Mme A a donné naissance le 2 mars 2009 à une fille présentant une agénésie transversale du membre supérieur gauche qui avait été détectée à la suite d'une échographie effectuée à vingt deux semaines d'aménorrhée. M. et Mme A recherchent la responsabilité de la maternité P et demandent une indemnisation pour refus d'interrompre une grossesse en raison de l'existence d'un handicap. En première instance, le Tribunal administratif de Nancy a, le 15 février 2011, rejeté sa requête. Les époux A font donc appel de ce jugement.
La Cour administrative d'appel de Nancy rejette également leur requête en considérant notamment que "en retenant que la grossesse de Mme A se poursuivait normalement et ne mettait donc pas, par elle-même, sa santé en péril, les premiers juges ont fait une exacte application, et sans erreur de droit, des dispositions de l'article L. 2213-1 du code de la santé publique ; qu'ils n'ont commis aucune erreur de fait en constatant que les demandes des époux A tendant à l'interruption de sa grossesse avaient été refusées en raison des avis du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal".
Pour mémoire, l'article L. 2213-1 du code de la santé publique dispose que l'interruption volontaire d'une grossesse peut, à tout époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
Cour Administrative d'Appel de Nancy
N° 11NC00619
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
M. LAURENT, président
M. Robert COLLIER, rapporteur
Mme DULMET, rapporteur public
LE PRADO, avocat
lecture du jeudi 12 janvier 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2011, présentée pour M. et Mme Mickaël A, domiciliés ..., par Me Brosseau ;
M. et Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900914 du 15 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête tendant à ce que la maternité régionale Adolphe Pinard soit condamnée à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des refus qui leur ont été opposés à leurs demandes d'interruption volontaire de grossesse ;
2°) de condamner la maternité régionale Adolphe Pinard à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation de leurs préjudices personnels ensemble la somme de 50 000 euros en tant que représentants de leur fille au titre du préjudice subi par elle, enfin la somme de 1 500 euros au titre des dépenses liées à la prise en charge de son handicap, ces sommes devant être assorties des intérêts et de leur capitalisation ;
3°) de condamner la maternité régionale Adolphe Pinard à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a dénaturé leur demande qui ne portait pas sur une interruption volontaire de grossesse mais sur une interruption médicale de grossesse alors que les premiers juges n'ont pas examiné leur conclusions tendant à ce qu'une réparation leur soit accordée pour faute commise dans le fonctionnement du service public hospitalier ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant à tort que la poursuite de sa grossesse par Mme A ne mettait pas sa santé en péril alors qu'en tout état de cause, le fait de ne pas assumer la perspective d'avoir un enfant atteint d'un handicap peut être considéré comme en lien avec la poursuite de la grossesse ;
- il ne résulte pas de l'instruction que le centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal aurait pris une décision le 18 décembre 2008 et les premiers juges ont commis une erreur de fait ;
- l'agénésie de l'avant bras gauche que présentait l'enfant à naître justifiait, comme le confirment les statistiques, une interruption médicale de grossesse dans un contexte familial au demeurant douloureux ;
- la fragilité de l'état psychique de la mère justifiait l'interruption médicale de grossesse qui a été refusée ;
- les appelants justifient des préjudices dont ils demandent réparation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2011, présenté pour la maternité régionale Adolphe Pinard, qui conclut au rejet de la requête de M. et Mme A ;
La maternité régionale Adolphe Pinard soutient que :
- le jugement est régulier et exempt de toute dénaturation ;
- les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article L.2213-1 du code de la santé publique et ils n'ont commis aucune erreur de fait ;
- l'état de santé de Mme A et la malformation dont était atteint le foetus ne justifiaient pas une interruption volontaire de grossesse au-delà du délai de vingt deux semaines d'aménorrhée ;
- les prétentions à indemnisation des appelants sont, pour partie irrecevables, pour partie infondées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :
- le rapport de M. Collier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,
- et les observations de Me Brosseau, avocat de M. et Mme A ;
Considérant que Mme A a donné naissance, le 2 mars 2009, à une fille présentant une agénésie transversale du membre supérieur gauche qui avait été détectée à la suite d'une échographie effectuée à vingt deux semaines d'aménorrhée ; que M. et Mme A recherchent la responsabilité de la maternité régionale Adolphe Pinard et leur indemnisation pour leur avoir refusé d'interrompre cette grossesse en raison de l'existence de ce handicap ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les dispositions de l'article L.2213-1 du code de la santé publique qualifient d'intervention volontaire de grossesse celle qui peut être pratiquée, à toute époque, dès lors qu'un motif médical tenant à la santé de la femme ou à celle de l'enfant la justifie ; que les appelants ne sont, ainsi, pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient dénaturé leur demande en ne distinguant pas interruption volontaire de grossesse et interruption médicale de grossesse ; que, par ailleurs, en rejetant leurs prétentions à indemnisation en l'absence de faute de la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy, les premiers juges ont exactement répondu à toutes leurs conclusions ;
Sur la responsabilité et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de toutes les conclusions de la requête:
Considérant qu'aux termes de l'article L.2213-1 du code de la santé publique : L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. ;
Considérant, en premier lieu, qu'en retenant que la grossesse de Mme A : se poursuivait normalement et ne mettait donc pas, par elle-même, sa santé en péril , les premiers juges ont fait une exacte application, et sans erreur de droit, des dispositions précitées de l'article L.2213-1 du code de la santé publique ; qu'ils n'ont commis aucune erreur de fait en constatant que les demandes des époux A tendant à l'interruption de sa grossesse avaient été refusées en raison des avis du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ;
Considérant, en second lieu, que M. et Mme AA n'invoquent à l'appui de leurs conclusions tendant à ce que la responsabilité de la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy soit engagée pour avoir fait une inexacte application des dispositions de l'article L.2213-1 du code de la santé publique aucun autre moyen que ceux déjà présentés devant le Tribunal administratif de Nancy ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les circonstances que, de manière générale, des statistiques montreraient que des malformations du foetus conduisent, dans des proportions importantes, à des interruptions médicales de grossesse et que la position du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal qui s'est prononcé sur leur demande ne correspondrait pas à celle traditionnellement adoptée au niveau national ne pouvant être utilement invoquées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête tendant à ce que la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy soit condamnée à réparer les préjudices consécutifs au refus d'interrompre la grossesse de Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy, qui n'est pas la partie perdante dans le présente instance, les sommes que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et à la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy.