En l’espèce, un fonctionnaire exerçant au sein d’un établissement public de santé conteste le refus que lui a opposé à deux reprises, en 2000 et en 2002, son hôpital de le réintégrer à l’issue de sa disponibilité, alors qu’il en avait fait la demande dès 1996. En 2006, le tribunal administratif a annulé les décisions de l’hôpital refusant de le réintégrer à l’issue d’une période de disponibilité et l’a enjoint de procéder à cette réintégration sur le premier poste vacant correspondant à son grade, et de reconstituer sa carrière à compter du 13 octobre 1997, date à laquelle avait été affecté un autre agent sur un emploi vacant équivalent à celui qu’il occupait antérieurement. Cette décision du Conseil d’Etat annulé le jugement sur le pourvoi de l’hôpital, mais confirme toutefois l’annulation des deux refus de réintégration litigieux.
Conseil d'État
N° 332091
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; FOUSSARD, avocats
lecture du lundi 12 mars 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'arrêt n° 07MA01695-07MA01752 du 30 juin 2009, enregistré le 17 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat les conclusions de l'HOPITAL SAINT-JEAN dirigées contre les articles 1er et 2 du jugement n° 0202058 - 0202059 du 20 décembre 2006 du tribunal administratif de Montpellier ;
Vu le pourvoi, enregistré le 11 mai 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'HOPITAL SAINT-JEAN, dont le siège est 20 avenue du Languedoc à Perpignan (66046), représenté par son directeur en exercice ; l'HOPITAL SAINT-JEAN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0202058 - 0202059 du 20 décembre 2006 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a annulé ses décisions des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002 refusant de réintégrer Mme Danielle A à l'issue d'une période de disponibilité et lui a enjoint de procéder à cette réintégration dans le premier poste vacant correspondant au grade de l'intéressée ainsi que de reconstituer sa carrière à compter du 13 octobre 1997 dans le délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Montpellier, auxquelles celui-ci a fait droit par les articles 1er et 2 de son jugement du 20 décembre 2006 ;
3°) de mettre à la charge de Mme A le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de l'HOPITAL SAINT JEAN et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme Danielle A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de l'HOPITAL SAINT JEAN et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme Danielle A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée soit à la demande de l'intéressé, soit d'office (...). Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires intéressés à l'expiration de la période de disponibilité. " ; qu'aux termes de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. (...) / (...) la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans. (...) / Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés. " ;
Considérant que, si le fonctionnaire hospitalier en disponibilité depuis plus de trois ans ne bénéficie pas du droit à la réintégration dès la première vacance, prévu par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988, il a toutefois droit à ce que des mesures soient prises dans un délai raisonnable, courant du jour à compter duquel il a demandé sa réintégration, pour que trois postes lui soient proposés comme le prévoient les dispositions du troisième alinéa du même article ; qu'à l'expiration de ce délai, le fonctionnaire a droit à ce que les emplois vacants correspondant à son grade lui soient proposés ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, adjoint des cadres hospitaliers au centre hospitalier Maréchal-Joffre de Perpignan ultérieurement dénommé l'HOPITAL SAINT-JEAN, a été mise en disponibilité sur sa demande à compter du 7 juin 1983 pour élever ses enfants puis pour suivre son conjoint ; que, par les articles 1er et 2 d'un jugement du 20 décembre 2006 contre lesquels l'HOPITAL SAINT-JEAN se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé deux décisions du centre hospitalier des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002 refusant de réintégrer Mme A à l'issue de sa disponibilité et a, d'autre part, enjoint au centre hospitalier de réintégrer l'intéressée dans le premier poste vacant correspondant à son grade et de reconstituer sa carrière à compter du 13 octobre 1997 ;
Considérant que, pour prononcer ces annulations et injonctions, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que, alors que Mme A avait demandé le 4 mars 1996 sa réintégration à compter du 7 juin 1996 et avait renouvelé sa demande le 2 avril 1996, le centre hospitalier, qui n'avait pas fait droit à ces demandes, avait ensuite affecté le 13 octobre 1997 un autre agent dans un emploi vacant correspondant au grade d'adjoint des cadres hospitaliers et équivalent à celui qu'occupait Mme A antérieurement à sa disponibilité ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en jugeant ainsi que cette fonctionnaire dont la disponibilité avait excédé trois ans avait droit à être nommée dans un emploi vacant, sans rechercher si le centre hospitalier avait, à la date de la vacance, disposé d'un délai raisonnable pour prendre des mesures afin de permettre la réintégration demandée par l'intéressée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'HOPITAL SAINT-JEAN est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du 20 décembre 2006 du tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans les limites de la cassation prononcée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi au bureau d'accueil dans lequel le centre hospitalier a affecté un autre agent le 13 octobre 1997, et qui constituait par suite un emploi vacant, correspondait au grade d'adjoint des cadres hospitaliers détenu par Mme A ; qu'à cette date, eu égard à l'importance de l'établissement et à la nature des fonctions pouvant être exercées par l'intéressée, le délai raisonnable dont disposait le centre hospitalier pour prendre des mesures afin de permettre la réintégration de Mme A et qui courait depuis la date du 7 juin 1996 à compter de laquelle l'intéressée avait demandé sa réintégration, était expiré sans qu'aucune proposition ne lui ait été faite ; que c'est dès lors en méconnaissance du droit de Mme A à être réintégrée dans un délai raisonnable que le centre hospitalier ne lui a pas proposé cet emploi ; que, dès lors que Mme A était ainsi maintenue illégalement hors de la position d'activité à laquelle elle avait droit, il s'ensuit que les décisions des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002 par lesquelles le centre hospitalier a refusé à nouveau de la réintégrer sont entachées de la même illégalité ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, Mme A est fondée à demander l'annulation de ces deux décisions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la demande, l'HOPITAL SAINT-JEAN a réintégré Mme A et a procédé à la reconstitution de sa carrière à compter du 13 octobre 1997 ; que, par suite, les conclusions de Mme A tendant à ce qu'il soit enjoint à cet établissement de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière à compter de cette date sont devenues sans objet ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que réclame l'HOPITAL SAINT-JEAN soit mise à la charge de Mme A qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'HOPITAL SAINT-JEAN le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme A au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de statuer sur les conclusions de Mme A tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'HOPITAL SAINT-JEAN au titre des frais exposés par elle devant la cour administrative d'appel de Marseille ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2006 sont annulés.
Article 2 : Les décisions du centre hospitalier de Perpignan des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002 sont annulées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A.
Article 4 : L'HOPITAL SAINT-JEAN versera une somme de 3 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'HOPITAL SAINT-JEAN présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'HOPITAL SAINT-JEAN et à Mme Danielle A.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Marseille.