Deux enfants nés le 26 juin 2003 ont été suivis, à l'initiative de leur mère et sans que leur père en soit averti (les parents étant séparés), dans une unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent au cours de l'année 2008. En prenant connaissance de ces consultations, Monsieur W, le père de ces enfants, a adressé un courrier aux psychologues de cette unité les informant de son opposition formelle à un tel suivi. La prise en charge des enfants a cessé immédiatement. Pour autant, Monsieur W demande au centre hospitalier en cause réparation de son préjudice subi consécutif au suivi de ses deux enfants dans cette unité. L'établissement de santé rejette sa demande. Le Tribunal administratif de Paris rejette également sa requête après avoir précisé qu'une consultation médicale constituant un acte usuel au sens des dispositions de l'article 372-2 du code civil, "le requérant n'est pas fondé à invoquer un défaut d'information", l'épouse de Monsieur W était réputée avoir agi avec son accord. "Dès lors, le chef de l'unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent n'était pas tenu d'informer Monsieur W de ces consultations". Le Tribunal souligne également que la responsabilité d'un établissement de santé pour faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne saurait être engagée lorsqu'un entretien avec un médecin demandé par le requérant le 30 avril 2008, lui est accordé le 2 juin de la même année, soit après cinq semaines. "Ce délai n'est pas disproportionné au regard des contraintes de gestion d'une unité de psychopathologie dans un groupe hospitalier". |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
N° 1002822/6-3 |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE |
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M. Nicolas W. |
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Mme Bories Rapporteur |
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Mme Nikolic Rapporteur public |
(6ème Section - 3ème Chambre) |
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Audience du 8 décembre 2011 Lecture du 13 décembre 2011 |
60-02-01-01-01-02
Vu la requête, enregistrée le 16 février 2010, présentée pour M. Nicolas W., demeurant au…., par Me Madjnoni d'Intignano ; M. W. demande au tribunal :
- d'annuler la décision du 18 décembre 2009 par laquelle l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice subi consécutif au suivi de ses deux enfants par l'unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent du groupe hospitalier X au cours de l'année 2008 et de condamner l'AP-HP à lui verser à ce titre la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts légaux ;
- de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. W. soutient que la décision attaquée ne mentionne pas la qualité de son signataire ; que celui-ci ne justifie pas d'une délégation régulière ; que la prise en charge de ses enfants est constitutive d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier ; qu'il n'a pas été informé du suivi de ses enfants, en violation des articles 1111-2 et R. 4127-42 du code de la santé publique ; que la prise en charge de ses enfants s'est faite en violation des articles 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2011, présenté par l'AP-HP, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que la décision attaquée mentionne qu'elle est signée par la directrice adjointe, qui bénéficiait d'une délégation de signature par un arrêté du 13 octobre 2009 ; que M. W. ne démontre pas l'existence d'un préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du 18 mars 2009 du Vice-président du Conseil d'Etat fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 ; - le rapport de Mme Bories ;
- et les conclusions de Mme Nikolic, rapporteur public ;
Considérant que M. W. est le père de deux enfants, nés le 26 juin 2003 ; que sa femme, dont il était alors séparé, a pris l'initiative de faire suivre leurs enfants dans l'unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent du groupe hospitalier X le 18 décembre 2008, sans en avoir préalablement averti leur père ; qu'en prenant connaissance de ces consultations, M. W. a adressé le 7 avril 2008 un courrier aux psychologues du service les informant de son opposition formelle à ce suivi ; que la prise en charge psychologique des enfants a cessé immédiatement ; que M. W. a été reçu par le chef de l'unité le 2 juin 2008 ; que par la décision attaquée du 18 décembre 2009 l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté la demande d'indemnisation présentée M. W. en réparation du préjudice subi consécutif au suivi de ses deux enfants par l'unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent du groupe hospitalier X au cours de l'année 2008 ;
Considérant, en premier lieu, que la décision du 18 décembre 2009 de l'AP-HP rejetant la demande d'indemnisation présentée M. W. est rédigée sur un papier à en-tête qui porte les mentions " Direction des affaires juridiques et des droits du patient" et "la directrice adjointe" donnant ainsi la qualité du signataire de ladite décision ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'indication de la qualité du signataire manque en fait et doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, le directeur général de l'AP-HP représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile ; que l'AP-HP a produit en cours d'instance l'arrêté du 17 juillet 2003, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 29 juillet 2003, par lequel le directeur général a donné délégation de pouvoir au directeur des affaires juridiques pour « prendre toutes les décisions relevant des attributions de la direction des affaires juridiques [...] » et a précisé que « conformément à l'article R. 761-3-20 dù code de la santé publique, le directeur des affaires juridiques peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature aux agents de ses services lorsqu'ils appartiennent à un corps ou exercent un emploi relevant de la catégorie A » ; que ce dernier a accordé à Mme … , directeur adjointe, par arrêté du 29 septembre 2009, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris le 13 octobre 2009, délégation de signature pour signer tous les actes, arrêtés et décisions visés par l'arrêté du 17 juillet 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 18 décembre 2009 ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n'empêche pas les Etats de prendre les mesures nécessaires dans l'intérêt des enfants » ; qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. [...] Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur [...] » ; qu'aux termes de l'article R. 4127-42 du même code : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement.[...] ; et qu'aux termes de l'article 372-2 du code civil : « A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 372-2 du code civil chacun des parents peut effectuer des actes usuels sans qu'il lui soit besoin d'établir qu'il dispose de l'accord exprès de l'autre parent ; qu'une consultation médicale constitue un acte usuel au sens des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte des dispositions sus analysées que l'épouse de M. W. était réputée avoir agi avec l'accord de M. W. pour le suivi psychologique de leurs enfants à l'hôpital X entre le 18 décembre 2007 et le 7 avril 2008 ; que, dès lors, le chef de l'unité de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent n'était pas tenu d'informer M. W. de ces consultations ni d'envoyer à chacun des époux W. le courrier daté du 15 octobre 2008 les informant de l'arrêt des consultations ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à invoquer un défaut d'information ; que le suivi de ses enfants par l'hôpital X n'a ainsi pas davantage porté atteinte au principe d'égalité des époux dans leurs relations avec leurs enfants protégé par les stipulations de l'article 5 du protocole additionnel n°7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les responsables du ' suivi des enfants du requérant avaient connaissance du contexte familial dans lequel ces derniers avaient été conduits dans le service ; qu'il n'est pas établi que la démarche thérapeutique exigeait des investigations supplémentaires de la part des responsables de ce suivi ni que le diagnostic posé en aurait souffert ; que M. W. ayant manifesté sa volonté de rencontrer le médecin qui suivait sa fille le 30 avril 2008, un entretien lui a été accordé le 2 juin 2008, soit après cinq semaines ; que ce délai n'est pas disproportionné au regard des contraintes de gestion d'une unité de psychopathologie dans un groupe hospitalier ; que le moyen tiré d'une faute dan l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l'AP-H doit dès lors être écarté ;
Considérant, enfin, que si M. W. soutient que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale aurait été méconnues, il n'assortit ce moyen d'aucun élément permettant au juge d'en apprécier le bien fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2009 par laquelle l'AP-HP a rejeté sa demande d'indemnisation doivent être rejetée ainsi que ses conclusions indemnitaires et celles présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE:
Article 1erLa requête de M. W. est rejetée.
Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M. Nicolas W., à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2011, à laquelle siégeaient :
M. Samson, président,
Mme Bories, premier conseiller, M. Dayan, premier conseiller,
Lu en audience publique le 13 décembre 2011.