Mme T, atteint d'une sclérose en plaques qu'elle impute à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue en tant qu'agent hospitalier, a recherché la responsabilité sans faute de l'Etat au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires. Le Ministre chargé de la santé, après avis de la commission d'indemnisation placée auprès de l'ONIAM a refusé de lui accorder une indemnité à ce titre. Le Tribunal administratif de Limoges a, le 20 novembre 2008, rejeté ses conclusions indemnitaires. La Cour administrative d'appel de Bordeaux a également rejeté sa requête. Mme T se pourvoit alors en cassation.
La cour rejette sa demande et, après avoir constaté que les symptômes de la maladie de Mme T sont apparus 8 mois après la 1ère injection, ou 4 mois après la dernière, considère que l'imputation de la maladie à la vaccination ne peut être regardée comme établie eu égard aux délais écoulés entre les injections du vaccin et l'apparition des symptômes de la maladie.
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 27 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile A, demeurant au lieu-dit ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX00236 du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0700360 du 20 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle impute à sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu le décret n° 2005-1768 du 30 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gérald Bégranger, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, atteinte d'une sclérose en plaques qu'elle impute à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue en tant qu'agent des services hospitaliers à la maison de retraite de Mainsat, a recherché la responsabilité sans faute de l'Etat au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires ; que le ministre chargé de la santé, après avis de la commission d'indemnisation placée auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a refusé de lui accorder une indemnité à ce titre ; que par l'arrêt du 30 juin 2009 contre lequel Mme A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 novembre 2008 du tribunal administratif de Limoges rejetant ses conclusions indemnitaires ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat. (...) ; que ces dispositions sont demeurées applicables aux demandes d'indemnisation adressées à l'Etat avant l'entrée en vigueur du décret du 30 décembre 2005 pris pour l'application de celles issues de la loi du 9 août 2004 ; qu'il en va ainsi notamment des demandes qui, comme en l'espèce, étaient pendantes à la date d'entrée en vigueur de ce décret, lesquelles, en vertu de son article 7 dans sa rédaction initiale, sont instruites par l'ONIAM et examinées par une commission d'indemnisation placée auprès de cet établissement, mais continuent de donner lieu à une décision du ministre chargé de la santé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou des personnes publiques mentionnées à l'article 7 de cette ordonnance, au nombre desquelles les établissements publics hospitaliers, ou les ayants droit de ces agents qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers, doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ; qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ils sont tenus à la même obligation, en tant qu'assurés sociaux, envers la caisse de sécurité sociale ou la société mutualiste leur servant les prestations en nature de l'assurance maladie ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques et des organismes de sécurité sociale susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit et d'en demander remboursement, par subrogation dans les droits de la victime, à la personne responsable du dommage, qualité que les dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique confèrent à l'Etat quand le dommage est imputable à une vaccination obligatoire ; que devant les juges du fond, Mme A a fait connaître sa qualité de fonctionnaire hospitalier ; qu'en ne communiquant pas sa requête à l'établissement qui l'employait, à la Caisse des dépôts et consignations, en sa qualité de gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, et à la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle elle était affiliée, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité ; que Mme A est, par suite, fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le tribunal administratif était tenu de communiquer la demande de Mme A à l'établissement qui l'employait, à la Caisse des dépôts et consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle elle était affiliée ; que faute de l'avoir fait, il a entaché son jugement d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance de Mme A ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis dans le cadre de la procédure amiable, que Mme A a reçu cinq injections du vaccin contre l'hépatite B, le 11 décembre 1992, les 25 mars, 25 avril et 3 juin 1994 et le 3 avril 1995 et que son atteinte par la sclérose en plaques a été diagnostiquée en février 1999 ; qu'elle soutient avoir ressenti de premiers symptômes de la maladie ultérieurement diagnostiquée, sous forme d'épisodes d'asthénie et de douleurs des membres accompagnés de paresthésies, dans un bref délai après la première et la dernière injection ; que toutefois, à supposer même que ces épisodes soient en relation avec la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée, ni le rapport de l'expert, ni l'extrait du dossier médical produit par Mme A ne permettent de les dater plus tôt que le mois d'août 1993, soit huit mois après la première injection, ou que le mois d'août 1995, soit quatre mois après la dernière ; qu'ainsi, en tout état de cause, eu égard au délai écoulé entre les injections du vaccin et l'apparition des symptômes de la maladie, son imputation à la vaccination ne peut être regardée comme établie ; que la circonstance que Mme A ait été mise à la retraite pour invalidité imputable au service n'est pas de nature, à elle seule, à établir que la vaccination qu'elle a subie engage la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;
Considérant que les conclusions indemnitaires de Mme A doivent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la santé et des solidarités ni d'ordonner l'expertise sollicitée, être rejetées ; que doivent également l'être, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 20 novembre 2008 du tribunal administratif de Limoges sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Cécile A, à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaston Rimareix, à la Caisse des dépôts et consignation, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.