Un gardien de la paix avait sollicité le 5 février 2004 une promotion exceptionnelle au titre de blessures subies en service, rejetée par décision implicite du Ministre de l’intérieur. Cette décision annulée par le Tribunal administratif le 27 décembre 2007 pour erreur manifeste d’appréciation, le gardien de la paix a été promu à compter du 1er janvier 2008, par arrêté en date du 18 avril 2008. Le requérant conteste ce dernier arrêté. Le Conseil d’Etat estime que « le ministre ne pouvait, sans méconnaître l'autorité s'attachant au jugement du tribunal administratif […] du 27 décembre 2007, différer jusqu'au 1er janvier 2008 la date d'effet de la mesure de promotion ; que par suite l'arrêté attaqué doit être annulé en tant qu'il fixe la date d'effet de la promotion de M. X ». Dès lors, l'annulation pour erreur manifeste d'appréciation d'une décision rejetant la demande de promotion d'un fonctionnaire implique nécessairement qu'une promotion soit accordée à l'intéressé à compter de la date à laquelle cette demande aurait normalement dû être accueillie. |
Conseil d'État
N° 351340
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP LAUGIER, CASTON, avocats
lecture du vendredi 15 février 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 27 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., demeurant... ; M. X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1000548 du 26 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2008 du ministre de l'intérieur en ce qu'il ne lui accorde un avancement au grade de brigadier de police qu'à compter du 1er janvier 2008 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de prendre un nouvel arrêté lui accordant le bénéfice d'un avancement au grade de brigadier de police avec maintien de l'ancienneté acquise à compter du 28 septembre 2004 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à cette demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M.X.,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de M. X.;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " I. - A titre exceptionnel, et nonobstant toutes dispositions contraires des statuts particuliers, les fonctionnaires actifs des services de la police nationale peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, faire l'objet des dispositions suivantes : (...) b) S'ils ont été grièvement blessés dans l'exercice de leurs fonctions, ils pourront être promus à l'un des échelons supérieurs, à la classe ou au grade immédiatement supérieur. (...). Les promotions prononcées en application des dispositions du présent article doivent, en tout état de cause, conduire à attribuer aux intéressés un indice supérieur à celui qui était le leur avant cette promotion " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X., alors gardien de la paix, a sollicité le 5 février 2004, sur le fondement des dispositions précitées, une promotion exceptionnelle au titre de blessures subies en service le 13 juin 1997 ; que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé cette promotion ayant été annulée à sa demande par un jugement du 27 décembre 2007 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, M. X. a été promu au grade de brigadier de police par un arrêté du 18 avril 2008 ; que M. X. a demandé au tribunal administratif d'annuler cet arrêté en tant qu'il ne lui accordait cet avancement qu'à compter du 1er janvier 2008 ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 mai 2011 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
3. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce qu'en accordant au requérant une promotion à compter du 1er janvier 2008, le ministre avait méconnu l'autorité s'attachant au jugement du 27 décembre 2007, le tribunal administratif a relevé que ce jugement se bornait à annuler le refus de promotion sans prendre parti sur la date à laquelle la promotion aurait dû prendre effet ; que, toutefois, s'agissant d'une mesure intéressant la carrière d'un fonctionnaire, l'annulation pour erreur manifeste d'appréciation de la décision rejetant la demande de promotion impliquait nécessairement qu'une promotion soit accordée à l'intéressé à compter de la date à laquelle cette demande aurait normalement dû être accueillie ; qu'ainsi le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant que, si le ministre soutient que la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 19 mars 2010, n'a pas été présentée dans le délai du recours contentieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué ait été notifié à M. X. ; que la circonstance qu'une copie de cet arrêté aurait été communiquée aux parties dans le cadre de l'instruction d'une demande d'exécution du jugement du 27 décembre 2007, formée par l'intéressé le 5 mai 2008 et rejetée par le tribunal administratif le 17 novembre 2009, n'a pu suffire à faire courir le délai du recours contentieux ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le ministre ne pouvait, sans méconnaître l'autorité s'attachant au jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 décembre 2007, différer jusqu'au 1er janvier 2008 la date d'effet de la mesure de promotion ; que par suite l'arrêté attaqué doit être annulé en tant qu'il fixe la date d'effet de la promotion de M. X. au grade de brigadier ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
8. Considérant que l'annulation de l'arrêté ministériel du 18 avril 2008 en tant qu'il n'accorde à M. X. une promotion au grade de brigadier qu'à compter du 1er janvier 2008 implique nécessairement que le ministre de l'intérieur prenne un nouvel arrêté accordant au requérant la promotion sollicitée à la date à laquelle sa demande aurait normalement dû être accueillie ; que cette date est celle à laquelle la commission administrative paritaire a émis l'avis exigé par l'article 36 précité du décret du 9 mai 1995, dès lors du moins que cet organisme s'est prononcé dans un délai raisonnable ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de M. X. a été examinée le 28 septembre 2004 par la commission administrative paritaire interdépartementale puis le 17 février 2005 par la commission administrative paritaire nationale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de prendre un arrêté accordant à M. X. une promotion au grade de brigadier de police prenant effet à cette dernière date ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.X., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 mai 2011 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 avril 2008 est annulé en tant qu'il n'accorde à M. X. la promotion au grade de brigadier de police qu'à compter du 1er janvier 2008.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de prendre, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision un arrêté accordant à M.X., une promotion au grade de brigadier police à compter du 17 février 2005.
Article 4 : L'Etat versera à M. X. une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. X. est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X. et au ministre de l'intérieur.