Cette fiche pratique élaborée par la Direction des affaires juridiques a pour objet de rappeler les principes communs à tous les régimes de responsabilité, les fondements de la responsabilité administrative disciplinaire et pénale à l’hôpital. Sont également abordés les cas résiduels de mise en œuvre de la responsabilité civile à l’hôpital.
Pour aller à l’essentiel…Dans leurs activités de prévention de diagnostic et de soins, les établissements publics de santé et les personnels qui y exercent relèvent principalement d’une responsabilité administrative. C’est donc l’hôpital qui est susceptible de voir sa responsabilité mise en cause s’il survient un accident médical fautif ou un défaut dans l’organisation ou le fonctionnement du service.
A cet égard, l’AP-HP étant son propre assureur, les réclamations amiables ainsi que le contentieux sont traitées au sein de la Direction des affaires juridiques (par le Département de la médiation et de la responsabilité hospitalière en lien avec la cellule des médecins conseils). En outre, lorsqu’il est reproché à un agent la commission d’une infraction réprimée par le code pénal, des poursuites judiciaires sont susceptibles d’être engagées. Dans cette hypothèse (qui concerne en moyenne au sein de l’AP-HP 5 affaires par an) l’agent peut bénéficier d’une protection fonctionnelle assurée par l’institution (sauf si les faits revêtent le caractère d’une faute personnelle détachable du service, en cas d’acte volontaire accompli avec l’intention de nuire, par exemple). |
La responsabilité, au sens juridique, définit les règles selon lesquelles chacun (personne physique ou morale) est susceptible de répondre des conséquences dommageables de ses actes ou de ses abstentions.
Il existe 4 types de responsabilités :
- la responsabilité administrative et la responsabilité civile, qui visent à obtenir la réparation (l’indemnisation) des préjudices résultant du dommage subi ;
- la responsabilité disciplinaire (qualifiée parfois d’ordinale), qui a pour objet de sanctionner l’auteur d’un manquement aux obligations professionnelles ou déontologiques ;
- et la responsabilité pénale, qui tend à réprimer l’auteur d’une infraction prévue par le code pénal, le code de la santé publique ou d’autres textes spécifiques .
Ces différentes responsabilités ne sont pas exclusives les unes des autres. Un même fait peut, par exemple, engager à la fois la responsabilité administrative et la responsabilité pénale (c’est le cas lorsque ce fait constitue une faute de service et correspond également à une infraction pénale).
Il convient également de souligner que la responsabilité disciplinaire est indépendante des autres types de responsabilité : un manquement aux obligations professionnelles peut être sanctionné indépendamment de toute action en responsabilité administrative ou pénale.
1. Principes communs à tous les régimes de responsabilité
Pour mettre en jeu la responsabilité d’une personne, la réunion de trois éléments cumulatifs sont nécessaires, à savoir :
- une faute : attitude d’une personne qui, par une action volontaire ou involontaire ou même une omission, porte atteinte de manière illicite au droit autrui (par exemple à son intégrité physique)
- un dommage : préjudice matériel (tel que la perte d’un bien), physique (séquelles, préjudice esthétique, souffrances endurées,…) ou moral (souffrance liées à la perte d’un proche, atteintes au respect de la vie privée ou à l’honneur,…) subi par une personne par le fait d’un tiers.
- un lien de causalité : lien de cause à effet certain entre la faute et le dommage.
2. Les fondements de la responsabilité administrative à l’hôpital
2.1 Principes
La responsabilité administrative correspond à la responsabilité liée à l’activité des services publics. Dans le cadre de ses missions de service public, l’hôpital répond des fautes de ses agents et voit sa responsabilité directement engagée en cas de « faute de service ».
C’est donc l’administration, en l’espèce l’AP-HP, qui va être mise en cause par le patient. Du fait de son statut d’établissement public, l’appréciation des critères de mise en jeu de la responsabilité administrative relève du juge administratif.
Par exception, en cas de faute personnelle détachable du service, c’est la responsabilité civile de l’agent qui va être directement engagée devant le juge civil.
2.2 La responsabilité administrative liée à la pratique médicale : une responsabilité pour faute
Le code de la santé publique (CSP) affirme le principe de la responsabilité pour faute prouvée. L’article L. 1142-1 I. du CSP pose en effet le principe d’une responsabilité pour faute pour les actes de prévention, de diagnostic ou de soins.
Cette faute peut avoir deux origines, soit une faute « médicale » au sens large (une erreur de diagnostic, une mauvaise exécution de traitement ou de l’intervention,…) soit une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service (manque de coordination dans les services, défaut d’information ou de surveillance,…).
Toutefois, il existe certains cas de responsabilité sans faute, ainsi que des hypothèses où le législateur a créé un fonds spécial d’indemnisation. Ces différents cas concernent les dommages imputables à :
- une infection nosocomiale. Seule la preuve d’une cause étrangère pourrait exonérer l’hôpital de sa responsabilité : cette preuve est particulièrement difficile, le caractère endogène d’une infection ou l'état de santé dégradé du patient n’étant pas considéré par les juges comme une cause étrangère ;
- un produit de santé défectueux (une action récursoire contre le fabricant du produit défectueux est ouverte à l’hôpital) ;
- une vaccination obligatoire ou une vaccination contre la grippe A (H1N1) ;
- une contamination transfusionnelle (VIH, hépatite C) ;
- une contamination par l’hormone de croissance (maladie de Creutzfeldt-Jakob)
- la prise de benfluorex (Médiator).
La réparation des préjudices incombe, selon les cas, à l’hôpital ou à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
Enfin dans l’hypothèse d’un « aléa thérapeutique », c’est-à-dire en cas d’accident médical non fautif mais en lien direct avec un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ayant pour le patient des conséquences graves et anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, une réparation des préjudices sur le fondement de la solidarité nationale peut être demandée, en saisissant ONIAM.
Schéma relatif à l’organisation et au fonctionnement des juridictions administratives :- Juridiction administrative |
3. Les fondements de la responsabilité disciplinaire
La responsabilité disciplinaire est engagée lorsqu’un manquement aux obligations professionnelles est constaté. Toutefois, il n’existe pas de définition légale de la faute disciplinaire. Cependant, la jurisprudence administrative a dégagé des manquements aux diverses obligations inhérentes au statut de la fonction publique hospitalière susceptibles de constituer un fondement à une sanction disciplinaire.
La loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit la répartition des sanctions disciplinaires en quatre groupes (les plus graves relevant de la compétence du Conseil de discipline) :
- Premier groupe : l'avertissement, le blâme ;
- Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ;
- Troisième groupe : la rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ;
- Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office, la révocation.
Il convient de préciser que le directeur de l’établissement hospitalier exerce son autorité et son pouvoir disciplinaire sur l’ensemble des personnels dans le respect des règles déontologiques des professions de santé. L'exercice du pouvoir disciplinaire (et par exemple, de licenciement pour insuffisance professionnelle) des personnels de direction, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers relève néanmoins du Centre national de gestion placé auprès du ministère en charge de la santé.
Focus : la responsabilité ordinale des médecins
Les médecins hospitaliers peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance du Conseil de l’Ordre à l’occasion des actes accomplis dans le cadre de leur mission de service public en cas de manquement à leurs obligations déontologiques. La chambre disciplinaire de première instance du Conseil de l’Ordre ne peut être saisie que par le ministre chargé de la santé, le préfet de département, le directeur général de l’Agence régionale de santé, le procureur de la République, le Conseil national ou le Conseil départemental de l’Ordre au tableau duquel le praticien est inscrit. Cette saisine peut intervenir à la suite d’une réclamation d’un patient contre un médecin et adressée à l’une de ces autorités.
Dès réception d’une plainte, le président du Conseil départemental de l’Ordre désigne un ou plusieurs conciliateurs parmi les membres de la commission de conciliation du Conseil. Ce n’est qu’en cas de non conciliation ou de conciliation partielle que la plainte est transmise à l’instance disciplinaire.
Après instruction contradictoire de la plainte, et si un manquement déontologique est constaté, le médecin peut encourir les peines suivantes : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire d’exercer (avec ou sans sursis), la radiation du tableau de l’Ordre. La peine prononcée le cas échéant peut être contestée devant la chambre disciplinaire nationale du Conseil de l’Ordre. Les décisions rendues par la chambre disciplinaire nationale sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat.
4. Les fondements de la responsabilité pénale
La responsabilité pénale est une responsabilité personnelle qui est engagée en cas de commission d’une infraction.
Trois éléments sont nécessaires pour que la responsabilité pénale soit engagée :
- un élément légal : existence d’un texte d’incrimination ;
- un élément matériel : existence d’un fait (action ou abstention) ;
- un élément moral : intention de commettre l’acte, manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
En pratique, la responsabilité pénale des professionnels de santé s’applique le plus souvent à raison :
- d’une infraction non intentionnelle (homicide ou des blessures involontaires) qui suppose une faute d’imprudence , de négligence ou d’inattention, un dommage et un lien de causalité certain entre la faute et le dommage ;
- d’une mise en danger de la vie d’autrui (délit presque intentionnel qui suppose un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité, légale ou réglementaire) ;
- d’une non assistance à personne en péril (délit d’abstention volontaire) ;
- d’une violation du secret professionnel (délit volontaire).
Il convient de souligner que la responsabilité pénale des personnes physiques n’exclut pas la responsabilité pénale de la personne morale, établissement public de santé, dès lors que l’infraction pénale a été commise pour son compte par ses organes ou représentants (article 121-2 du code pénal).
Il faut également noter que la faute pénale non intentionnelle des personnes physiques (homicide et blessures involontaires) doit être d’une certaine gravité pour être punissable (faute délibérée ou faute caractérisée avec connaissance d’un risque d’une particulière gravité) dans le cas où le lien de causalité entre la faute involontaire et le dommage est indirect.
Pour information ….Lorsqu’un agent ou un ancien agent du service public hospitalier voit sa responsabilité pénale engagée à raison d’une infraction, celui-ci peut bénéficier de la protection fonctionnelle issue de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à l’exception des faits qui revêtent le caractère d’une faute personnelle.
Cette protection légale a pour fonction d’assurer tant une assistance dans les formalités à effectuer que la prise en charge des frais d’avocat à l’égard de l’agent mis en cause. |
Schéma relatif à l’organisation et au fonctionnement des juridictions pénales :- Les juridictions pénales |
5. Les cas résiduels de mise en œuvre de la responsabilité civile à l’hôpital
5.1 Principes
La responsabilité civile se définit comme l’obligation de réparer le préjudice qui résulte de l’inexécution d’un contrat ou de la violation du devoir général de ne pas causer de dommage à autrui. La question de la responsabilité civile est tranchée par les juridictions judiciaires.
5.2 Exemples relevant de la compétence des juridictions judiciaires en cas de contentieux
- Un médecin habilité à exercer une activité libérale à l’hôpital verrait sa responsabilité civile personnelle engagée s’il commet une faute au cours de la prise d’un patient en secteur privé.
- Tout agent public qui commettrait une faute personnelle détachable du service verrait sa responsabilité civile propre engagée. La notion de faute personnelle correspond à une faute commise dans le cadre du service mais détachable de l’exercice des fonctions c’est-à-dire soit une faute intentionnelle (l’agent agit dans son intérêt personnel et/ou dans le but de nuire à autrui), soit une faute d’une particulière gravité (comme un manquement inadmissible aux règles déontologiques).
Exemple : CE, 28 décembre 2001, n° 213931 : Commet une faute personnelle détachable du service, le médecin qui tarde à révéler une erreur médicale commise dans son service, ayant entraîné un choc septique pour le patient.
N.B. : en pratique, cette faute est très rarement invoquée par l’administration ou retenue par les tribunaux.
Schéma relatif à l’organisation et au fonctionnement des juridictions civiles :- Les juridictions civiles |