, serait ce au terme d'une consultation et de s'affranchir des dispositions légales qui imposent de choisir un expert exclusivement sur une liste spéciale publiee par le Ministère du Travail". "(Tribunal de Grande Instance de TOULON, 28 juin 2008, RG : 02/00557). L'ordonnance conclue ainsi que "Dès lors, il ne peut avec efficacité soutenir que le CHSCT devait avant de procéder à la désignation de l'expert se soumettre aux procédures imposées par le Code des Marchés Publics".

Titre 4- Frais de procédure

L'article L.4614-12 du Code du Travail prévoit que « le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel es1 constaté dans l'établissement ». Les frais d'expertise sont alors supportés par l'employeur, qui reste en mesure de contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou encore le délai d'expertise. L'article L4614-13 du Code du Travail dispose ainsi que :

"Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur.

L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire".

L'employeur doit donc supporter le coût de l'expertise et les frais de procédure de contestation éventuelle dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi (Cass.Soc. 8 octobre 2003, n°0116309).

Par ailleurs, " Le CHSCT rie disposant pas de fonds propres et étant une instance distincte du comité d'entreprise, l'employeur doit supporter les frais de procédure et les honoraires d'avocat, lorsque la contestation porte sur la désignation du président du CHSCT dès lors qu'aucun abus de la part de celui-ci n'est établi ; que la Cour d'Appel, qui a constaté que la contestation n'était pas abusive, a légalement justifié sa décision." (Cour de Cassation. Chambre sociale. Audience publique du 25 juin 2002. N° de pourvoi 00-13375). Sont ainsi à la charge le l'employeur les honoraires d'avocat du CHSCT : " Vu l'article L. 236-9 du Code du Travail ; Attendu que ce texte prévoit que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations et précise, non seulement que les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, mais que si l'employeur entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, cette contestation est portée devant le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en urgence ; qu'il en résulte que l'erroloyeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise, dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est etabli ; Attendu qu'EDF-GDF a contesté le choix de l'expert désigné par le CHSCT du Centre de production thermique d'Aramon, appelé à se prononcer sur un projet de l'employeur modifiant l'organisation des astreintes, au regard des conditions de sécurité et de travail des agents de cc centre ; Attendu que l'arrêt attaque a refusé de faire droit à la demande du CHSCT de prise en charge par EDF des honoraires 4'avocat exposés en première instance et a limité à une certaine somme la prise en charge par l'employeur des honoraires d'avocat exposés en appel ; Qu'en statuant ainsi, sans relever aucun abus du CHSCT, la Cour d'Appel a violé le texte susvise ;

La jurisprudence est constante :

- l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise. (Cour de Cassation Chambre sociale. Audience publique du 8 décembre 2004. N' de pourvoi: 03-15535)

- Il résulte de l'article L. 236-9 du Code du Travail que l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de procédure de contestation éventuelle de cette expertise dès lors qu'aucun abus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'est établi. (Cour de Cassation. Chambre sociale. Formation de section. 26 juin 2001 Arrêt n° 3096. Pourvoi n° 99-18249 Cour de Cassation. Chambre sociale. Audience publique du 26 juin 2001. N° de pourvoi : 99-16096 Cour de Cassation. Chambre sociale, Audience publique du 14 février 2001. N' de pourvoi : 98-21438. Cour de Cassation. Chambre sociale. Audience publique du 6 avril 2005. W de pourvoi : 02-19414)

- Sauf abus, les honoraires de représentation devant la Cour de cassation du CHSCT sont misà la charge de l'employeur en application de l'article L. 236-9 du Code du Travail. (Cour de Cassation. Chambre sociale. Audience publique du 25 juin 2003. N° de pourvoi : of-13826). Le Tribunal dira, en conséquence, que les frais de procédure et dé ens, comme les frais d'expertise, seront supportés  par l'employeur. Il fixera les honoraires d'avocat u CHSCT à la somme de 4.000€ HT soit 4.784 €171°C selon facture versée au débat.

III - MOTIFS DE LA DÉCISION DU JUGE

Attendu que l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics a été prise au visa, en ce ui concerne les marchés publics de service, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et u Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ; que les dispositions de 1 ordonnance du 6 juin 2005, qui transpose en droit interne les dispositions du droit communautaire, doivent être interprétées à la lumière de celles figurant dans les instruments communautaires ;

Attendu que, pour prétendre que le COMITE D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL aurait du se soumettre aux dispositions du Code des Marchés issues de l'ordonnance du 6 juin 2005, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES soutient que le COMITE D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL est "un organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial" ;

Attendu que cette qualification est nécessaire pour rendre applicables à la désignation d'un expert par le COMITE D'HYGIENE, DE SECURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL les dispositions relatives aux marchés publics contenues dans l'ordonnance du 6 juin 200, dès lors qu'il n'est pas contestable que l'activité du Comité étant à la charge du CENTRE HOSPITALIER LTNIVERSITAIRE DE NANTES, elle est "financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au Code des Marchés Publics ou à la présente ordonnance" ;

Or, attendu que s'il n'existe pas de définition en droit communautaire de "l'entité créée satisfaire spécifiquement un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial", ni de la notion de "besoin général", il s'évince de la jurisprudence de la Cour de Justice de la Communauté Européenne que l'activité exercée par l'entité considérée doit correspondre à un besoin de service public ou assimilé, caractérisé par le fait qu'il s'adresse à un public ou à un ensemble de personnes sans qu'ils appartiennent nécessairement à l'organisme auteur du marché (impression de documents officiels, tels que des passeports, cartes d'identité et permis de conduire (CJCE, 15 janv. 1998, Munnesman Anlagenbau E.A., aff C-44/96, Rec. I. 73), enlèvement et traitement des ordures ménagères (CJCE, to nov. 1998, BFI Holding, aff. C-36o/96, préc.), gestion et entretien des forêts nationales et soutien ù l'industrie forestière (CJCE, 17 déc. 1998, Commission c/ Irlande, aff C-353/96, Rec. I. 8565 ; GICE, 17 déc. 1998, Connemara Machine Turf, aff C-306/97, Rec. I. 8761), gestion d'une université (CJCE, 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff C-380/98, Rec. I. 8035), gestion de réseaux publics de télécommunications (CJCE, 7 déc. 2000, Telaustria et Telefonadress, aff C-324/98, Rec. 10745), construction et gestion de lovernents sociaux (C.JCE, ter févr. 2001, Commission c/ France, ajr. C-237/99, ReC. I. 939), activites mortuaires et pompes fimèbres (CJCE, 27féur. 2003, Adolf Tru ey, aff. C-273/00, préc. ;

Attendu que tel n'est pas le cas du COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES, dont la mission consiste à veiller à la préservation de la santé et aux conditions de travail des seuls salariés employés paç l'établissement auquel ils appartiennent ; que la désignation de l'expert par le COMITE D'HYGIÈNE, DE SECURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES n'entre pas dans le champ de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics ; que, faute d'être une entité créée pour satisfaire spécifiquement un besoin d'intérêt général, au sens de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, le COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SECURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL ne peut donc se voir imposer le respect des prescriptions du Code des Marchés Publics pour le choix, au surplus discrétionnaire, de l'expert agreé auquel il décide de recourir en application de l'article L 4614-12 du Code du Travail ; que ce seul motif conduit à rejeter des demandes du CENTRE HOSPITALIF.R UNIVERSITAIRE DE NANTE S ;

Attendu qu'il n'y pas lieu de donner acte au COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL de positions qui résultent des écritures du demandeur, cette demande étant sans effet sur la solution du litige ; que, par ailleurs, il convient de proroger, dans les termes du dispositif de la présente décision, le délai fixé à l'expert désigné par le Comité, afin de tenir compte de la durée de la procédure ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de paiement des honoraires de l'avocat ayant assuré sa défense dans la présente instance, le COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL produit une facture de 4.000 € hors taxes ; que le temps total consacré au proçès, dont le détail figure dans la facture du conseil du COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL, est de 29 heures, dont i h 30 de secrétariat n'impliquant pas une participation personnelle de l'avocat ; que si le temps total de travail facturé peut paraître élevé, en ce qu'il ,comprend ft heures de rendez-vous et de réunions avec les membres du COMITE D'HYGIENE, DE SÉCURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL, auxquelles s'ajoutent 8 heures pour la rédaction des conclusions et 3 heures pour les recherches jurisprudentielles et documentaires, cette relative importance du temps passé à des réunions avec des participants non juristes est compensée par le coût modéré de l'heure de l'avocat, qui s'établit à 145, € hors taxes, tous frais inclus (4.000 €/27,5 heures) ; que dès lors, les honoraires dont le COMITE D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL demande la prise en charge ne paraissent pas abusifs ; qu'il convient de faire droit à la demande formulée de ce chef par le COMITE D'HYGIÈNE, DE SÉCURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL ;

Attendu que la nature de l'affaire justifie, en tant que de besoin, l'exécution provisoire de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS

LE PRÉSIDENT,

Statuant publiquement et en premier ressort,

Rejette les demandes du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES.

Dit que le délai dont dispose l'expert pour réaliser son expertise commencera à courir du jour de la signification de la présente décision.

Fixe à la somme de 4.784 YI'C les honoraires de l'avocat assistant le COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL dans la présente instance.

Ordonne l'exécution provisoire.

Condamne le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES aux dépens.