Cet arrêt relance le débat sur la gestation pour autrui et la retranscription sur les registres d’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger d’une mère porteuse. En l’espèce, à la suite d’une de la réalisation en Inde des actes d’état civil de jumeaux pour lesquels une convention de mère porteuse avait été passée, le père biologique a demandé la retranscription sur les registres consulaires. Le Tribunal de grande instance de Nantes (TGI) a accueilli favorablement la demande. Toutefois, le Ministère public a interjeté appel sur le fondement de l’interdiction de la procréation pour le compte d’autrui par l’article 16-7 du Code civil. Or, la Cour d’appel de Rennes confirme la décision des premiers juges et admet la retranscription sur les registres d’état civil de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une convention de mère porteuse passée à l’étranger. Dans cette affaire, la Cour d’appel fait état des jurisprudences de la première chambre de la Cour de cassation du 6 avril 2011 mais considère que cette position concernait « des cas d’espèces différents en ce que l’état civil des enfants en cause était mensonger quant à leur filiation maternelle et que le contentieux portait sur l’exequatur d’actes étrangers ». Or, en l’espèce, le fait que les jumeaux avaient fait l’objet d’une convention illicite en France n’était nullement contesté. Ainsi, la Cour d’appel relève « qu’elle n’est pas saisie de la validité d’un contrat de gestation pour autrui, mais de la transcription d’un acte de l’état civil dont ne sont contestées ni la régularité formelle, ni la conformité à la réalité de ses énonciations. Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil, sans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.».
REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 21 FEVRIER 2012
6e Chambre A
ARRET N°434
R.G: 11/02758
MINISTERE PUBLIC
C/
M. X
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le premier juge rappelait en premier lieu les dispositions de l’article 47 du code civil qui pose le principe d’une présomption de validité, et donc d’opposabilité en France, des actes de l’état civil étranger dressés dans les formes du pays considéré ; cette présomption cédant face à la preuve de leur irrégularité intrinsèque ou bien en regard d’éléments extrinsèques établissant qu’ils ne sauraient être conformes à la réalité. Il constatait qu’en l’espèce, ces dispositions avaient été respectées.
En deuxième lieu, le tribunal, éludant le débat sur la preuve, a estimé qu’à supposer établi que les enfants en cause aient été le fruit d’un contrat de gestation pour autrui frappé d’une nullité d’ordre public par application des dispositions de l’article 16-7 du code civil, cette violation de l’ordre public ne justifiait pas que ces enfants soient privés en France d’un état civil qui reflète une filiation incontestable et incontestée. Le premier juge estimait encore qu’une décision contraire serait opposée à l’intérêt supérieur de ces enfants au sens de l’article 3-1 de la CEDH ; qu’ainsi, la fraude de leur auteur, à la supposer avérée, ne saurait leur nuire.
Le Ministère Public rappelle qu’une enquête menée par les services de police de LYON a établi la réalité des faits relatifs au contrat frauduleux passé par l’intimé,ui-même pacsé avec un homme ayant eu recours à la même filière pour se retrouver père de deux autres jumeaux d’origine indienne. Il relève encore que figure au dossier un courrier des services de l’hôpital XXXXX indiquant précisément que les enfants sont nés d’une « mère porteuse ». Il considère que les actes dont la transcription est sollicitée sont le produit d’un contrat prohibé, ainsi qu’il a été constaté par le tribunal, et doivent donc ne pas produire en France de conséquences juridiques.
La Cour constatera tout d’abord que Monsieur X, dans ses conclusions de confirmation, se contente d’adhérer à la motivation du jugement déféré, sans se donner la peine de contester la fraude à l’ordre public français à l’origine de la paternité qu’il revendique. Elle retiendra encore que les éléments réunis par le Ministère Public établissent effectivement l’existence d’un contrat prohibé par les dispositions de l’article 16-7 du code civil.
Il sera observé que les jurisprudences de la 1ère chambre de la Cour de Cassation du 6 avril 2011 versées aux débats par le Ministère Public, si elles rappellent effectivement les dispositions d’ordre public relatives à la gestation pour autrui, intéressent cependant des cas d’espèces différents en ce que l’état civil des enfants en cause était mensonger quant à leur filiation maternelle et que le contentieux portait sur l’exequatur ’actes étrangers.
Enfin, la Cour relèvera qu’elle n’est pas saisie de la validité d’un contrat de gestation pour autrui, mais de la transcription d’un acte de l’état civil dont ne sont contestées ni la régularité formelle, ni la conformité à la réalité de ses énonciations.
Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil, sans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens demeureront à la charge du Trésor Public.
DECISION PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport à l’audience,
Confirme le jugement du 17 mars 2011,
Dit que le Trésor Public supportera la charge des dépens.