Par arrêté en date du 28 septembre 2011, le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a décidé la création d'un établissement public de santé intercommunal résultant de la fusion de deux centres hospitaliers. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif. La ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour d'annuler ce jugement en soutenant que si le CHSCT doit être consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, il n’y a pas lieu de le consulter en l’espèce puisqu'aucune des mesures prévues par l'arrêté en cause n'impose de modification des conditions de travail. La Cour considère « qu'eu égard à l'ampleur des réalisations définitives sur lequel le projet en cause avait vocation à déboucher de manière immédiate et aux modifications des conditions de travail en résultant de façon inéluctable, l'arrêté attaqué qui les induisait et en constituait le préalable nécessaire devait être regardé comme une décision d'aménagement important modifiant les conditions de travail au sens des dispositions (…) du code du travail, (…) qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en cause devait être précédée par la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». En conséquence, le recours de la ministre des affaires sociales et de la santé est rejeté. |
Cour Administrative d'Appel de Marseille
N° 12MA04000
2ème chambre - formation à 3
M. DUCHON-DORIS, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
COHEN, avocat
lecture du jeudi 20 février 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu I°), sous le n° 12MA04000, le recours, enregistré le 5 octobre 2012, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé ; la ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1107178 du 27 juillet 2012, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé à compter du 1er mars 2013 l'arrêté du 28 septembre 2011 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé la création de l'établissement public de santé intercommunal " Centre hospitalier du Pays d'Aix - Centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis " résultant de la fusion du centre hospitalier du Pays d'Aix et du centre hospitalier de Pertuis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour le syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis, pris en la personne de sa secrétaire générale et pour Mme C...épouseD..., par Me Cohen, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2013, présenté pour la ministre des affaires sociales et de la santé, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens, qu'elle précise ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 février 2014, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé ;
Vu II°), sous le n° 12MA04001, le recours, enregistré le 5 octobre 2012, de la ministre des affaires sociales et de la santé, qui demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1107178 du 27 juillet 2012 ;
Vu les observations présentées le 6 décembre 2012 par le directeur du centre hospitalier du pays d'Aix - centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2012, présenté pour le syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis, pris en la personne de sa secrétaire générale et pour Mme C...épouseD..., par Me Cohen, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour le centre hospitalier du pays d'Aix - centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, par Me B..., qui demande à la Cour de lui donner acte qu'il se joint aux demandes et conclusions de la ministre des affaires sociales et de la santé ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2013, présenté pour la commune d'Aix-en-Provence, prise en la personne de son maire, par la SCP Roustan Beridot, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2013, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de M. F...et de M. E...représentant le centre hospitalier du Pays d'Aix-centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, de Me A..., de la SCP Roustan Béridot, avocat de la commune d'Aix-en-Provence et de Me Cohen avocat du syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis, et de Mme C...épouse D... ;
1. Considérant, que par arrêté en date du 28 septembre 2011, le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a décidé la création, à compter du 1er janvier 2012, d'un établissement public de santé intercommunal résultant de la fusion du centre hospitalier du pays d'Aix et du centre hospitalier de Pertuis ; que, par un jugement du 27 juillet 2012, le tribunal administratif de Marseille, saisi par le syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis et par Mme C...épouse D...agissant en qualité de membre du conseil de surveillance de l'hôpital de Pertuis, de représentant du personnel au sein de la commission médicale d'établissement, du comité technique d'établissement, de la commission administrative paritaire locale et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et d'aide soignante de l'établissement de santé, a annulé cet arrêté à compter du 1er mars 2013 en indiquant que sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du 27 juillet 2013 contre les actes pris sur le fondement de cet arrêté, les effets produits par ce dernier antérieurement à son annulation seraient regardés comme définitifs ; que les requêtes susvisées n° 12MA04000 et n° 12MA04001 présentées par la ministre des affaires sociales et de la santé et tendant respectivement à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit sursis à son exécution sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant qu'ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 6141-1, L. 6141-7-1 et R. 6141-11 du code de la santé publique que la fusion de deux établissements publics de santé est décidée par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé après avis du conseil de surveillance de ces établissements, dès lors que le ressort du nouvel établissement issu de la fusion n'est pas national, interrégional ou régional ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4612-8 du code du travail, applicable aux établissements publics de santé en vertu de l'article L. 4111-1 du code du travail : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. " ;
4. Considérant, en premier lieu, que le ministre fait valoir qu'aucune disposition expresse du code de la santé publique n'évoque une consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en cas de fusion d'établissements publics de santé ; que ce silence ne saurait toutefois faire obstacle à ce que cette instance soit consultée dès lors que sont en cause des mesures répondant aux prévisions de l'article L. 4612-8 du code du travail ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article L. 4612-8 du code du travail que seules les décisions d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail doivent être précédées par la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que le ministre soutient qu'aucune des mesures prévues par l'arrêté en cause n'impose, par elle-même, une modification des conditions de travail ;
6. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du document intitulé " projet de fusion centre hospitalier du pays d'Aix - centre hospitalier de Pertuis, projet médical et de gestion mars 2011 " versé aux débats en première instance, que la fusion des deux centres hospitaliers a vocation à permettre la mutualisation de compétences et de moyens entre les deux établissements ; qu'elle induit une réorganisation de l'offre de soins sur les deux établissements, des aménagements architecturaux, et organisationnels ; que ce document évoque la réorganisation des gardes de pédiatrie et d'anesthésie, la nécessité d'organiser la permanence des soins sur un seul site dans le domaine de l'imagerie, de mettre en place un pôle unique d'imagerie englobant les deux sites et d'adapter les ressources humaines en fonction de l'activité, de redéployer les ressources humaines du plateau technique de biologie, de modifier l'organisation des pharmacies ; qu'il indique que la fusion implique notamment une réorganisation complète des services administratifs et logistiques et notamment une centralisation des fonctions ne nécessitant pas une localisation permanente, la réorganisation devant se faire par basculement sur le centre hospitalier du pays d'Aix de la plupart des fonctions pouvant être prises en charge depuis le site d'Aix et devant s'accompagner d'une amélioration conséquente des transports intersites ;
7. Considérant qu'en première instance, les parties ont été invitées par le tribunal a formuler des observations sur les conséquences d'une éventuelle annulation avec effet rétroactif de l'arrêté litigieux ; que tant l'agence régionale de santé que la commune de Pertuis ont fait valoir, au printemps 2012, la situation de confusion, voire de blocage et de paralysie, susceptible de résulter d'une annulation rétroactive de l'arrêté, la commune de Pertuis faisant notamment valoir le stade de réalisation juridique, technique et opérationnel avancé de cette restructuration ; que la commune a ainsi indiqué que certains services logistiques avaient été redimensionnés afin de répondre aux objectifs de la fusion, précisant notamment que les services administratifs, logistiques et financiers avaient été fusionnés sur le site aixois, que la fusion des standards téléphoniques était en cours et que l'entretien et le ménage sur le site de Pertuis étaient réorganisés ;
8. Considérant qu'eu égard à l'ampleur des réalisations définitives sur lequel le projet en cause avait vocation à déboucher de manière immédiate et aux modifications des conditions de travail en résultant de façon inéluctable, l'arrêté attaqué qui les induisait et en constituait le préalable nécessaire devait être regardé comme une décision d'aménagement important modifiant les conditions de travail au sens des dispositions de l'article L. 4612-8 du code du travail, alors même qu'un tel arrêté pourrait être regardé comme ne portant pas une atteinte grave et immédiate aux intérêts des personnels hospitaliers pour l'appréciation de la condition d'urgence posée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en cause devait être précédée par la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
9. Considérant, en troisième lieu que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a privé les intéressés d'une garantie ou s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ;
10. Considérant qu'ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de chaque établissement public de santé préalablement à l'avis émis par chaque conseil de surveillance sur la fusion envisagée, qui a pour objet d'éclairer chacun de ces conseils sur la position de l'instance chargée au sein de l'établissement concerné de contribuer à l'amélioration des conditions de travail et à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, constitue pour les représentants du personnel et les agents de chaque établissement intéressé par la décision de fusion, une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, s'il n'est pas contesté que, postérieurement à l'arrêté contesté, des informations ont été effectuées à destination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 24 novembre 2011 sur le site d'Aix-en-Provence et sur le site de Pertuis le 14 octobre 2011, le procès-verbal de cette dernière réunion n'ayant toutefois pas été approuvé, cette consultation a été postérieure aux délibérations des conseils de surveillance, consultés lors de leur séance du 31 mars 2011, sur le fondement desquelles a été pris l'arrêté attaqué du 28 septembre 2011 ; que la circonstance que les représentants du personnel ont pu s'exprimer à l'occasion des conseils de surveillance de l'un et l'autre site n'est pas de nature à pallier le défaut de consultation de l'instance chargée d'apprécier l'incidence collective et objective, chez les salariés concernés, des nouvelles conditions de travail induites par les décisions d'aménagement importantes, dès lors que les conseils de surveillance n'ont, précisément, pu être éclairé pas l'avis de cette instance, qui peut avoir recours à un expert ; que la consultation des personnels par le biais du comité technique d'établissement ou de la commission médicale d'établissement, instances dont la composition, les compétences et le rôle ne recoupent pas celles du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne saurait tenir lieu de consultation de ce dernier ; qu'ainsi l'omission de consultation préalable des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui a privé les représentants du personnel d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'arrêté attaqué ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre des affaires sociales et de la santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé, à compter du 1er mars 2013, l'arrêté du 28 septembre 2011, du directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur portant création, à compter du 1er janvier 2012, du centre hospitalier du Pays d'Aix- centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis ;
10. Considérant que, le présent arrêt statuant sur la requête n° 12MA04000 tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête n° 12MA04001 tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce même jugement devient sans objet ; qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'intervention de la commune d'Aix-en-Provence dans cette instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les intimés et non compris dans les dépens, à verser au syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution enregistrées sous le n° 12MA04001.
Article 2 : Le recours de la ministre des affaires sociales et de la santé est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis et de Mme C...épouse D...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des affaires sociales et de la santé, au syndicat CGT de l'hôpital de Pertuis, à Mme C... épouse D..., au centre hospitalier du Pays d'Aix - centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis, à l'agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, à la commune d'Aix-en-Provence et la commune de Pertuis.