Revenir aux résultats de recherche

Conseil d'Etat, 15 décembre 2011, n°345452 (patient étranger - traitement approprié à son état)

Monsieur X, ressortissant algérien, souffrant d'une pathologie ophtalmique est entré en France sous couvert d'un visa multi-entrée et a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Le Préfet de police de Paris lui a, dans un premier temps, accordé une autorisation provisoire de séjour puis, par arrêté en date du 4 juillet 2008, refusé de lui accorder le titre de séjour prévu à l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire. Monsieur X a saisi le Tribunal administratif de Paris qui a annulé, par jugement du 11 février 2009, la décision préfectorale et a enjoint au préfet de police de délivrer au requérant un certificat de résidence de ressortissant algérien mention vie privée et familiale. La Cour administrative d'appel de Paris ayant confirmé ce jugement le 18 octobre 2010, le Ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation.

La Conseil d'Etat annule l'arrêt attaqué et le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 11 février 2009 en considérant qu'il ressort "de l'avis en date du 1er avril 2008 du médecin chef du service médical de la préfecture de police et des pièces produites par le préfet de police, notamment une liste d'établissements hospitaliers spécialisés en ophtalmologie accessibles dans plusieurs villes d'Algérie, qu'un traitement approprié à l'état de santé de Monsieur X est disponible dans ce pays".

 

 

 

  

Conseil d'État

N° 345452   
Inédit au recueil Lebon
7ème sous-section jugeant seule
M. Rémy Schwartz, président
M. Stéphane Bouchard, rapporteur
M. Nicolas Boulouis, rapporteur public

lecture du jeudi 15 décembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi, enregistré le 31 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09PA01427 du 18 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0815211/5 du 11 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 4 juillet 2008 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Mustapha A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissant algérien âgé de 51 ans, souffrant d'une pathologie ophtalmique, est entré en France le 18 juin 2006 sous couvert d'un visa multi-entrée et a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade ; qu'après lui avoir accordé une autorisation provisoire de séjour prorogée jusqu'au 26 mai 2008, le préfet de police de Paris par arrêté en date du 4 juillet 2008, a refusé d'accorder à M. A, le titre de séjour prévu par l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire ; que le tribunal administratif de Paris, saisi par M. A, a annulé par jugement en date du 11 février 2009 la décision préfectorale et a enjoint au préfet de police de délivrer un certificat de résidence de ressortissant algérien mention vie privée et familiale ; que la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement par son arrêt du 18 octobre 2010 ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION se pourvoit à l'encontre de cet arrêt ;

Considérant que le ministre soutient que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est entaché de dénaturation en ce qu'il a jugé, d'une part, que le défaut de traitement approprié à la pathologie ophtalmique dont souffre M. A pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, que ce traitement ne pouvait pas lui être dispensé en Algérie ; que, s'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les traitements ophtalmiques dont s'agit ont pour objet d'éviter l'accentuation de la baisse de vision entraînée par une pathologie dégénérative chronique et évolutive sans guérison possible pouvant mener à la cécité et à supposer que la cour administrative d'appel de Paris ait pu, dès lors juger, sans commettre de dénaturation, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une extrême gravité, eu égard à l'évolution prévisible de la maladie, il ressort toutefois de l'avis en date du 1er avril 2008 du médecin chef du service médical de la préfecture de police et des pièces produites par le préfet de police, notamment une liste d'établissements hospitaliers spécialisés en ophtalmologie accessibles dans plusieurs villes d'Algérie, qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. Benhamed est disponible dans ce pays, sans que par ailleurs les différents certificats médicaux produits par ce dernier, insuffisamment circonstanciés sur ce point, ne permettent de les contredire ; que par suite, en jugeant que le traitement était indisponible en Algérie, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt de dénaturation ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, comme il vient d'être dit, que, à supposer que le défaut de traitement de l'affection dont souffre M. A puisse entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, il est pour autant établi qu'un traitement approprié à son état existe en Algérie ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé son arrêté du 4 juillet 2008 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'ainsi, le jugement en date du 11 février 2009 du tribunal administratif de Paris doit être annulé ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant que si M. A se plaint de ce que le préfet de police aurait insuffisamment motivé sa décision, celle-ci, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée ;

Considérant que si M. A soutient que la décision du préfet de police attaquée serait viciée en ce que celui-ci se serait cru lié par l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police, le moyen manque en fait ;

Considérant que si M. A soutient, d'une part, que l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police aurait dû lui être communiqué, aucune disposition n'impose au préfet de communiquer au requérant cet avis et que, d'autre part, celui-ci serait incomplet en ce qu'il ne comporte pas de précision quant à la gravité de son état, la nature des traitements suivis et la durée prévisible des soins, il ressort des pièces du dossier que l'avis comporte les informations prévues par l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision obligeant à quitter le territoire :

Considérant, d'une part, que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur dispose : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir, d'une part, que le préfet de police n'aurait pas compétence pour prononcer une mesure d'obligation pour quitter le territoire et, d'autre part, que la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

Considérant, d'autre part, que M. A soutient que le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que celui-ci dispose : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ; que le préfet de police, qui, après avis du médecin chef du service médical de la préfecture du police, a fondé sa décision sur la circonstance que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci n'est pas de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, n'a pas méconnu les dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par sa décision du 4 juillet 2008, le préfet de police de Paris lui a refusé le titre de séjour demandé et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
--------------
A

rticle 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 18 octobre 2010 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 février 2009 sont annulés.
 

Article 2 : La demande de M. A présentée devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
 

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
 

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à Monsieur Mustapha A.